Architecte frustré, David (Damien Bonnard) dirige la construction d’une immense tour dans le quartier de La Défense. Il est l’objet de pressions contradictoires, de son patron qui exige de lui de tenir des délais intenables et des propriétaires koweitiens qui tentent de le corrompre pour ralentir la cadence afin d’éviter de réceptionner des bureaux qui n’ont pas encore de locataires. C’est alors qu’il rencontre la mystérieuse Victoria (Jeanne Balibar), DRH d’une multinationale basée à Bruxelles.
Avec son sous-titre en forme de triptyque Pouvoir/Ambition/Passion, ses deux têtes d’affiche, et son réalisateur prometteur (il avait signé les très politiques La Campagne de France et De grandes espérances), cette adaptation du très bankable Eric Reinhardt (un autre de ses romans, L’Amour et les Forêts, vient d’être porté à l’écran par Valérie Donzelli) avait de quoi mettre l’eau à la bouche.
J’ai pourtant été très déçu. Pour trois raisons.
Avec sa voix à nulle autre pareille et son élégance éthérée, Jeanne Balibar se glisse à merveille dans le personnage de Victoria. Damien Bonnard, plus terrien, fait un bon David. Mais la rencontre de ces deux acteurs (et/ou de ces deux personnages) ne fonctionne pas. On ne croit pas un seul instant dans le couple qu’ils forment. L’érotisme que le film est censé véhiculer est aux abonnés absents. Et le comble du ridicule n’est pas loin d’être atteint quand notre couple désassorti se retrouve (pourquoi ? pour qui ?) dans une boîte échangiste.
Le film est tendu par un suspense : y a-t-il derrière la rencontre de David et de Victoria un agenda caché ? On en aura la révélation à la toute fin du film. Reconnaissons, sans en rien spoiler, que cette révélation est étonnante. Mais elle arrive bien tard pour un film qui aurait pu être bien plus court. Ne nous plaignons pas pour autant : il dure une heure quarante à peine alors que le livre – que je n’ai pas lu – dépasse les six cents pages dont je me demande bien ce qu’elles racontent de plus.
Troisièmement : Eric Reinhardt et Sylvain Desclous affirment avoir voulu signer une oeuvre politique qui dénonce (comme hier Mickey 17) l’exploitation de l’homme par l’homme. Sauf que le film de science-fiction de Bong Joon-ho était autrement plus riche et se prenait nettement moins au sérieux que ce drame lent et lourdaud qui enfonce les portes ouvertes (oui ! l’homme hélas est toujours un loup pour l’homme et on est toujours le dupe de plus puissant que soi) – et dévale les escaliers.