Sarah Bernhardt (1844-1923) est considérée comme l’une des plus grandes tragédiennes de son temps. Elle fut, avant l’invention du cinéma, la première star mondiale.
À l’heure où le moindre artiste un tant soit peu célèbre, écrivain, peintre (Manet), chanteur de variété (Aznavour, Gainsbourg, Piaf), star de rock, couturière (Coco Chanel) se voit consacrer son biopic, il était inévitable que le cinéma français s’empare de la figure haute en couleur de Sarah Bernhardt. Femme libre, immense actrice de théâtre, elle incarne à elle seule une période, celle de la Belle Epoque, tellement cinégénique.
Guillaume Nicloux, plus à l’aise dans le polar poisseux que dans le film d’époque, s’acquitte dignement de la tâche. Les décors et les costumes sont resplendissants ; le casting rassemble tout ce que la Comédie-Française a de meilleur : Laurent Lafitte, Laurent Stocker, Sébastien Pouderoux. Et Sandrine Kiberlain, plus exubérante que jamais, lâche les chevaux en tête d’affiche.
Le problème de ce film est son point de vue. Sarah Bernhardt nous est certes présentée comme une femme libérée, une féministe avant l’heure, bisexuelle et ne se cachant pas de l’être, dreyfusarde quand l’antisémitisme suintait par tous les pores de la IIIème République. Mais elle est somme toute ramenée à un schème très sexiste : une femme qui n’a aimé qu’un seul homme, Lucien Guitry (Laurent Lafitte), et s’est consumée d’amour pour lui.
Plus grave encore : on nous vend le biopic d’une actrice qu’on ne voit jamais jouer. Pas une scène où on la voie sur scène ! C’est un comble ! Et surtout pas une scène où on l’entende parler de son art, sinon quelques allusives allusions à Lorenzaccio, à Cyrano – qu’elle reproche à Rostand d’avoir écrit pour Coquelin – ou à Shakespeare.