Robert Pilatus, un jeune métis noir germano-américain, adopté par une famille conservatrice bavaroise, grandit à Munich. Il y fait la connaissance de Fabrice Morvan, un Français d’origine guadeloupéenne. Les deux garçons décident de former un groupe. L’assistante de Frank Farian, l’ancien producteur des Boney M, les repère. Le groupe trouve son nom et les deux garçons le look qui leur vaudra bientôt une célébrité mondiale. Mais Farian leur refuse d’interpréter leurs chansons. Après Londres, ils s’installent à Los Angeles, cornaqués par leur manager américain. Mais leur subterfuge menace d’éclater, révélant l’un des plus grands scandales de l’histoire de la musique.
Simon Verhoeven n’a aucun lien avec son célèbre homonyme, réalisateur de Robocop et de Total Recall. C’est un réalisateur allemand qui a grandi à Munich dans les années 80 et ses pas y ont peut-être croisé ceux de Rob Pilatus et de Fab Morvan. Il aurait pu consacrer au célèbre duo un documentaire ; mais il a préféré la fiction et confier à deux interprètes, bodybuildés pour l’occasion, allemand d’origine gambienne pour Rob, français d’origine comorienne pour Fab, le rôle des deux artistes.
Si l’on fait, comme moi, partie de la Génération X, on se souvient de Milli Vanilli, de leur succès mondial et éphémère en 1988 et 1989 et de leurs titres qui trustèrent les premières places des hit parades et dont la seule évocation suffira peut-être à vous hanter pour le reste de la journée : Girl You Know It’s True (ouh … ouh …. ouh….), Baby Don’t Forget My Number, Girl I’m Gonna Miss You… On retrouvera donc avec un plaisir régressif et vaguement honteux les musiques et la mode de l’été de nos vingt ans.
Si Simon Verhoeven a pris soin d’obtenir l’accord de toutes les parties prenantes – Carmen Pilatus qui entretient la mémoire de son frère, l’assistante de Frank Farian, l’ancien manager du groupe, etc. – son film n’est pas pour autant une plate hagiographie. Il montre l’absence de scrupules des managers successifs du groupe, à commencer par le génial Frank Farian. Il montre aussi combien Rob et Fab se sont laissé griser par leur succès. Il montre surtout l’ambiguïté du public et de ses désirs : sans doute Rob et Fab n’ont-ils pas chanté un seul couplet de leurs disques mais ils étaient de sacrément bons danseurs…. et de fort jolies personnes. Le public n’en a-t-il pas eu pour son argent ? Peut-il leur reprocher de l’avoir dupé ?
Le film, avec son titre et son sous-titre qui pèsent des tonnes, est un biopic. Il est de bon ton de tirer à boulets rouges sur ce genre décrié. Je n’ai pas été le dernier à le faire s’agissant pour n’en citer que quelques-uns, des tout derniers consacrés à Frantz Fanon, à Maria Callas ou à Bob Dylan. J’ai eu la main particulièrement lourde avec celui sur Robbie Williams, dont j’ai trouvé le parti prix – faire jouer le chanteur par un chimpanzé reconstitué en images de synthèse – totalement raté.
Ici au contraire, j’ai trouvé ce biopic, alors qu’il est d’une facture très classique, particulièrement réussi. La raison en est que j’ignorais tout de l’origine, de la vie, de la soudaine gloire et de la brutale chute de ce groupe. La raison en est aussi que je me suis attaché à ces deux artistes, à leur destin surprenant et à leurs interprètes engagés.