À la fin des années trente, Willie (Hanna Schygulla), chanteuse de cabaret allemande, et Robert (Giancarlo Giannini), compositeur juif suisse dont la famille richissime aide des coreligionnaires à fuir le Reich, fileraient le parfait amour si le père de Robert n’y opposait son veto. Les deux amoureux sont séparés par la guerre, Willie en Allemagne où elle devient célèbre en interprétant la chanson Lili Marleen, Robert en Suisse où il continue à prendre tous les risques pour sauver des familles juives.
Rainer Fassbinder s’empare d’un mythe, la chanson mondialement connue pour son interprétation par Marlene Dietrich. Comme le raconte fidèlement le film, elle est chantée pour la première fois sans succès dans des petits cabarets de Berlin et de Munich. Elle doit son succès à sa programmation par la radio militaire allemande de Belgrade, en août 1941, une nuit où un bombardement avait détruit son stock de disques. L’anecdote donne lieu à une scène du film. Goebbels lui reprochait de « sentir la danse macabre ». Mais Göring et Hitler lui-même s’en étaient entichés, la propulsant immédiatement au rang de tube national. Elle sera diffusée jusqu’à trente-cinq fois par jour par Radio Berlin.
Au-delà de ce phénomène, Fassbinder peint une héroïne qui, à rebours de tout manichéisme, essaie tant bien que mal de faire son chemin dans l’Allemagne nazie. Ni résistante, ni collabo, Willie a pour seule boussole l’amour inaltérable qu’elle porte à Robert. C’est en quoi elle ressemble à beaucoup d’Allemands et pourquoi sa figure a eu autant de succès en RFA, Lili Marleen devenant l’un des films les plus populaires de Fassbinder, dont le cinéma contestataire se condamnait jusqu’alors à ne séduire que les franges.
Lili Marleen n’est pas exempt du maniérisme désuet qui leste le cinéma de Fassbinder. L’interprétation de Hannah Schygulla, l’égérie de Fassbinder avec qui elle tourna une quinzaine de films, ne réussit pas à le sauver tout à fait. Lili Marleen sera leur dernier film, Fassbinder s’éteignant brutalement l’année suivante d’une rupture d’anévrisme.