À bicyclette ! ☆☆☆☆


Youri, le fils de Mathias Mlekuz, s’est suicidé en 2022. Son père, dévasté de chagrin, a entrepris de refaire le voyage en vélo que son fils avait effectué quatre ans plus tôt, de La Rochelle à Istanbul. Son vieil ami, Philippe Rebbot, l’accompagne. Il lui souffle l’idée de documenter leur voyage et d’en faire un film.

Perdre un enfant est pour un parent la plus grande souffrance qui puisse s’imaginer. Un suicide la rend plus cruelle encore, ajoutant la culpabilité à la douleur de la perte. J’en parle d’expérience : ma sœur s’est suicidée en 1994, laissant ma mère en miettes.

Dès la première scène, Mathias Mlekuz nous prend en otage de son deuil. Elle se déroule sur les bords de l’Atlantique, près de La Rochelle. Le réalisateur entouré de quelques amis y prononce un discours plein d’émotion et enfourche sa bicyclette. Direction : le Bosphore ! C’est le début d’un long voyage cathartique entre amis. Car le père inconsolable peut s’appuyer sur son ami de toujours : l’acteur Philippe Rebbot, alcoolique, tabagique… et empathique.

Avant de voir L’Attachement, je redoutais la surenchère lacrymale. Le miracle a eu lieu et le film exceptionnel de Carine Tardieu – auquel j’ai bien failli mettre quatre étoiles – m’a emporté. Même crainte à l’entame d’À bicyclette ! Mais la crainte hélas ici s’est révélée fondée. Car très vite, le vrai-faux documentaire s’installe dans un rythme ronronnant : des travellings champêtres avec nos deux cyclistes traversant l’Europe alternent avec de longs dialogues alcoolisés larmoyants durant lesquels Mathias expulse son chagrin et Philippe fait l’apologie de l’amitié. Soyons honnêtes : le film raconte aussi des rencontres comme celle, hilarante, avec une propriétaire de Airbnb control freak et… nudiste.

Le malaise augmente encore lorsqu’on réfléchit à la construction du film. La caméra, muette et invisible, pourrait nous laisser penser qu’elle a glané des moments sur le vif. Mais À bicyclette ! a été écrit et À bicyclette ! est joué – par des acteurs au demeurant excellents. Sa spontanéité ne pouvait être que feinte. Quant Mathias pleure, l’opérateur son a peut-être réclamé une seconde prise à cause d’un bruit parasite. Quand Mathias et Philippe s’engueulent, il a peut-être fallu recommencer la prise parce que la lumière était mauvaise.

Je me suis retrouvé à la fin du film très agacé par ce produit frelaté. J’ai eu le sentiment que son réalisateur, au chagrin, je le répète, ô combien légitime, s’était acheté une psychanalyse aux frais des spectateurs. Sa sincérité indiscutable s’est laissée dépassée par sa roublardise. Mon coup de gueule apparaîtra sans doute bien injuste à ceux que le film a émus. Mais le procédé, impudique et artificieux, ne laisse de me déranger.

La bande-annonce

20 commentaires sur “À bicyclette ! ☆☆☆☆

        • Je ne crois pas que la première phrase de ma critique était erronée (« Youri, le fils de Mathias Mlekuz, s’est suicidé en 2022 ») ; mais sa lecture amputée, sur un téléphone, vous a peut-être induit en erreur, comme d’autres lecteurs qui m’ont fait la même remarque. Je vous prie de m’en excuser.

  1. C’est d’abord un film. Je me suis progressivement laissé emporté et au bout du voyage c’est attachant et émouvant

  2. Vous avez écrit Mathias au début, je partage souvent vos avis mais qu’est ce qui vous fait dire ici que c est joué ? Si c est le cas je n’y ai vu que du feu !

    • Moi j ai lu « Youri, le fils de Mathias Mlekuz, s’est suicidé en2022…. » c est on ne peut plus clair et compliments à Y.Gounin pour la rédaction de ses commentaires pour lesquels mon avis ne rejoint pas forcément le sien mais le plaisir de le lire reste identique.

  3. Cher Monsieur, votre commentaire, acerbe et fielleux à l’excès, ne laisse pas de me déranger. Non que je dénie à quiconque, à commencer par le distingué cinéphile que vous êtes, la liberté d’aimer ou de ne pas aimer une œuvre artistique mais, en l’occurrence, vous quittez la critique policée aux dépens de moins nobles parages. Vous assénez sans vergogne : « Quant (sic) Mathias pleure, l’opérateur son a peut-être réclamé une seconde prise à cause d’un bruit parasite. Quand Mathias et Philippe s’engueulent, il a peut-être fallu recommencer la prise parce que la lumière était mauvaise. ». Roublardise, dites-vous. Vraiment ? « Peut-être », précisez-vous avec une sage prudence. Alcoolique, Philippe Rebbot ? C’est le meilleur ami que l’on voudrait avoir et, que je sache, Baudelaire et Gainsbourg ne carburaient pas à l’eau plate. Quant au fond, les spectateurs, enthousiastes et touchés, l’ont déjà jugé.

  4. Monsieur, Mathias ne s est pas suicidé mais Youri son fils aîné. Votre critique commence déjà très mal. Ce film n est pas scenarisé. Il n y a pas eu de seconde prise. Tout est tourné sur le vif . Ils y sont filmés comme il s ont dans la vie. Il n y aucune roublardise. Seuls les personnes dotées d empathie comprennent que l alcoolisme de Rebbot n est qu une maladie comme le coup de fourchette de Mathias Mlekuz. Ce film permet à un père «  desanfanté » de continuer à faire vivre son fils. De plus lors de la 1e scène, il n est pas entouré d amis mais de sa famille.

    • Ma critique, radicale, d’À bicyclette a suscité plusieurs commentaires parfois violents, sur ma page FB et sur mon blog.

      Je ne conteste à personne le droit d’avoir aimé ce film, de l’avoir trouvé émouvant et drôle à la fois.
      Mais je revendique le droit d’avoir un ressenti différent et de l’exprimer.
      C’est affaire de subjectivité.

      Un point factuel a suscité de vives réactions : mon cinquième paragraphe où j’évoquais mon malaise devant les conditions de réalisation du film qui, à mon sens, en altèrent radicalement la portée : « La caméra, muette et invisible, pourrait nous laisser penser qu’elle a glané des moments sur le vif. Mais À bicyclette ! a été écrit et À bicyclette ! est joué – par des acteurs au demeurant excellents. Sa spontanéité ne pouvait être que feinte. »
      Vous écrivez : « Ce film n est pas scenarisé. Il n y a pas eu de seconde prise. Tout est tourné sur le vif . Ils y sont filmés comme il s ont dans la vie. Il n y aucune roublardise. »

      Sur les conditions de réalisation de ce film (et j’insiste sur le mot « film »), laissons la parole au réalisateur lui-même :
      « Si la majeure partie d’À Bicyclette laisse place à l’improvisation, notamment dans les dialogues avec Philippe Rebbot, certaines séquences ont été un peu mises en scène, comme celle du passage à Vienne, comme l’explique le cinéaste : « Mon fils Youri ne s’était pas arrêté chez elle, mais il m’avait raconté une scène similaire chez un ‘ hôte airbnb’. Ici, la scène a été complètement improvisée par une amie comédienne, Adriane Grządziel »

  5. Monsieur, ce n est pas Mathias qui s est suicidé mais Youri, son fils aîné. Déjà votre blog démarre sur une phrase erronée. La 1 e scène, Mathias est entouré de ses deux autres films et de sa famille. Vous semblez manquer d un profonde manque d empathie en parlant de cette façon de l alcoolisme de Philippe Rebbot. Qui, dans la vie, n aimerait pas avoir un ami comme lui. De plus l alcoolisme est une maladie, pas un vice. Aucune scène n a été retournée. Ils sont à l écran comme ils sont dans la vie. Il n y a donc aucune «  entourloupe « . Ce film est émouvant et n est pas impudique car il est universel. Au delà de la propre recherche et des questionnements de Mathias suite au suicide de son fils, beaucoup de personnes dans la même situation peuvent y trouver de la force pour avancer. C est une ode à la vie qui continue. Ainsi qu une belle histoire d amitié. Je suis heureuse que Youri puisse désormais vivre dans le cœur de milliers de français.

    • Madame,
      Je ne crois pas que la première phrase de ma critique était erronée (« Youri, le fils de Mathias Mlekuz, s’est suicidé en 2022 ») ; mais sa lecture amputée, sur un téléphone, vous a peut-être induit en erreur, comme d’autres lecteurs qui m’ont fait la même remarque. Je vous prie de m’en excuser.
      Sur quels éléments vous fondez-vous pour affirmer que « aucune scène n’a été retournée » ?

  6. On peut naturellement aimer ou ne pas aimer une oeuvre artistique, mais a-t-on le droit de justifier une aversion personnelle, peut-être dictée par un tableau émotionnel irrationnel, par des arguments erronés ou diffamants dont l’usage relève de la stricte malhonnêteté intellectuelle ?

      • Erronée quand vous dites que des scènes ont été « jouées » ou « rejouées », diffamatoire quand vous tirez argument de défauts personnels d’un acteur pour étayer votre opinion. Pour toutes ces raisons, une grande partie de votre propos relève de la malhonnêteté intellectuelle, sur fond d’un grave manque d’empathie que je me garderai de caractériser au risque d’être accusé de vouloir faire un procès d’intention.

          • Avec des comédiens qui jouent leur propre rôle, une mise en abyme est possible, mais cela mérite-t-il une telle acrimonie et une telle rage à l’encontre d’une oeuvre ? Quand on n’aime pas un film, talent suffit à le critiquer sans recourir aux coups bas.

  7. Ping On ira ★★★☆ | Un film, un jour

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