Deux frères ont pris deux chemins de vie radicalement différents. L’aîné, avocat pénaliste, est devenu scandaleusement riche en défendant les pires crapules. Il a eu une fille d’un premier mariage et a épousé en secondes noces un top model dont il vient d’avoir un bébé. Le cadet n’a que mépris pour l’argent. Chirurgien, il travaille dans un hôpital public. Il partage avec sa femme et avec son fils unique un petit appartement et y a accueilli sa mère vieillissante que son frère a renoncé à héberger à cause de la naissance de son bébé.
Ces deux couples que tout oppose devront faire front commun quand leurs deux enfants sont accusés du meurtre d’un SDF filmé par une caméra de surveillance.
Le Dîner est un roman néerlandais publié en 2009 (et traduit chez Belfond en 2011) qui a connu un succès phénoménal. A Normal Family est sa quatrième adaptation à l’écran après les films néerlandais, italien et américain qui en ont été tirés en 2013, 2014 et 2017. Son titre pourrait laisser augurer le pire : un huis clos théâtral mettant aux prises deux couples qui dînent ensemble et se déchirent façon Carnage ou Le Prénom. Mais son scénario est autrement plus subtil.
La scène d’ouverture est brutale : un chauffard tue le conducteur qui lui reprochait sa mauvaise conduite et laisse pour morte la fille de celui-ci. Sa défense est confiée au frère aîné, avocat de profession. On en comprend vite l’enjeu et le débat qui déchire les deux fratries : jusqu’où est-on prêt à renier ses valeurs pour sauver ses enfants ?
A Normal Family – dont le titre anglais est ambigu à souhait – évoque irrésistiblement Parasite. Il ne s’élève pas au niveau de ce film qui constitue incontestablement l’un des tout meilleurs de ce premier quart de siècle (j’ai été particulièrement mal inspiré de lui mégotter sa quatrième étoile). Mais il en a le rythme, ponctué de rebondissements qui nous tiennent en haleine jusqu’à l’ultime plan, dont l’interprétation nourrira les discussions d’après-film. Il en a surtout la même méphitique noirceur.