Une adolescente couche sur le papier l’amour qu’elle éprouve pour sa professeure de français. Une oncologue et l’infirmier qui travaille avec elle se font des confessions sexuelles dans le ferry qui traverse le fjord d’Oslo. Un ramoneur raconte à son patron et à sa femme l’aventure éphémère qu’il vient d’avoir avec l’un de ses clients.
Chaque mercredi depuis le premier de juillet est sorti l’un des trois volets de la Trilogie d’Oslo de Dag Johan Haugerud : Rêves d’abord, Amour ensuite, Désir enfin (dont le titre norvégien, Sex, semble plus direct). Ces trois films ont été présentés dans un ordre différent en 2024 Désir au festival de Berlin, en 2025 Amour au festival de Venise et en 2025 Rêves au festival de Berlin où il a décroché l’Ours d’or. On pourrait longuement épiloguer sur leur séquence et discuter le choix des distributeurs : les rêves suscitent-ils le désir et conduisent-ils à l’amour ? Toujours est-il que ces trois films sont indépendants les uns des autres et peuvent se voir ensemble ou séparément, en tout ou en partie, dans n’importe quel ordre.
Ces trois films nous viennent de Scandinavie, une région du monde décidément à l’honneur ces temps-ci entre la sortie de Loveable à la mi-juin et celle fin juillet du dernier film de Joachim Trier, Valeur sentimentale, annoncé comme le coup de cœur de l’été. Ils partagent une manière très française d’intellectualiser l’amour. Si l’expression n’était pas si galvaudée, on dirait que la Trilogie d’Oslo redessine une carte du Tendre queer et post-moderne, frappée au sceau de l’empathie.
Comme Rohmer qui aimait tant filmer Paris, Dag Johan Haugerud qui mène de concert depuis soixante ans une carrière de cinéaste, de dramaturge et d’écrivain, aime filmer Oslo. Ses trois films en montrent la figure tutélaire des tours de son hôtel de ville – où le prix Nobel de la Paix est remis chaque année – son fjord profond traversée par les bateaux, ses avenues boisées. Tout y est beau, opulent et un peu triste aussi.
La Trilogie d’Oslo parle d’amour et de sexe, parfois en termes très crus. Il interroge l’impact des sites de rencontre sur nos amours, en mettant par exemple en scène un personnage gay qui rencontre ses partenaires grâce à Grindr sur le ferry qui relie Oslo à Nesodden. Il évoque sans tabou l’homosexualité, la bisexualité, la pansexualité – comme le faisait, dans le registre qui était le sien Le Rendez-vous de l’été que j’avais tellement aimé. Pour autant, cette apparente liberté rencontre quelques cordes de rappel : l’adolescente amoureuse de Rêves fait la douloureuse expérience d’un amour non partagé, l’oncologue de Amour découvre au lendemain d’une folle nuit d’amour que son amant est marié, l’épouse du ramoneur de Désir lui fait payer le prix de sa franchise.
Réflexion désenchantée d’un quinquagénaire racorni : je pensais que discuter à l’infini de l’amour était une maladie adolescente à laquelle l’âge et l’expérience remédiaient. Je découvre, sinon dans ma vie qui n’a pas tant de profondeur, du moins au cinéma qui m’ouvre à mille autres vies, qu’il n’y a pas d’âge pour se questionner.