Petrov est fiévreux. Il aimerait bien rentrer chez lui. Mais Igor, un camarade de beuverie, l’entraîne dans le corbillard qu’il conduit. Débute une nuit de beuverie dont Petrov se réveillera pour rejoindre sa femme Petrova, qui travaille dans une bibliothèque, et son fils qu’il doit accompagner à un spectacle scolaire.
Après Leto en 2018, le film suivant de Kirill Serebrennikov était de retour à Cannes en 2021 où il a raté d’un cheveu la palme. Le réalisateur, déjà empêché de venir en 2018, était encore absent en 2021, sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire que Vladimir Poutine a refusé de lever malgré l’intervention du ministre français des affaires étrangères. Touche à tout de génie, le dramaturge est en effet en froid avec les autorités de son pays pour les positions courageuses qu’il a prises.
Les critiques évoquent souvent au sujet de La Fièvre de Petrov Dostoïevski, sa fièvre hallucinée, son lyrisme typiquement slave, sa brutalité, son humanisme noyé dans les vapeurs de l’alcool…. D’autres références me sont venues à l’esprit. Les premières furent les monstres sacrés du cinéma russe, Tarkovski, Guerman, et leurs délires oniriques. Devant les plans séquence ébouriffants de virtuosité de La Fièvre de Petrov m’est revenu le souvenir de Il est difficile d’être un dieu, cette oeuvre monstre de plus de trois heures où Guerman nous perdait dans un scénario délirant, entre science-fiction et Moyen Âge.
Mais la référence la plus évidente, dont je ne suis surpris de n’en avoir pas lu la référence dans d’autres critiques est l’Ulysse de James Joyce. La Fièvre de Petrov partage avec lui plusieurs caractéristiques.
La première est la – fausse – unité de temps. Tout s’y passe en une journée ou presque, non sans flashbacks dans le passé plus ou moins récent de Petrov et de quelques autres protagonistes.
La seconde est le thème : celui de la déambulation urbaine à travers Dublin dans un cas, à travers Iekaterinenbourg, en Sibérie occidentale, dans l’autre. Si le Dublin de Joyce était printanier (l’action de Ulysse s’y déroule le 16 juin 1904), l’Iekaterinenbourg de Serebrennikov est lui plus sombre, filmée dans un décembre sans jour sous une neige épaisse.
La troisième, la plus importante est celle, très en vogue au début du vingtième siècle, chez Joyce, mais aussi chez Faulkner, Virginia Wolff, les surréalistes ou Durrell, du « flux de conscience » (stream of consciousness) qui autorise les coq-à-l’âne les plus déstabilisants, les allers-retours entre le rêve et la réalité. Sans transition par exemple, Petrov doit participer à un peloton d’exécution avant de se réveiller dans un trolley de ce cauchemar.
Sans doute, ce spectacle peut-il laisser hagard, comme le roman de Joyce ou les films de Tarkovski ou de Guerman. On peut se trouver dépassé, débordé par sa monstrueuse énergie, son absence de temps mort. On peut demander grâce avant la fin de ses exténuantes deux heures vingt-six. Mais on s’en retiendra grâce au jeu très malin qu’instaure le réalisateur-scénariste et dont on voit les règles se préciser lentement dans la seconde moitié du film. On réalise progressivement que s’ébauche sous nos yeux une carte mentale de la vie de Petrov, des personnages qui la composent, des liens qui se sont tissés entre eux à travers les décennies. Prêtez attention à la contrôleuse du trolley de la toute première scène ou aux aspirines périmées que le héros avale quelques instants plus tard : vous les retrouverez (peut-être) un peu plus tard au terme d’une « ronde » (Cf. Ophüls) endiablée.
Issa (Salim Diaw), la soixantaine, est un vieux Gazaoui qui chaque nuit sort son chalutier pour aller pêcher la sardine. La soixantaine, il ne s’est jamais marié, malgré la pression incessante de sa sœur qui s’est mise en tête de lui trouver une épouse. Il est secrètement amoureux de Siham (Hiam Abbas), une veuve qui tient un magasin de couture et vit avec sa fille récemment divorcée.
Michel (François Créton) a cinquante ans. C’est un ancien junkie qui tente tant bien que mal de ne pas retomber dans la drogue. Pourtant sa vie est précaire : il n’a pas d’emploi, pas de revenu, loge dans un sous-sol miteux. Mais la naissance de son second fils, âgé de dix mois à peine, et la santé déclinante de son père, Claude (Richard Bohringer), le forcent à « grandir ».
Dans la critique que j’avais faite à sa sortie en 2017 de
Anas est un ancien rappeur qui vient d’être recruté dans un centre culturel d’une banlieue pauvre de Casablanca. Une quinzaine de jeunes, garçons et filles, suivent l’atelier qu’il y anime. Ils y expriment leur rage de vivre et leur frustration à l’égard d’une société hypocrite.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1948, alors que la Lituanie vient d’être libérée du joug de l’occupation nazie, elle tombe sur celui, aussi féroce, des Soviétiques. Une poignée de partisans tente, dans les forêts, de combattre l’occupant, plaçant les habitants dans une situation délicate. Jurgis Pliauga, qui est devenu propriétaire terrien grâce au mariage d’une riche héritière confite en religion, est de ceux-là. Il héberge sur ses bois une petite troupe famélique de partisans et les ravitaille. Mais l’étau se resserre autour de lui et de Unte, son fils adoptif, quand arrive un peloton de soldats soviétiques.
Fondé au début du vingtième siècle par un modeste tanneur toscan, Gucci est devenu une marque de luxe internationalement réputée. Dans les 70ies, l’entreprise familiale est co-dirigée par les deux fils du fondateur, Rodolfo (Jeremy Irons) et Aldo (Al Pacino). Ils se déchirent sur la stratégie à suivre. Rodolfo, esthète florentin, est soucieux de qualité avant tout ; Aldo, installé à New York, veut internationaliser la marque, quitte à encourager en sous-main la contrefaçon.
Benjamin (Benoît Magimel) est, de son propre aveu, acteur raté et professeur de théâtre. D’anodines douleurs au dos ont révélé un cancer de stade 4 au pancréas. L’issue en sera fatale, à très court terme, sans espoir de survie. C’est au professeur Eddé (le docteur Gabriel Sara quasiment dans son propre rôle) et à son assistante Eugénie (Cécile de France) de l’annoncer à Benjamin et à sa mère et de leur rendre les derniers mois à vivre les moins douloureux possibles.
Lisa (Stacy Martin) et Simon (Pierre Niney) sont jeunes et fusionnels. Ils forment un couple inséparable que la vie va pourtant séparer. Mais quelques années plus tard, alors que Lisa a refait sa vie avec Léo (Benoît Magimel), les hasards de l’existence vont les réunir à nouveau.
Olga est une jeune gymnaste ukrainienne surdouée. Elle se prépare d’arrache-pied aux prochains championnats d’Europe. Mais la politique va la rattraper.