Action ou vérité ★☆☆☆

Une bande de jeunes Américains en spring break au Mexique tombe sous le coup d’une malédiction. Ils sont condamnés à jouer au jeu Action ou Vérité. Celui qui refusera mourra. Celui qui n’effectuera pas l’action attendue de lui mourra. Celui qui mentira à la question posée mourra. Comment échapper à la malédiction ?

Action ou vérité détourne le jeu enfantin, rite de passage d’une adolescence en friche, pour en faire un jump scare movie à la mecanique bien huilée. Il ne s’agit pas de lâcher une bande d’ados une nuit sans lune dans une forêt obscure et sans réseau ; mais c’est tout comme. Les héros sont ici sept étudiants en goguette au Mexique – interprétés par une brochette d’acteurs trentenaires qui peinent à se faire un nom au cinéma après quelques succès éphémères à la TV ou dans des teen-drama (ainsi de la ravissante Lucy Hale révélée par la série Pretty Little Liars ou Tyler Posey héros de Teen Wolf). À noter l’absence dangereusement incorrecte d’acteurs noirs dans cette troupe – la présence d’un jeune Asiatique gay ne suffisant peut-être pas,à elle seule, à assurer la représentation non discriminatoire des minorités. Comme on s’y attend le petit groupe sera progressivement décimé par la malédiction jusqu’à ce que ne restent que les deux héroïnes, dont l’amitié indestructible avait été temporairement compromise par les péripéties de l’histoire, mais que consacrera un épilogue étonnamment immoral.

Action ou vérité serait un effroyable nanar interdit aux moins de douze ans pour la violence et aux plus de seize pour sa bêtise s’il n’était sauvé par la richesse de son scénario. Car, en effet, l’action, loin de faire du surplace, avance au fur et à mesure des défis lancés par le démon qui s’est emparé de nos jeunes godelureaux qui force, par exemple, l’héroïne à révéler les sentiments qu’elle nourrit pour le boyfriend de sa meilleure amie ou le gay à faire son coming out. Rien bien sûr de shakespearien ou de dostoïevskien. Mais l’entrelacement intelligent des codes de la comédie romantique et du film d’horreur n’est  pas inintéressant.

La bande-annonce

MILF ★☆☆☆

Trois amies, la petite quarantaine, inséparables depuis le lycée, partent ensemble dans le Sud de la France ranger la maison de vacances que l’une d’elles s’apprête à vendre. Élise (Axelle Laffont), la plus fantasque, élève seule sa fille. Cécile (Virginie Ledoyen) vient de perdre son mari. Sonia (Marie-Josée Croze) vit une relation toxique avec un homme marié.
Une fois sur la plage, les trois femmes découvrent que leurs charmes n’est pas sans effet sur une bande d’adolescents, malgré leur différence d’âge.

Amis lecteurs, êtres de pureté et d’innocence, feignez comme moi un instant l’ignorance et réjouissez vous d’élargir votre champ lexical à des expressions qui vous étaient jusqu’alors inconnues : MILF, camel toe, biffle, squirt…

La MILF ne doit pas être confondue avec la cougar. L’expression, popularisée à la fin des années 90 par le film American Pie, ne désigne pas la prédatrice d’une quarantaine d’années attirée par des hommes plus jeunes mais celle du même âge qui suscite passivement l’intérêt lascif de ceux-ci. Vous me direz que le résultat est le même. Vous n’aurez pas tout à fait tort.

En choisissant pareil titre, Axelle Laffont annonce la couleur : celle d’une comédie sur un phénomène de société qui en explore parfois, non sans intelligence, les causes et les conséquences. MILF contient quelques scènes réussies qui décrivent le malaise des célibattantes, trop vieilles pour être jeunes, trop jeunes pour être vieilles, et l’écart générationnel difficile à combler qui les sépare des garçons vingt ans plus jeunes dont la sexualité s’est construite devant YouPorn. Mais hélas, l’affiche que MILF s’est choisie, d’une rare laideur (ah ! ces tons orange) et d’une rare beauferie (ah ! ce regard insistant d’ados à casquettes sur les fesses des héroïnes), nous rappelle à la dure réalité : MILF ne sera pas le film féministe promis par sa réalisatrice, mais une comédie un peu grasse, façon Les Tuche ou Camping, qui émoustillera les jeunes sans trop choquer les vieux.

MILF n’évoque pas une seule fois Brigitte Macron. Il a cette élégance. Mais c’est bien la seule d’un film trop long, pas drôle, limite vulgaire.

La bande-annonce

Don’t Worry, He Won’t Get Far On Foot ★☆☆☆

Né sous X, alcoolique à treize ans, tétraplégique à vingt-et-un, John Callahan n’a pas eu une jeunesse facile. D’autres que lui auraient pu sombrer. D’ailleurs l’accident qui le prive de l’usage de ses membres ne le dissuade pas de continuer de boire.
Mais, grâce à la chaleur amicale d’un groupe d’Alcooliques anonymes, grâce à l’amour d’une femme, grâce surtout à la pratique du dessin qui fera connaître ce dessinateur au trait provocateur du monde entier, John Callahan va commencer une nouvelle vie.

On comprend l’intérêt que Gus Van Sant a trouvé dans la rédemption de John Callahan, originaire comme le cinéaste, de Portland dans l’Oregon. Le personnage est attachant qui refuse toute démagogie, dans ses œuvres comme dans sa vie, et cultive une capacité étonnante à déplaire. En ces temps où la résilience est à la mode, ce feel good movie pourra toucher.
D’ailleurs sa première demie-heure fait illusion, qui entrelace plusieurs chronologies avec une étonnante maestria : une réunion des AA où Callahan fait retour sur son passé, sa vie débridée et alcoolique au début des années 80 (ah ! ces coiffures !), son arrivée à l’hôpital après son accident et sa terrible rééducation.

Mais le film souffre d’une cruelle défaillance de scénario. Aucune tension ne l’innerve, aucun fil ne le tend, aucun enjeu ne le fait avancer. Gus Van Sant se borne à raconter, aussi brillamment soit-il, l’histoire d’un homme qui s’en est sorti. Ce biopic sirupeux et inconsistant s’étire sur près de deux heures. Il rappelle Will Hunting – avec Robin Williams auquel le rôle de John Callahan était promis – et Harvey Milk dont je n’ai jamais partagé l’admiration respectueuse dont il fait l’objet. Quand bien même l’interprétation est étincelante (Joaquin Phoenix, qui aligne ces temps-ci les rôles titres, confirme qu’il est l’un des plus grands acteurs de sa génération, Jonah Hill surprend dans un rôle à contre-emploi, même Rooney Maria parvient à sauver son personnage de la caricature), elle ne suffit pas à tirer le spectateur de la lente somnolence dans laquelle il a tôt fait de glisser.

La bande-annonce

Coby ★★★☆

Suzanne est un garçon manqué. Depuis son plus jeune âge, elle a la conviction que la nature s’est trompée en lui donnant un corps de fille. Avec l’assentiment de ses parents, elle décide d’en changer. Suzanne deviendra Jake. Mais le temps de la « transition », il/elle est Coby.

Les hasards du calendrier amènent sur les écrans ce documentaire qui décrit le changement de sexe d’une jeune Américaine, un mois à peine après Finding Phong, qui racontait celui d’un jeune Vietnamien. Les deux documentaires racontent ces deux histoires symétriques avec le même parti pris : nous faire voir et comprendre sans voyeurisme un processus qui suscite une curiosité parfois malsaine, le désamorcer de tout ce qu’il pourrait avoir de choquant ou de ridicule. Parce qu’il n’a pas la charge exotique des Lady Boys asiatiques, parce qu’il nous ressemble, Coby nous touche plus que Phong.

On découvre un foyer bobo de l’Ohio : une mère aimante dont on comprend qu’elle a eu, plus jeune, une vie moins rangée et un premier enfant, le réalisateur français de ce documentaire, un père déjà âgé et dont les commentaires révèlent une rare humanité, un frère aîné dont la ressemblance avec son cadet s’accentuera au fur et à mesure de la masculinisation de ce dernier et enfin une petite fille dont les photos d’enfance – dont celle stupéfiante qui fait l’affiche du film – révèlent immanquablement le trouble identitaire.

Christian Sonderegger, qui est donc le demi-frère de Coby, filme ce foyer en 2016 alors que Coby hésite à pratiquer l’hystérectomie qui la transformera irrévocablement en homme. Cinq ans plus tôt, elle a commencé un traitement à la testostérone qui a radicalement modifié son apparence physique : pilosité, musculature, tessiture… Rien ne laisse supposer que ce séduisant barbu fut jadis une adolescente en fleurs. Les interviews que le réalisateur a avec les membres de la famille – ainsi qu’avec Sara dont on comprend qu’elle est depuis toujours la petite amie de Suzanne/Coby et qu’elle l’accompagne amoureusement dans sa transition – sont entrecoupés d’images d’archives : Coby s’était longuement filmé pour expliquer sur un forum transgenre sa transformation.

Comme Les Invisibles de Sébastien Lifshitz qui décrivait la vie ordinaire de couples homosexuels, en démontrant, à rebours des outrances incendiaires des opposants au mariage pour tous, que les gays n’étaient ni des monstres dénaturés ni des pervers partouzeurs, que l’homosexualité pouvait se vivre sereinement, Coby témoigne que la « réassignation sexuelle » – l’expression savante pour désigner le changement de sexe – peut se vivre sans drame.

La bande-annonce

Sonate pour Roos ★★☆☆

Au terme d’un long voyage automobile dans la Norvège enneigée, Roos, la trentaine, photographe professionnelle, rejoint Louise, sa mère, une ancienne concertiste, et Bengt, son jeune demi-frère passionné d’acoustique. Entre la pianiste et la jeune femme, la tension est palpable, nourrie de rancœurs et de non-dits. Roos a un secret à partager dont elle tarde à s’ouvrir.

Sonate pour Roos est un film européen. Son réalisateur et ses deux actrices principales sont néerlandais. Son action se déroule en Norvège. Ses dialogues sont en anglais.

Son sujet est plus classique. Il traite des relations mère-fille dans une ambiance hivernale et morbide qui n’est pas sans rappeler Ingmar Bergman. Car le besoin d’amour de Roos se heurte au mutisme dédaigneux de sa mère, que la pratique exigeante de son art et la vie recluse dans le nord de la Scandinavie n’ont pas habituée aux épanchements maternels. Seules sources de réconfort pour Roos : la douceur d’un ancien amant qu’elle retrouve pour une courte étreinte et l’amour de son jeune frère, empli d’une rage artistique que la vie isolée qu’il mène avec sa mère peine à satisfaire.

Le sujet pourrait être plombant. Il est traité sans afféterie. Les mots sont rares dans ce film silencieux et volontiers contemplatif qu’emplissent la musique de Louise, les sons de Bengt et les photos de Roos. Il se termine par une scène glaçante dont je ne crains que trop d’avoir compris la signification.

La bande-annonce

Milla ★☆☆☆

Milla et Léo sont à peine sortis de l’enfance. Ils vivent d’amour et d’eau fraîche en périphérie d’une petite ville côtière du bord de la Manche. Ils y squattent un pavillon abandonné. Ils rient. Ils lisent. Ils volent leur nourriture. Ils écoutent en boucle Add it up du groupe folk punk Violent Femmes. Leo trouve à s’employer sur un chalutier. Milla est enceinte.
Un drame survient. La vie de Milla pourrait s’en trouver brisée. Mais la jeune femme résiliente va de l’avant.

Le sujet épuré de Milla pouvait se prêter à toutes les formes possibles de traitement. L’amour fou façon Lelouch avec musique tourbillonnante et travelings échevelés. La critique sociale façon Ken Loach avec des dilemmes déchirants. Le drame érotique façon Oshima avec du sexe à gogo.

Le parti pris de la jeune réalisatrice, qui signe son second long après Nana (2012) [Valérie Massadian aime décidément les titres brefs], est tout autre. Elle opte pour une approche quasi documentaire filmant en longs tableaux silencieux, séparés par de déroutantes ellipses, la vie de Milla qui s’écoule.

Le sujet aurait pu tenir en quinze minutes. Il dure plus de deux heures. La patience du spectateur est mise à rude épreuve. D’ailleurs nombreux sont ceux qui ne s’en laissent pas compter et quittent la salle. J’avoue que la tentation m’a frôlé, l’espace d’un instant. J’y ai vaillamment résisté et en suis heureux ; car le voyage mérite d’être mené jusqu’à son terme quand bien même aucun twist, aucun cliffhanger ne le ponctue. Est-ce à dire pour autant que j’ai été séduit par cet ascétisme arty ? Ce serait pousser le snobisme un peu trop loin.

La bande-annonce

Une femme heureuse ★★★☆

Tara a tout pour être heureuse : un mari aimant, deux bambins débordants de vie. Mais Tara s’ennuie. Tara étouffe. Cette jolie trentenaire, femme au foyer, ne supporte plus son mari, son égoïsme. Elle a beau chérir ses deux jeunes enfants, elle ne supporte plus leurs cris et la vie asservissante à laquelle ils la condamnent.
Un beau jour, elle décide de fuir. Destination Paris où elle rêve de voir de visu La Dame à la licorne. Escapade sans lendemain ou évasion définitive ?

Filmer l’ennui n’est pas facile. Une femme heureuse, dont le titre français, on l’aura compris, est une antiphrase, y réussit pourtant. C’est un mal insidieux, qui guette nos sociétés repues – et dont Wall-e par exemple rendait compte merveilleusement dans sa première demie-heure. L’Ennui de Moravia – porté à l’écran sans démériter par Cédric Kahn en 1998 – l’envisageait du point de vue masculin. L’ennui qui sourd des vies à moitié vides des femmes au foyer est un sujet souvent traité par la littérature (Emma Bovary, Anna Karenine, Effi Briest, Ariane Deume…) et au cinéma (Belle de jour avec Catherine Deneuve, Loin du paradis avec Julianne Moore,  Little Children avec Kate Winslet, La Vie domestique avec Emmanuelle Devos…)

Une femme heureuse n’est pas un film spontanément sympathique. Plusieurs spectateurs ont d’ailleurs quitté la salle en cours de séance. Pendant sa première moitié, on y voit en très gros plan une femme qui pleure, broyée par une inexorable dépression. Pendant la seconde, on la suit prendre la poudre d’escampette à Paris dont même les façades lépreuses des immeubles haussmanniens du dixième arrondissement, au sortir de la gare du Nord, sont pour la Londonienne la promesse d’une renaissance. Jusqu’à un dénouement inattendu que je ne suis pas sûr d’avoir d’ailleurs totalement compris.

Mais Une femme heureuse est portée par la grâce de son actrice principale qui a produit elle-même ce film. Gemma Arterton est de tous les plans. Depuis que je l’ai découverte dans Tamara Drewe, je suis incapable de parler de ses films sans consacrer un long paragraphe à l’adoration suspecte que je lui voue. Son visage triste, sa lippe, son accent, tout en elle m’émeut. Et dans ce film plus que dans tous autres, parce qu’elle joue sans fard une femme désespérée, parce qu’elle refuse tout glamour, Gemma Arterton émeut.

La bande-annonce

Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma ☆☆☆☆

Tandis que le producteur Jean Almeyreda (Jean-Pierre Mocky) s’échine à renflouer sa société, le réalisateur Gaspard Bazin (Jean-Pierre Léaud) fait passer des auditions. Entre eux, Eurydice (Marie Valéra), la femme de Almeyreda et l’actrice de Bazin.

En 1986, quelques mois avant sa privatisation, TF1 diffusait en prime-time le samedi soir ce téléfilm de Godard. Il a été projeté au dernier festival de Locarno l’été dernier et est sorti en salles en octobre 2017.

Je n’ai jamais été un grand godardien. Soigne ta droite est d’ailleurs le seul film dont je sois sorti de la projection en cours de séance. C’était en 1988 dans une petite salle à Toulon, fermée depuis belle lurette. Il y a prescription. Bien sûr, j’ai aimé les films du Godard de la première époque : À bout de souffle, Le Mépris… Mais à partir de Alphaville et de Pierrot le fou, Godard m’égare. Et dans les années 1970, il me perd définitivement.

Je comprends son désir d’aller au-delà des formes convenues du cinéma tel qu’on le pratiquait alors. Michel Hazanavicius a réussi avec beaucoup d’intelligence à capter ce tournant-là dans Le Redoutable. Mais je ne comprends pas ce qu’il a fait de ce désir et les formes vers lesquelles sa quête l’a entraîné.

Alors, bien sûr, je continue à aller voir les films de Godard, par révérence due à son écrasante réputation. J’ai vu Adieu au langage en 2014. Je me suis copieusement barbé. J’irai voir Le Livre d’image le mois prochain. Je me barberai probablement.

Je trouve les films de Godard artificiels, prétentieux, vains et creux. J’y entrevois aussi quelques références qui hélas me dépassent (Almeyreda est le pseudonyme du père de Jean Vigo, Bazin le patronyme d’un célèbre critique de cinéma des années 50). J’y découvre parfois quelques fulgurances. Par exemple dans Grandeur et décadence… un essai d’une criante vérité avec une actrice anonyme qui hurle son chagrin face à la caméra. N’allez pas, comme moi, perdre votre temps à chercher cette séquence dans le film. Regardez la bande-annonce : elle y est.

La bande-annonce

Marion ☆☆☆☆

Hervé Pierre-Gustave alias HPG est un hardeur qui veut faire sortir le porno du ghetto. En 1999, il signe HPG, son vit, son œuvre … tout un programme. En 2012, il confiait au documentariste Raphaël Siboni les milliers d’heures de making-of de ses tournages X.  Le documentaire qui en fut tiré – si j’ose dire – s’intitulait Il n’y a pas de rapport sexuel.

Le titre du dernier film de HPG est moins sursignifiant. Marion – qui était déjà le prénom de l’héroïne de son premier film « normal » Les Mouvements du bassin – est le prénom de la femme aimée, cette femme que HPG, nous dit-il dans sa note d’intention, cherche à travers toutes les femmes.

C’est une façon bien romantique de présenter ce film qui se constitue en fait de cinq scènes de sexe, filmées sans grâce, où HPG batifole avec diverses partenaires plus ou moins siliconées, faisant l’amour mécaniquement pendant qu’il discute avec elles, comme on le ferait autour d’un café.

Cette façon de faire pourrait porter à sourire voire à réfléchir, d’autant que HPG, un brin masochiste, ne se donne pas le beau rôle, campant volontiers le rôle d’un bourrin mal dégrossi. Mais hélas, ce serait faire trop d’honneur à Marion que d’y voir une mise en abyme du porno ou une distanciation bienvenue. Pas excitant, pas drôle, pas subtil, pas beau, Marion – dont on nous annonce une version non expurgée qui sortira directement en VOD – ne mérite pas l’heure de sa courte durée.

Mes provinciales ★★★☆

La vingtaine, Étienne monte à Paris poursuivre ses études de cinéma. Il laisse derrière lui Lucie, sa petite amie, dont sa nouvelle vie va lentement mais sûrement l’éloigner. Il partage un appartement avec Valentina puis avec Annabelle, qui préfère aux bancs de l’université l’ambiance militante des luttes prolétariennes et dont il tombe amoureux. Il se fait des amis à Paris VIII, en classe de cinéma, Jean-Noël, un fidèle second, toujours de bonne humeur, et surtout Mathias qui embrasse une conception intransigeante de son art au risque de se mettre ses camarades à dos.

Il existe une bonne demie-douzaine de raisons de détester ces Provinciales. Son titre prétentieux, avec son adjectif possessif, singulier et narcissique, sa référence prétentieuse à Pascal (il y vilipendait les « petits arrangements » des Jésuites). Son noir et blanc chichiteux. Le jeu artificiel de ses acteurs qu’illustre par exemple une scène de classe aux dialogues trop lus. La vie oisive sans compas ni boussole de ses personnages. Leur manichéisme dans l’opposition entre William, qui ne jure que par Fincher et Verhoeven, et Mathias, qui se réclame de Murnau et de Ford.

Mais, on pourrait aussi, pour les mêmes exactes raisons, y voir un des meilleurs films de l’année.
Mes Provinciales n’emprunte pas seulement au titre de Pascal et à son sujet, mais aussi à cette faune de Parisiens que nous avons tous connus et dont nous avons parfois fait partie, d’autant plus « parisiens » qu’ils n’étaient pas nés dans la capitale, qu’ils venaient d’y « monter » et qu’ils étaient désireux d’en comprendre les codes et d’en adopter les tics.
Un noir et blanc qui donne au film une patine intemporelle – même si l’actualité la plus récente est évoquée incidemment qu’il s’agisse de l’élection d’Emmanuel Macron ou des ZAD – et filme au plus près des visages encore adolescents d’une émouvante beauté.
Une pléiade d’acteurs qu’on a déjà vus dans des petits films français et qui déploient, avec la grâce touchante de leurs vingt ans un jeu tout en nuance : Andranic (quel drôle de prénom) Manet, le double autobiographique du réalisateur, l’incandescente Sophie Verbeeck (Le Collier rouge), la fragile Diane Rouxel (Les Garçons sauvages), la mutine Jenna Thiam (L’Indomptée, L’Année prochaine), Corentin Fila (Quand on a 17 ans)…
Des dialogues sans doute trop écrits, mais d’une rare profondeur, comme l’illustre précisément cette scène de classe où s’affrontent deux conceptions antinomiques du cinéma, l’une guidée par le plaisir qu’il doit donner au spectateur, l’autre campée sur l’intransigeance de sa seule pureté.
Et enfin la vie tout simplement. Celle de ces jeunes adultes que nous avons tous été, au temps où l’horizon des possibles nous était infini, au temps où nous étions sur le point de réussir notre vie, au risque de la rater, avant tout bêtement que de la vivre.

La bande-annonce