Les Tourmentés ★☆☆☆

Skender (Niels Schneider) est un ancien légionnaire qui, après son départ de l’armée, a connu une inexorable déchéance, quittant sa femme (Deborah François) et ses fils, vivant à la rue. Max, un ancien camarade (Ramzy Bedia), employé par une veuve richissime (Linh-Dan Phan), lui propose un marché diabolique : accepter d’être le gibier d’une chasse à l’homme d’un mois dans une réserve privée du nord de la Roumanie en échange de trois millions qui seront versés à sa famille s’il n’y survit pas.

J’aime beaucoup le cinéma de Lucas Belvaux, ce réalisateur belge qui sait raconter des histoires captivantes, ancrées dans un arrière-plan social, avec des caractères forts : Des hommes adapté d’un livre de Laurent Mauvignier sur la guerre d’Algérie et ses répliques dans la société française contemporaine, Chez nous qui dénonce les poisons que distille le Front national auprès d’une France rongée par la peur du déclassement, Pas son genre sur la relation impossible entre un prof agrégé et une coiffeuse, 38 Témoins sur la lâcheté ordinaire…

Lucas Belvaux a publié en 2022 son premier roman. Une amie au goût très sûr me l’a chaudement recommandé et me l’a même offert. Je l’ai lu hier sur le chemin du cinéma, vivant l’expérience assez étrange de voir les images d’un texte que je venais de lire quelques minutes avant.

Lucas Belvaux réalise l’adaptation de son propre ouvrage. C’est l’assurance qu’il ne sera pas dénaturé. Pour autant, il ne lui est pas totalement fidèle. Le livre est construit en 86 chapitres très courts de trois ou quatre pages chacun, où le point de vue de chaque personnage est tour à tour présenté au style indirect. Sauf à recourir à la voix off, le style indirect n’existe pas au cinéma. La littérature est un genre spontanément psychologisant qui peut raconter ce que les personnages pensent ; le cinéma est un genre qui, dans une large mesure, ne peut montrer que ce que les personnages font. Le chapitre 27 raconte par exemple du point de vue de Skender le dîner qu’il offre à sa femme dans un restaurant et ses hésitations à chaque instant pour la convaincre qu’il s’est amendé. La scène du film, plus objective par construction, gomme ce point de vue.

Tromperie sur la marchandise. Les Tourmentés nous est vendu comme une chasse à l’homme, façon Les Chasses du comte Zaroff. Or, le début de la chasse n’est prévu que six mois après que son principe a été acté entre Skender et Madame. Et le livre comme le roman se perdent dans ses longs préparatifs, dans la réconciliation de Skender et de sa femme, dans les états d’âme de Max, déchiré entre deux loyautés contradictoires et dans les hésitations de Madame, dont le passé est peu à peu révélé depuis son enfance misérable au Laos où un riche milliardaire est venu l’acheter à sa mère maquerelle.

Autre défaut, plus rédhibitoire encore. Les Tourmentés – un titre qui me sera resté définitivement obscur – est un film très (trop) bavard, dépourvu du moindre humour, où les personnages échangent sentencieusement des adages définitifs sur le sens de la vie. Ça passe ric-rac à l’écrit ; ça ne passe plus du tout à l’écran avec une distribution à contre-emploi.

La bande-annonce

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