Rouge Midi raconte l’histoire d’une famille italienne arrivée par le train à L’Estaque dans la banlieue de Marseille dans les années vingt et de sa descendance sur quatre générations. Leur fille Maggiorina (Ariane Ascaride), employée à la cimenterie, rencontrera Jérôme (Gérard Meylan), un chauffeur de maître, et traversera avec lui le Front populaire et l’Occupation. Leur ami Mindou, secrètement épris de Maggiorina, est proxénète et a mis sur le trottoir Ginette en lui faisant miroiter une carrière d’artiste. Maggiorina et Jérôme ont deux enfants, Marie et Pierre qui grandiront pendant les Trente Glorieuses. Pierre fait des études et aura un fils, Sauveur (Gérard Meylan encore lui), qui, devenu adulte, hésite à quitter Marseille.
Une rétrospective est consacrée cette semaine à la Filmothèque du Quartier latin à Robert Guédiguian qui viendra chaque soir présenter ses films. C’est l’occasion de voir ou de revoir quelques pépites rares comme ce film-ci, son deuxième, tourné en 1984 et sorti l’année suivante. Ariane Ascaride n’avait pas trente ans et Gérard Meylan avait le même âge. Depuis quarante ans, on les a vus vieillir et c’est avec une réelle émotion qu’on les revoit si jeunes.
Rouge Midi est un film d’une étonnante ambition pour un réalisateur encore si inexpérimenté. Il s’agit de brosser l’histoire d’une famille marseillaise sur quatre générations des années vingt aux années quatre-vingts. On sent percer les deux arguments ô combien politiques de cette fresque : Marseille est une terre d’immigration qui s’est enrichie de l’apport de ces nouveaux venus, l’histoire de la cité phocéenne est celle des luttes syndicales qu’elle a vécues.
Robert Guédiguian plonge dans ses souvenirs comme Fellini dans Amarcord en ressuscitant le vieux Marseille de ses parents ou celui qu’il a connu, tout gamin, dans les années cinquante. Comme la totalité des films qu’il tournera ensuite, Rouge Midi est une déclaration d’amour à sa ville natale.
La limite de ce film est son manque de moyens. Pour tourner pareille fresque, qui aurait peut-être été plus adaptée au format d’une série, il aurait fallu un budget autrement plus important qui aurait permis des reconstitutions plus impressionnantes que celles, bien amateuristes, qu’on nous donne à voir. On aimerait sentir le grand vent de l’Histoire, les grèves du Front populaire, la débâcle de l’Occupation, la liesse de la Libération ; mais hélas, on ne voit rien de tout cela et on se limite bien vite à une succession de saynètes intimistes dans lesquelles, faute de transitions et de repères chronologiques, on finit par se perdre.