Le Dernier Compromis ★★☆☆

La documentariste Anne Fonteneau a suivi pas à pas Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, la première centrale syndicale de France, pendant les six derniers mois de ses fonctions début 2023. La période coïncide avec la discussion au Parlement de la réforme des retraites et le bras de fer engagé avec le Gouvernement.

À quoi vous fait penser l’affiche de ce documentaire ? À celle du Parrain avec Marlon Brando ? J’ai interrogé Anne Fonteneau hier soir à la sortie de la salle du Quartier-Latin où elle était venue présenter son film pour savoir si cette ressemblance était voulue ou fortuite. Elle m’a répondu que le maquettiste auquel avait été passée la commande de cette affiche avait reçu le film comme un thriller politique et avait conçu l’affiche à partir de ce point de vue.
Je ne partage pas ce ressenti. Le Dernier Compromis n’est pas un thriller et Laurent Berger n’est pas un chef de clan.

C’est un homme totalement investi dans son travail, qui s’y consacre corps et âme. Anne Fonteneau a manifestement voulu entrer dans son intimité alors que l’homme s’affirme pudique et le restera tout du long. Tout au plus découvre-t-on son goût pour le baby-foot et la chanson française qui lui permettent de décompresser. Mais de l’homme Laurent Berger, on n’apprend rien ou pas grand-chose sinon qu’il a hérité de ses parents son engagement syndical et qu’il a fait ses premières armes dans une humble section de la CFDT à Saint-Nazaire en Loire-Atlantique.
Le documentaire le filme à la fin d’un mandat long de onze années. On ressent à la fois une grande lassitude, un profond épuisement et aussi une anxiété, chez cet homme de cinquante-cinq ans à peine, pour la « vie d’après » : il se sait hyper-actif et redoute une brutale décompression (depuis septembre 2023 Laurent Berger travaille au Crédit mutuel… et reconnaît ouvertement s’y ennuyer un peu).

Le Dernier Compromis est l’occasion de revivre de l’intérieur le conflit des retraites qui a rythmé tout le début de l’année 2023. Ce bras-de-fer s’est piteusement terminé par l’utilisation du 49.3 qui a permis le passage en force de la réforme. On mesure rétrospectivement l’erreur stratégique commise par Emmanuel Macron et sa première ministre. En refusant d’aller au bout du débat parlementaire, il s’est privé de la meilleure issue possible (soit la réforme était votée, démontrant ainsi que le Gouvernement bénéficiait du soutien d’une majorité de parlementaires, soit elle ne l’était pas et le Gouvernement aurait été vaincu la tête haute) et a préféré donné l’image de l’entêtement et de la surdité.

Le défaut de ce Dernier Compromis est de rester à la surface des choses. Il échoue à percer la carapace décidément trop épaisse de Laurent Berger ; il échoue à décortiquer les tenants et aboutissants de la réforme des retraites de 2023. Dommage…

La bande-annonce

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