Été 85 ★★☆☆

Menottes au poing, Alexis, seize ans, comparaît devant une éducatrice avant son jugement imminent. Quel crime a-t-il commis ?
Quelques mois plus tôt, au Tréport, il a fait la connaissance de David, son aîné de deux ans. Entre les deux adolescents, l’amitié est immédiate à laquelle s’ajoute bientôt un sentiment plus ambigu et plus puissant.

Été 85 est un film paradoxalement déroutant.

C’est un film d’un grand classicisme, d’une grande simplicité, presque un teen movie qui raconte une histoire d’amour qui finit mal entre deux adolescents – sa seule originalité étant, à supposer que cela en soit une, que les deux ados soient du même sexe. Cette histoire simple – comme l’aurait dit Sautet qui fut l’historiographe des années soixante-dix – se déroule à l’été 85, reconstitué avec un soin méticuleux. Quiconque a vécu ces années là ne pourra que ressentir une puissante bouffée de nostalgie en en retrouvant les costumes, les coiffures et la musique.

C’est ce classicisme qui paradoxalement dérange de la part d’Ozon. Le réalisateur, particulièrement prolifique, a déjà donné naissance à une oeuvre riche et diverse qui investit et qui mêle toutes sortes de genres, de la comédie ébouriffante Huit femmes au film à thèse Grâce à Dieu, du film en costumes Frantz au huis clos étouffant Swimming Pool. Dans cette filmographie immense, sans doute l’une des plus riches du cinéma français contemporain, Été 85 détonne, qui ressemble plus à la première oeuvre très autobiographique d’un jeune diplômé de la Fémis qu’au dix-neuvième film d’un des réalisateurs les plus manipulateurs qui soient.

De la part d’Ozon, on s’attendait à autre chose, et, pour dire la vérité, on s’attendait à mieux. On imaginait qu’il donnerait à cette romance un peu mièvre un tour plus surprenant, l’entraînant vers le drame ou vers la comédie. Mais rien n’arrive sinon le déroulement sans surprise d’une histoire sagement racontée.
Seul étonnement : le crime qu’a commis Alexis n’est pas celui qu’on croit. Mais j’en ai déjà trop dit…

La bande-annonce

Les Lèvres rouges (1971) ★☆☆☆

Valérie et Stefan viennent de se marier. Sur le chemin de l’Angleterre où Stefan va présenter à sa famille sa jeune épouse, le couple s’arrête à Ostende dans un immense palace désert. Ils y sont rejoints par la mystérieuse comtesse Báthory (Delphine Seyrig) qu’accompagne son assistante Ilona.

Les Lèvres rouges est un film d’épouvante qui revisite le mythe de la comtesse Báthory, cette célèbre criminelle hongroise qui, à la fin du XVIème siècle, dans son château de Slovaquie, aurait sacrifié de jeunes vierges pour se baigner dans leur sang et gagner ainsi une éternelle jeunesse.

Le mythe a la dent dure – si on ose dire – qui a inspiré une dizaine de films, le dernier en date, La Comtesse, réalisé en 2009 par Julie Delpy.

En 1971, le jeune réalisateur belge Harry Kümel, victime de son temps, signe un film à cheval entre l’épouvante et le porno chic. Emmanuelle n’est pas loin, le giallo à l’italienne de Mario Bava et Dario Argento non plus. Les lumières se tamisent, les corps se dénudent, le faux sang gicle.

Peu importe que les trois acteurs (un Américain, une Canadienne et une Allemande) qui entourent Delphine Seyrig jouent comme des quiches (l’actrice Andrea Rau entretenant une ressemblance troublante avec… Mireille Mathieu), on n’a d’yeux que pour elle qui hypnotise le spectateur avec sa voix ensorcelante et ses toilettes glamour.
À quarante ans, elle était à l’époque en pleine gloire, après avoir tourné avec Resnais, Buñuel, Duras, Truffaut, Demy et Losey. Les années quatre-vingt lui furent fatales et elle mourut dans un semi-oubli en 1990, à cinquante-huit ans à peine d’un cancer du poumon.

La bande-annonce

Midnight Runner ★☆☆☆

Jonas est en apparence un jeune homme sans histoire. Il a une passion, la course à pied, une fiancée ravissante, Simone, et un travail dans les cuisines d’un grand restaurant bernois. Mais, en vérité, depuis la mort de son frère, Jonas va mal. Et son malaise tend à s’exprimer de plus en plus violemment.

Midnight Runner (le titre français de Der Laüfer) est inspiré d’une histoire vraie : au début des années 2000, un meurtrier a semé la panique dans la capitale suisse. Son profil, comme celui de Jonas dans le film, était des plus ordinaires, compliquant l’enquête de la police et son arrestation.

Le réalisateur Hannes Baumgartner a choisi de se placer du côté de Jonas. Du coup, il ôte à son film toute dimension policière : on ne se demandera jamais qui a commis les crimes puisqu’on le sait déjà. Midnight Runner devient un portrait psychologique d’un désaxé qui, contre toute raison (Jonas ne brille pas par sa capacité à brouiller ses pistes), s’enferre dans une logique meurtrière.

Max Hubacher est impressionnant dans le rôle principal, qu’il courre le demi-fond ou travaille en cuisine. On l’avait déjà remarqué dans les rôles principaux de The Captain et de Mario. On lui promet une belle carrière.

Mais cette interprétation exceptionnelle ne suffit pas à sauver le film qui, à trop se focaliser sur son personnage principal, finit par manquer d’oxygène.

La bande-annonce

The Great Green Wall ★☆☆☆

La Grande Muraille verte est un projet panafricain de création d’un mur d’arbres traversant le Sahel d’est en ouest pour le protéger de la progression du désert.
Le documentariste Jared Scott a suivi la chanteuse malienne Inna Modja dans un long périple du Sénégal à l’Éthiopie en passant par le Mali, le Nigéria et le Niger.

The Great Green Wall est un objet filmé dont on peut légitimement mettre en doute l’utilité de la sortie en salles. Il se présente comme un documentaire sur la Grande muraille verte, une initiative internationale de lutte contre la désertification. Le projet, que d’aucuns trouvent trop ambitieux, est pharaonique : il s’agit de stopper l’avancée du désert moins par une muraille d’arbres que par une mosaïques d’écosystèmes arborés.

Le sujet écolo se prête a priori volontiers à un documentaire comme on en voit beaucoup, soit qu’il soit traité sur un mode scientifique et pédagogique façon Une vérité qui dérange ou We feed the world, soit qu’il donne lieu à une approche plus esthétique comme chez Yann Arthus-Bertrand ou Godfrey Reggio.

Mais, en cours de route The Great Green Wall oublie son sujet. Il y est moins question de la Grande Muraille verte que de Inna Modja. Le documentaire se transforme en long clip vidéo.

Le mal n’est pas si grand car la chanteuse a du talent. Elle est intelligente, sensible, agréable à regarder et plus agréable encore à écouter. Mais il y a tromperie sur la marchandise. The Great Green Wall aurait dû s’intituler The Inna Modja Afrika Tour.

La bande-annonce

La Passante du Sans-Souci (1982) ★☆☆☆

Max Baumstein (Michel Piccoli), le président unanimement respecté d’une ONG humanitaire, assassine de sang froid l’ambassadeur du Paraguay en France auquel il demandait la libération d’une prisonnière politique. Comparaissant en cour d’assises, il explique les motifs de son crime. Cinquante ans plus tôt, dans la France des années trente, le jeune Max, dont le père avait été tué par les S.A. à Berlin, était élevé par Elsa Wiener (Romy Schneider), exilée loin de son mari emprisonné à Berlin.

La Passante du Sans-Souci, tourné au début des années quatre-vingts, est l’adaptation d’un roman de Jospeh Kessel de 1936. S’éloignant du roman, son réalisateur le construit autour d’un flashback, mettant en scène un Max Baumstein vieilli qui venge un passé qui ne passe pas. La mise en abyme est renforcée par l’interprétation par Romy Schneider des deux rôles d’Elsa Wiener et de Lina Baumstein, l’épouse de Max, comme si le héros avait entendu retrouver chez son épouse les traits de la femme qui l’avait élevé.

Il est sacrilège de dire du mal de La Passante du Sans-Souci. Car son sujet est de ceux qui inhibent la critique. Car c’est le dernier film de Romy Schneider, qui meurt six semaines après sa sortie. Car Michel Piccoli, la cinquantaine bien entamée, l’élégance toute giscardienne, y a une classe folle.

Pour autant, force est de constater que La Passante du Sans-Souci a terriblement vieilli. Tout y est compassé, défraîchi, depuis son affiche, qui reprend les mêmes standards que ceux de Sissi impératrice jusqu’aux revues de cabaret dirigées par Jacques Martin (sic) en passant par les reconstitutions en carton-pâte du Paris des années folles. Était-ce la marque de fabrique des films de ces années là ? Sans doute. Mais qu’on y songe : Jean Reno, qui y fait tout jeunot une courte apparition, interprétait la même année le premier rôle du Dernier combat, le premier film autrement plus audacieux d’un jeune réalisateur nommé Luc Besson.

La bande-annonce

L’Envolée ★☆☆☆

Leigh a quatorze ans. Elle vit seule avec son père depuis le départ de sa mère. Elle n’a qu’une passion : la gymnastique qu’elle pratique intensément avec un coach qui croit en son potentiel. Tandis que s’approche une compétition importante pour laquelle Leigh s’entraîne d’arrache-pied, déboule chez elle un adolescent qui s’avère être son demi-frère. La jeune fille est fascinée par ce garçon plus vieux qu’elle et l’accompagne dans ses virées nocturnes qui prennent bientôt un tour dangereux.

Des films sur la sortie de l’enfance mettant en scène les premiers émois amoureux d’une jeune adolescente mal dans son corps, on en a vus treize à la douzaine. Pour autant, on ne mégote pas son plaisir quand le treizième est réussi.

C’était le pressentiment qu’on en avait en en voyant la bande annonce. On imaginait volontiers un film quelque part entre Ken Loach pour la description d’une Angleterre à la dure et de gens de peu et Andrea Arnold pour le portrait de son héroïne (son Fish tank restant en la matière un modèle quasi indépassable). On doit avouer une certaine déception.

Car, passée la mise en place des caractères, la découverte de Leigh et de son milieu, l’arrivée de Joe son demi-frère, l’histoire fait du surplace. Les petits larcins de Joe auxquels il associe Leigh manquent d’enjeu. L’attraction incestueuse qu’éprouve la jeune fille pour son séduisant demi-frère suscite plus de gêne que de trouble.

Au final, aussi grande que fut notre disposition à s’enthousiasmer, on sort de la salle indifférent et déçu.

La bande-annonce

Malmkrog ☆☆☆☆

Dans l’hiver russe, cinq personnages discutent à bâtons rompus. Autour de Nikolaj, un riche propriétaire terrien, se sont réunis Ingrida, l’épouse d’un général, Olga, une jeune chrétienne fervente, Edouard, un libre-penseur et Madeleine, une piquante Française. La discussion, dans un français parfait, va bon train et roule sur des thèmes aussi ambitieux que la guerre, la morale et la religion.

Malmkrog est un film intimidant. Intimidant par sa durée : 3h21. Intimidant par son sujet : l’adaptation à l’écran d’un essai philosophique d’un obscur penseur russe de la fin du XIXème siècle Vladimir Soloviev. Intimidant par sa mise en scène : six scènes seulement filmées selon les cas dans de longs plans fixes savamment agencés ou dans des champs-contrechamps qui jouent sur les visages des orateurs et de ceux qui les écoutent.

Il y a deux réactions possibles à ce film.
La première est la fascination enthousiasmée face à ce discours ininterrompu aussi dense que complexe, face à cette mise en scène aussi épurée qu’exigeante.
La seconde hélas est celle de la capitulation. J’avoue avoir très vite renoncé à suivre cette logomachie philosophique autour d’enjeux qui, à supposer qu’ils passionnassent les esprits éclairés de l’époque [j’use de l’imparfait du subjonctif car Malmkrog en use et en abuse], ont perdu beaucoup de leur résonnance aujourd’hui.

Soit que je ne sois pas assez snob, soit que je ne sois pas assez intelligent, je garderai un souvenir calamiteux des 3h21 de ce film. Le zéro pointé que j’avais donné aux 2h53 de Sieranevada aurait dû pourtant me mettre la puce à l’oreille. Cristi Puiu n’est décidément pas un cinéaste pour moi.

La bande-annonce

Chained ★★★☆

La quarantaine bien entamée, Rashi est flic à Tel Aviv. Il effectue consciencieusement son travail dans des conditions pas toujours faciles. Sous ses dehors placides, il est particulièrement ébranlé d’avoir été mis à pied suite à une enquête interne de l’inspection des polices pour abus d’autorité sur mineur.
Rashi est marié à Avigail. La jeune femme a eu une fille d’un premier lit qui vit avec le couple. La cohabitation n’est pas toujours fluide entre le beau-père et sa belle-fille. Et les difficultés du couple à avoir ensemble un enfant révèlent des tensions qui menacent de dégénérer.

Chained est un film éprouvant. De la première scène – où l’on voit Rashi et son acolyte interpeler un père violent – jusqu’à la dernière – dont on ne dira rien – on sera scotché à son fauteuil et très mal à l’aise. On s’étonne d’ailleurs que la commission de classification ait délivré un visa tous publics sans aucun avertissement – là où l’inoffensif Lucky Strike que j’ai chroniqué hier écopait d’une sévère interdiction aux moins de douze ans.

Chained est construit selon un procédé simple mais terriblement efficace : sans aucun temps mort, sans aucune respiration, chaque scène raconte jusqu’à l’épuisement une dispute, plus ou moins violente. C’est d’abord, on l’a dit, Rashi dans son métier, qui arrête un père de famille ou qui procède à la fouille d’adolescents suspectés de vendre de la drogue. C’est ensuite Rashi et sa belle-fille avec laquelle il se montre trop protecteur, lui interdisant toute sortie, ce qui stimule en retour l’esprit de rebellion de l’adolescente. C’est enfin Rashi et Avigail dans leur PMA infructueuse et dont le couple se défait inexorablement.

Rashi est au centre de chacune de ses disputes, qu’il les provoque ou qu’il les subisse. Le personnage est ambivalent, servi par l’interprétation impeccable de Eran Naim. Son physique, de gros nounours tendre, est plutôt rassurant ; mais on sent en lui une violence qui ne demande qu’à éclater. Sans être un saint, il n’est ni un flic ripoux, ni un beau-père abusif ni un mari violent. La richesse du personnage vient précisément de son ambiguïté.

Chained est le premier volet d’un diptyque. Beloved sortira sur les écrans mercredi prochain. Il est filmé du point de vue d’Avigail. Je courrai le voir.

La bande-annonce

Lucky Strike ★★☆☆

Un luxueux sac Vuitton rempli de billets de banque est abandonné dans le casier d’un sauna. Comment est-il arrivé là ? Que va en faire l’employé qui a mis la main dessus ?

Nous vient du Pays du matin calme, dont la cinématographie bénéficie désormais de l’aura projetée par Parasite, Lucky Strike, un thriller volontiers grand-guignolesque qui met en scène, comme son affiche l’annonce, une brochette d’individus plus ou moins cupides et criminels qui se disputent un magot.

La construction en est intelligente qui joue sur les temporalités et sur les points de vue. On risque de la trouver confuse et de n’y rien comprendre à première vue ; mais lentement les pièces du puzzle s’agencent jusqu’à donner sens à une histoire somme toute assez conventionnelle.

Le résultat ne révolutionnera pas l’histoire du cinéma. Il ressemble trop à des polars similaires qu’on a déjà vus aux États-Unis (l’indépassable Memento qui lança la carrière de Christophe Nolan), au Royaume-Uni (le tarantinesque The Gentlemen) en Corée (Le Gangster, le Flic et l’Assassin) ou même en France (je pense à l’excellent Seules les bêtes qui adoptait une construction éclatée similaire) pour soulever l’enthousiasme. Mais il se regarde sans déplaisir. Un plaisir qu’on prend à la fois à reconstituer les fragments du puzzle (il est toujours enivrant de se sentir intelligent !) et à en apprécier chaque morceau.

La bande-annonce

Tout simplement noir ★☆☆☆

Acteur raté, Jean-Pascal Zadi, dans son propre rôle, a décidé d’organiser une marche des fiertés noires. Il part à la rencontre des leaders de sa communauté pour les convaincre d’y participer.

Faute de sorties américaines, Tout simplement noir se présente comme le film de la semaine, le seul capable de ramener dans les salles obscures un public qui en a été longtemps sevré mais qui lui préfère ces jours-ci le ciel bleu des terrasses.

Il a quelques arguments en sa faveur. Le premier bien sûr est l’actualité de son thème, en pleines affaires Lloyd et Traoré, alors que le débat récurrent sur le racisme et l’antiracisme s’enflamme d’une actualité nouvelle et prend cette fois ci pour sujet le déboulonnage des statues. Le deuxième est l’angle comique qu’il choisit pour le traiter, le plus susceptible de drainer un large public. Le dernier et non le moindre est la pertinence de son approche, qu’annonce son titre, hymne à l’intégration républicaine et à l’invisibilité mélanique : il n’y a ni honte à avoir ni gloriole à tirer de la couleur de sa peau.

La « condition » noire en France est un sujet inépuisable. Pap Ndiaye lui avait consacré en 2007 un livre qui fit date et annonça la naissance des black studies en France. Il y démontrait que les Noirs en France ne constituaient pas une communauté unie par une même histoire et une même culture, mais une minorité partageant la même condition sociale, souvent victime de discriminations et en souffrance d’intégration. Telle est la thèse de Tout simplement noir : il n’existe pas une identité noire mais plusieurs qu’il est difficile de délimiter et de définir.

La question que soulève la condition noire se divise en autant de sous-questions : quelle est la nature des discriminations dont souffrent les Noirs de France ? faut-il appliquer une politique de quotas pour les combattre ? l’objectif est-il de les rendre plus visibles dans une communauté nationale qui assumerait enfin sa diversité, ou paradoxalement moins visibles dans une société devenue neutre à la couleur de la peau ? le métissage est-il une trahison ou une solution ? existe-t-il une convergence des luttes entre les différents mouvements antiracistes ? la question raciale est-elle soluble dans la question sociale ? l’antiracisme est-il un féminisme ? quelle est la place et l’apport des Antillais et des Africains de souche dans la mouvance ? comment la classe politique s’est-elle emparée de ces questions ? sont-elles l’apanage de la gauche ?

Autant de questions qui sont à peine ébauchées dans un film au scénario paresseux construit comme autant de vignettes autour des rencontres successives et souvent désopilantes de Jean-Pascal Zadi, suivi à la trace par son caméraman, et des célébrités qu’il essaie de rallier. Prenons un exemple : sa rencontre inopinée avec Fabrice Eboué et Lucien Jean-Baptiste dans un restaurant. Le premier, d’origine camerounaise, a réalisé une comédie hilarante sur l’esclavage, Case départ ; le second, martiniquais, a signé La Première Etoile qui raconte les déboires d’un père de famille antillais aux sports de neige. Dans un crescendo très drôle, les deux hommes en viennent aux mains se reprochant, au premier de s’être ri d’un thème dramatique, au second d’avoir signé un film de « Bounty » [le Bounty est un Noir au comportement de Blanc, comme la barre chocolatée « noir dehors et blanc dedans »]. On rit bien sûr devant tant d’hystérie ; mais la réflexion n’est pas poussée bien loin qui aurait pu interroger deux façons d’être noirs en France selon que ses ancêtres ont ou non été victimes de l’esclavage, selon qu’on soit né Français ou qu’on le soit devenu.

Tout simplement noir déçoit plus qu’il ne convainc. Les rares éclats de rire qu’il provoque étaient déjà déflorés par la bande-annonce. Et la réflexion que suscite la lecture stimulante des interviews intelligentes de son réalisateur ne trouve guère d’échos dans son film.

La bande-annonce