The Grill ★☆☆☆

Une immigrée mexicaine fraîchement débarquée à New York réussit sur un malentendu à se faire embaucher dans les cuisines d’un grand restaurant proche de Times Square. Son personnel est composé de travailleurs en situation précaire, originaires de tous les pays du monde. Parmi eux, une Américaine, Julia (Rooney Mara), doit prendre sans tarder une décision cornélienne. Le chef comptable est confronté à une difficulté d’un tout autre d’ordre : 823 dollars manquent à la caisse. Pedro, l’amoureux de Julia, est accusé du vol.

The Grill est l’adaptation d’une vieille pièce de théâtre new-yorkaise des années 50 qui avait d’ailleurs déjà fait l’objet d’une première adaptation à l’écran au début des années 60. Elle est pourtant furieusement contemporaine. Par son style. Par son sujet.

Le réalisateur mexicain Alonzo Ruizpalacios a en effet entendu utiliser l’espace clos d’une immense cuisine new-yorkaise pour y filmer un bruyant microcosme. Sa caméra virtuose s’agite dans tous les sens, passant d’un protagoniste à un autre dans une course étourdissante. On comprend que cette agitation est censée nous faire ressentir la frénésie d’un « coup de feu » en cuisine. On comprend moins bien le recours au noir et blanc qui affadit les plats savamment concoctés et gomme leurs couleurs qu’on imagine éclatantes.

The Grill raconte une tour de Babel, de nationalités et de langues : on y parle en espagnol (beaucoup) mais aussi en français, en arabe et parfois (très peu) en anglais. Pendant que les WASP déjeunent dans la salle à manger Art nouveau, les soutiers s’épuisent à préparer leurs repas en cuisine, pour un salaire de misère, dans l’espoir toujours déçu d’une hypothétique régularisation qu’un patron cynique leur fait miroiter.

Le sujet est intéressant et l’ambition artistique du réalisateur méritoire. D’où vient alors que The Grill ne fonctionne pas ? Ce n’est pas la faute des deux acteurs principaux, la star Rooney Mara (The Social Network, Millenium, Carol…) et Raúl Briones. C’est celle d’un scénario qui tourne un peu en rond, qui ne sait pas trop que faire de ce lieu et des personnages qui y travaillent une fois qu’ils ont été introduits.

La bande-annonce

Rouge Midi (1985) ★★☆☆

Rouge Midi raconte l’histoire d’une famille italienne arrivée par le train à L’Estaque dans la banlieue de Marseille dans les années vingt et de sa descendance sur quatre générations. Leur fille Maggiorina (Ariane Ascaride), employée à la cimenterie, rencontrera Jérôme (Gérard Meylan), un chauffeur de maître, et traversera avec lui le Front populaire et l’Occupation. Leur ami Mindou, secrètement épris de Maggiorina, est proxénète et a mis sur le trottoir Ginette en lui faisant miroiter une carrière d’artiste. Maggiorina et Jérôme ont deux enfants, Marie et Pierre qui grandiront pendant les Trente Glorieuses. Pierre fait des études et aura un fils, Sauveur (Gérard Meylan encore lui), qui, devenu adulte, hésite à quitter Marseille.

Une rétrospective est consacrée cette semaine à la Filmothèque du Quartier latin à Robert Guédiguian qui viendra chaque soir présenter ses films. C’est l’occasion de voir ou de revoir quelques pépites rares comme ce film-ci, son deuxième, tourné en 1984 et sorti l’année suivante. Ariane Ascaride n’avait pas trente ans et Gérard Meylan avait le même âge. Depuis quarante ans, on les a vus vieillir et c’est avec une réelle émotion qu’on les revoit si jeunes.

Rouge Midi est un film d’une étonnante ambition pour un réalisateur encore si inexpérimenté. Il s’agit de brosser l’histoire d’une famille marseillaise sur quatre générations des années vingt aux années quatre-vingts. On sent percer les deux arguments ô combien politiques de cette fresque : Marseille est une terre d’immigration qui s’est enrichie de l’apport de ces nouveaux venus, l’histoire de la cité phocéenne est celle des luttes syndicales qu’elle a vécues.

Robert Guédiguian plonge dans ses souvenirs comme Fellini dans Amarcord en ressuscitant le vieux Marseille de ses parents ou celui qu’il a connu, tout gamin, dans les années cinquante. Comme la totalité des films qu’il tournera ensuite, Rouge Midi est une déclaration d’amour à sa ville natale.

La limite de ce film est son manque de moyens. Pour tourner pareille fresque, qui aurait peut-être été plus adaptée au format d’une série, il aurait fallu un budget autrement plus important qui aurait permis des reconstitutions plus impressionnantes que celles, bien amateuristes, qu’on nous donne à voir. On aimerait sentir le grand vent de l’Histoire, les grèves du Front populaire, la débâcle de l’Occupation, la liesse de la Libération ; mais hélas, on ne voit rien de tout cela et on se limite bien vite à une succession de saynètes intimistes dans lesquelles, faute de transitions et de repères chronologiques, on finit par se perdre.

Un extrait

Les Fleurs du silence ★★☆☆

Dans l’Angleterre du début du vingtième siècle, Owen, un écrivain homosexuel enfermé dans un hôpital, raconte à une infirmière compatissante son histoire déchirante. Il a vécu une romance avec Philip, un étudiant en médecine qui était convaincu d’avoir découvert le moyen de combattre médicalement l’homosexualité et s’était mis en tête d’expérimenter sur lui un nouveau protocole.

Les Fleurs du silence – dont le titre original, Lilies Not for Me, référence au poème de Digby Mackworth Dolben, est autrement plus inspiré – évoque une page de l’histoire de la médecine qui fait froid dans le dos. Au début du vingtième siècle, un médecin autrichien avait cru pouvoir soigner les homosexuels de leur vice en leur ôtant leurs testicules et en les remplaçant par celles d’un porteur « sain ». Cette pratique monstrueuse fut testée sur plusieurs « malades » dans les années 10 et 20, provoquant la mort de plusieurs et n’en « soignant » bien évidemment aucun.

L’évocation de cette thérapeutique est l’un des deux volets du film. Le second, loin des salles d’opération et du cachot où Owen est retenu, est autrement plus aimable. Comme le montre l’affiche des Fleurs du silence, on y voit, dans un cadre édénique les amours d’Owen et de Philip, puis celles d’Owen avec un autre garçon tout aussi agréable à regarder.

« Burnes Out » titre la critique de Libération avec l’ironie qui caractérise la rubrique cinéma de ce quotidien. Le trait d’esprit est plaisant ; mais le film ne prête pas à rire. La critique a eu la dent dure avec lui, lui reprochant à la fois la noirceur de son sujet et l’afféterie de ses nus david-hamiltoniens. Je serais moins sévère. Sans doute Will Seefried n’a-t-il pas l’élégance de James Ivory, son modèle, et Les Fleurs du silence souffre-t-il de la comparaison avec Maurice. Mais il n’en réussit pas moins à toucher dans son évocation de l’homosexualité il y a un siècle à peine, de sa pathologisation et de la difficulté à la vivre, à l’accepter pour soi et à la faire accepter des autres.

La bande-annonce

Daguerréotypes (1975) ★★★☆

Agnès Varda a un jour raconté que le périmètre de ce film a été décidé par la longueur du câble de sa caméra branchée chez elle, rue Daguerre, dans le 14ème arrondissement parisien. Avec une équipe technique réduite au minimum, elle filme les commerçants de son bout de rue et le spectacle bon enfant qu’y donne un magicien.

Daguerréotypes : le titre est à lui seul un jeu de mots. Daguerre est l’inventeur de la photographie. Daguerréotype est l’anthroponyme, tombé en désuétude, qui désignait les premières photographies. Le titre fait par ailleurs référence à la rue Daguerre où habitaient la réalisatrice, son mari Jacques Demy, sa fille Rosalie (qu’on voit dans une scène acheter du parfum) et son bébé Mathieu qui venait de naître.

Daguerréotypes vaut d’abord pour le témoignage historique et sociologique qu’il laisse d’un Paris aujourd’hui disparu. Agnès Varda en avait d’ailleurs conscience qui écrit : « ce sont des archives pour les archéo-sociologues de l’an 2975 ». On y voit des métiers aujourd’hui disparus : le droguiste, le quincailler, le vendeur de couleurs, le réparateur d’horloges…. Le boulanger cuit son pain en plein Paris dans un fournil à bois. Le moniteur d’auto-école y donne ses leçons dans une Simca 1000. On y décharge les bouteilles de Butagaz.
Ce qui frappe, ce sont les accents régionaux, qui restent très forts chez ces provinciaux qui, pour la plupart, viennent de l’Ouest de la France (l’épicier est néanmoins marocain et le droguiste arménien) et sont installés à Paris depuis des décennies. Le travail, on le fait en couple : le boucher et la bouchère, le coiffeur (Yves !) et la coiffeuse, le boulanger et la boulangère.

Mais Daguerréotypes vaut surtout par le regard empathique qu’il porte sur ces petites gens. Si Agnès Varda a atteint une telle célébrité, au point d’être canonisée santo subito à sa mort à quatre-vingt-dix ans en 2019, c’est parce que son cinéma avait une vertu rare : la bienveillance. C’est pour cela que Daguerréotypes qui est si daté n’a pas pris une ride : sa bienveillance est furieusement dans l’air de notre temps.

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Toxic ★☆☆☆

Marija et Kristina, deux collégiennes abandonnées à elles-mêmes par des familles qui les dédaignent, s’inscrivent dans un cours de mannequinat. Quitte à se détraquer la santé, elles rêvent de s’arracher au milieu sordide dans lequel elles ont grandi.

Toxic a obtenu le Léopard d’or au dernier festival de Locarno. Son sujet est banal et a déjà été traité bien souvent. À Cannes l’an passé, Diamant brut mettait en scène une adolescente en surpoids qui rêvait de se qualifier pour une émission de téléréalité. On pense aussi au film serbe Clip qui avait défié la censure en filmant très crûment les premières relations sexuelles d’une adolescente dans la banlieue de Belgrade. On ne compte plus les films français  mettant en scène le mal-être d’une adolescente qui peine à sortir de l’enfance et qui fait l’expérience souvent douloureuse de l’âge adulte : Sans toi ni loi d’Agnès Varda, À nos amours de Maurice Pialat, L’Effrontée de Claude Miller, Seize printemps de Suzanne Lindon….

Si Toxic se distingue de cette longue généalogie, c’est en raison de sa forme, étonnamment audacieuse et maîtrisée chez une jeune réalisatrice. Saule Bliuvaite filme ses héroïnes de loin, en plaçant sa caméra très haut dans l’espace. Le procédé pourrait sembler artificiel. Mais il crée un décentrement du regard, un malaise qui est cohérent avec le point de vue du film.

Toxic est néanmoins victime de sa radicalité. Son scénario est très plat. Il refuse d’épicer un récit qui se languit. Par exemple, les tourments que Kristina s’inflige pour perdre du poids, en cultivant un ver solitaire, ne tournent pas au body horror façon The Substance ou Swallow. Aussi l’intérêt qu’on avait pris au début du film se dissipe-t-il bien vite…

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The Phoenician Scheme ★☆☆☆

Zsa-Zsa Korda (Benicio Del Toro), un richissime capitaine d’industrie, défie les innombrables tentatives d’assassinat perpétrées contre lui par ses concurrents, pour mener à bien un ultime projet. Sa fille unique (Mia Threapleton), à laquelle il vient de léguer sa fortune, et un répétiteur norvégien (Michael Cerra) l’accompagnent dans ce périlleux voyage.

Le dernier film de Wes Anderson fait beaucoup parler de lui dans une actualité cinématographique en pleine dépression post partum après que le rideau de Cannes s’est baissé. The Phoenician Scheme y était d’ailleurs en compétition officielle ; mais l’affiche du film n’évoque même pas cette sélection prestigieuse, la renommée du réalisateur lui assurant à elle seule une publicité suffisante.

Une exposition passionnante est actuellement consacrée à la Cinémathèque française au jeune génie texan, aujourd’hui âgé de cinquante-six ans déjà. Courez la voir si vous avez vu (et aimé) The Grand Budapest HotelMoonrise Kingdom ou À bord du Darjeeling Limited. Vous y verrez des croquis dessinés de la main du réalisateur, des costumes, des accessoires originaux…

J’ai lu sous la plume de la critique qu’après le trou d’air de ses deux derniers films (The French Dispatch et Astéroid City), Wes Anderson était revenu à son meilleur niveau. Certes – mais cela ne nous étonne plus – chaque plan, parfaitement millimétré, aux couleurs parfaitement harmonieuses, à l’éclairage parfait, constitue une œuvre d’art sur laquelle on aimerait s’arrêter. Mais la succession d’images parfaites ne suffit pas à faire un film.

Je fais à Wes Anderson depuis quelques films le même reproche bien sévère : il m’ennuie. Ces scénarios tintinesques n’ont aucun enjeu, aucun rythme, sinon celui de la répétition lassante des mêmes sketches d’une dizaine de minutes chacun qui sont l’occasion d’une (trop) courte apparition d’une des stars qui, au fil des films, s’est ajoutée au tableau de chasse impressionnant de Wes Anderson : Tom Hanks, Mathieu Amalric, Scarlett Johansson, Benedict Cumberbatch…. Sont intercalées entre ces saynètes d’autres en noir et blanc pendant lesquelles le héros, en état de mort clinique, comparaît devant un tribunal céleste, nouvelle occasion de donner une scène à quelques stars qui ne trouvaient pas leur place ailleurs : Willem Dafoe, Bill Murray, Charlotte Gainsbourg….

Mais il est un reproche plus grave encore que j’adresse au cinéma de Wes Anderson depuis The French Dispatch : son refus revendiqué de toute psychologie et, par voie de conséquence, l’absence de toute émotion qu’il suscite. Ses personnages bédéesques (bédéiques ? bédéistiques ?) ne sourient pas, ne pleurent pas. Ce sont des poupées de son qui s’agitent dans des décors aussi parfaits soient-ils.

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Hot Milk ★★☆☆

Rose (Fiona Shaw) est clouée dans un fauteuil roulant. Sa fille Sofia (Emma Mackey) l’accompagne en Espagne tenter un traitement de la dernière chance dans la clinique du Dr Gomez (Vincent Perez). Sur la plage, elle fait la connaissance d’Ingrid (Vicky Krieps).

Scénariste chevronnée (Ida, Désobéissance, Colette, She Said…), la britannique Rebecca Lenkiewicz passe pour la première fois derrière la caméra pour réaliser l’adaptation du roman à succès de Deborah Levy.

Elle met en scène un trio de femmes : une mère, sa fille et l’amante de celle-ci, sous le soleil brûlant de l’Andalousie. Des non-dits familiaux, trop longtemps accumulés, se sont mués en traumatismes : la relation de Rose avec sa sœur aînée, celle de Sofia avec son père, qui lui a légué son patronyme grec mais l’a abandonnée encore enfant, celle d’Ingrid avec sa sœur handicapée… S’y ajoute ce mystérieux docteur espagnol et ses pratiques dont on se demande si elles relèvent du charlatanisme ou si au contraire elles réussiront à guérir Rose.

Hot Milk – un titre que je n’ai pas compris – baigne dans atmosphère étouffante. Il souffre de la joliesse de ces deux héroïnes au physique de top model, au point de faire ressembler le film à un long défilé de mode, au gré des maillots de bains qu’elles portent. Sa dernière scène est aussi puissante que frustrante.

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Chime ★☆☆☆

Un chef donne des cours de cuisine. L’un de ses élèves s’isole du groupe et devient de plus en plus violent. Il est à craindre qu’il s’en prenne aux autres ou à lui-même.

Alors qu’il approche les soixante-dix ans, Kiyoshi Kurosawa (sans lien de parenté avec son célèbre homonyme) continue à tourner toujours autant. Trois de ses films sortent coup sur coup en France : Chime le 28 mai, Cloud le 8 juin et La Voie du serpent le 13 août. Kurosawa est devenu célèbre grâce à ses films fantastiques : Cure en 1997, Kairo en 2001 et Vers l’autre rive en 2015. Mais sa palette est large qui va du thriller (Creepy en 2016) à la science-fiction Avant que nous disparaissions et Invasion en 2017). En 2016, il s’expatrie en France pour y tourner Le Secret de la chambre noire avec Mathieu Amalric, qu’il retrouvera dans La Voie du serpent, Tahar Rahim et Olivier Gourmet.

Chime est un moyen-métrage de quarante-cinq minutes. Une telle durée a de quoi déconcerter les spectateurs qui ont l’habitude de films nettement plus longs. Quand survient le générique de fin, ils sont déconcertés : certains ne savaient pas que le film serait si court et même ceux qui en étaient, comme moi, avertis, sont décontenancés.

Chime est d’autant plus déconcertant qu’on ne comprend pas immédiatement qui en est le héros. On croit que ce sera Tashiro, cet élève manifestement déséquilibré et que le film racontera sa lente descente dans la folie. Mais le film change bientôt d’axe et s’attache à Matsuoka, son professeur. A-t-il été contaminé par la folie de Tashiro ? On n’en saura rien. Le film se termine brutalement, l’absence d’explication ajoutant au désarroi du spectateur déjà marqué par sa brièveté.

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Familia ★★☆☆

Luigi et son frère aîné Alessandro ont souffert de souffrances domestiques. Franco, leur père violent, battait Licia, leur mère. Emprisonné, tenu à distance de sa femme par une mesure d’éloignement après son élargissement, il n’exerçait pas moins sur elle une emprise maladive, qui le laissait se réinstaller au domicile familial où il reprenait vite ses vieilles habitudes. Par réaction à cette menace, Luigi s’est engagé dans un groupuscule fasciste.

Familia est l’adaptation d’u roman autobiographique de Luigi Celeste. Il y raconte son enfance traumatisante, son enrôlement et ses conséquences funestes.

Francesco Costabile, dont le premier film était inédit en France, réussit à recréer une atmosphère étouffante qui justifie largement l’interdiction de Familia aux moins de douze ans. La réussite du film doit beaucoup à l’interprétation de Francesco Di Leva (Dernière Nuit à Milan, Nostalgia) dans le rôle de ce père en apparence bonhomme. Elle lui a valu l’an dernier à Rome le David du meilleur second rôle, l’équivalent du César. Le reste du casting est au diapason, qu’il s’agisse de la mère (Barbara Ronchi), de Luigi (Francesco Gheghi, prix d’interprétation masculine de la section Orizzonti à la Mostra en 2024) ou même de sa petite amie (Tecla Insolia) qui essaie sans succès de l’arracher à l’atavisme auquel il semble condamné.

Familia est un film glaçant sur les violences familiales. Le sujet semble être en Italie encore plus d’actualité qu’en France si on en croit l’audience l’an passé de Il reste encore demain – un titre optimiste qui résonne avec celui du livre de Luigi Celeste Non sarà sempre così. Il rappelle aussi l’un de tes tout meilleurs films français de ces dix dernières années au succès mérité, Jusqu’à la garde, cinq César en 2019 dont celui du meilleur film.

Il évoque aussi le fascisme et la manière dont il enrégimente les plus fragiles. Le sujet n’est pas nouveau qu’on a vu traité aux Etats-Unis (American History X), au Royaume-Uni (This is England), en France ( Un français, Chez nous) et même en Italie (Dogman).

Familia utilise un matériau documentaire pour un thriller noir, tourné dans des lumières artificielles très contrastées, surligné par une musique oppressante. Il évite le piège du manichéisme : Luigi et sa mère ne se réduisent pas à être les victimes passives de la violence de Franco mais sont aussi celles de leurs choix malheureux.

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Moi, ma mère et les autres ★☆☆☆

David est un Juif gay qui vit en Italie loin de sa famille. La mort d’un oncle l’oblige à revenir à Buenos Aires. Son père est plongé dans un profond coma ; sa mère le veille à son chevet et n’arrive pas à imaginer sa mort pourtant certaine. David, lui, cherche sa place, dans un monde qui ne lui en fait pas.

Moi, ma mère et les autres est une comédie familiale douce amère, une tragédie pas vraiment tragique, bref une tramédie comme il est désormais convenu de qualifier ce genre de films. Son titre original, passablement intraduisible, Los domingos mueren más personas [le dimanche est le jour de la semaine où on enregistre le plus de décès], est d’ailleurs bien dans la tonalité de ce film à l’humour triste.

On s’attache à son héros, David, un gros nounours dépressif, qui enchaîne les rebuffades amoureuses auprès de tous les hommes qu’il tente en vain de draguer. Pourtant, il n’a rien de très sympathique cet anti-héros égoïste en surpoids, qui n’offre à sa mère rongée par l’angoisse et le chagrin qu’un soutien bien parcimonieux avant le tout dernier plan.

Iair Said, qu’on avait aperçu dans Los Delicuentes interprète le rôle principal et tient la caméra. Marche-t-il sur les pas de Woody Allen avec ce personnage ? Si tel est le cas, c’est hélas avec moins d’humour et moins de profondeur. Aussi propre soit-elle, sa mise en scène a un parfum de déjà-vu qui lui ôte quasiment tout intérêt.

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