Au début des années cinquante, François grandit dans un pavillon de banlieue banal, près de Paris, au bord de la Marne. Il n’a quasiment plus de lien avec son père biologique et a reporté tout son amour filial sur son beau-père, un homme taiseux au passe-temps original : il s’est mis en tête de reconstruire dans son jardin le voilier du célèbre navigateur américain Joshua Slocum qui entreprit à la fin du dix-neuvième siècle le premier tour du monde en solitaire à la voile.
Âgé aujourd’hui de quatre-vingt cinq ans, Jean-François Laguionie est une légende de l’animation française. Loin des grosses productions animées hollywoodiennes, il a su imposer sa patte. Son graphisme est aéré ; il utilise des tons pastel ; il dessine à la main. On devine le graphite charbonneux de ses crayons sur ses planches.
Laguionie a longtemps raconté des récits d’aventures qui puisaient leur inspiration dans les romans de Jules Verne ou de Robert Louis Stevenson qui ont hanté son enfance et celle de bien des gamins du siècle dernier. Ses dernières oeuvres, l’âge venant, deviennent plus intimistes : Louise en hiver (2016) racontait, sans parole, le crépuscule d’une vieille femme solitaire. Slocum et moi est ouvertement autobiographique, où le réalisateur se met lui-même en scène, sous les traits de son jeune héros, âgé d’une dizaine d’années au début des années cinquante.
Slocum et moi raconte sans effets de manche un voyage intérieur. Sans quitter les bords de la Marne, ses héros font le tour du monde par procuration en se laissant emporter par le carnet de bord de Joshua Slocum.
C’est aussi un hommage mélancolique du réalisateur à son père biologique (on reconnaît la voix si reconnaissable de Gregory Gadebois) et à sa mère, à l’éducation aimante qu’ils lui ont prodiguée et à un temps aujourd’hui disparu, celui des bus à plateforme et des 2CV.
Sans oublier la 4 CV