Tetsuo (1989) ★☆☆☆

Un homme, qui vient de se mutiler avec une barre en fer, est renversé par une voiture.
Un autre homme – dont on comprendra plus tard qu’il était au volant de cette voiture – découvre en se rasant que des excroissances métalliques jaillissent de son corps. Il contamine dans le métro une voyageuse qui, prise de folie et transformée en zombie, menace de le tuer. De retour chez lui, alors que sa mutation s’accélère, il assassine sa femme.
L’homme qui l’avait renversé, et dont la mutation s’est achevée, est à sa recherche et menace de le transformer en « homme d’acier ».

Tetsuo est un film culte.
Tourné en 16 mm dans des conditions rocambolesques par quelques passionnés, Tetsuo est avec le manga Akira le film fondateur du cyberpunk japonais, un sous-genre de la science-fiction qui imagine un futur sombre, pollué et sur-urbanisé dominé par les nouvelles technologies.

C’est aussi un film qui se réclame du body horror, un sous-genre du film d’horreur qui soumet le corps humain à toutes sortes de transformations horrifiques. David Cronenberg est le maître de ce sous-genre qu’il a traité dans la quasi-totalité de ses œuvres depuis Shivers jusqu’à Crash en passant par La Mouche.

Il faut avoir le cœur bien accroché et être un aficionado de ces sous-genres très pointus pour goûter Tetsuo, ses soixante-sept minutes hypervitaminées, ses scènes de cannibalisme érotisées, ses séquences bricolées en motion capture, sa bande son hystérisée. Pour cette ultra-minorité, Tetsuo mérite sa place au cinéma du panthéon expérimental. La quasi-totalité des autres n’aura jamais vu ce film, quasiment pas distribué sinon dans quelques festivals underground, ne le verront pas et ne s’en porteront pas plus mal. Quant à ceux, dont je suis, que le masochisme ou l’encyclopédisme compulsif aura conduit à regarder ce film, ils en garderont un souvenir paradoxal, horrifié et amusé à la fois.

La bande-annonce

Thirty Two Short Films About Glenn Gould (1993) ★★★☆

Glenn Gould (1932-1982) est un pianiste génial qui a marqué le vingtième siècle, notamment par ses interprétations de Bach. Sans doute atteint du syndrome d’Asperger, il est resté célèbre pour ses tics et ses tocs. En 1964, au sommet de sa gloire, il avait décidé de renoncer à se produire en public pour se consacrer uniquement à des enregistrements radiographiques ou discographiques.

Pour faire le biopic d’un artiste, il y a plusieurs possibilités. L’une est de raconter sa vie de sa naissance jusqu’à sa mort comme Frida, Ray ou La Môme. L’autre est de s’attacher à l’un de ses épisodes comme Artemisia, Renoir ou Rodin.
Le parti retenu par le réalisateur canadien François Girard pour raconter la vie de son compatriote est aussi différent que stimulant. Par analogie avec les trente-deux mouvements des Variations Goldberg, il présente Glenn Gould à travers trente-deux courtes saynètes. Leur style est extrêmement divers : certaines sont de courtes séquences filmées avec des acteurs (Colm Feore y est remarquable dans le rôle du pianiste), d’autres des interviews des proches de Glenn Gould, d’autres des scènes sans paroles. Il y a même une séquence d’animation réalisée par Norman McLaren, le célèbre bédéiste. Elles sont quasiment toutes accompagnées des interprétations les plus célèbres de Glenn Gould, les Variations Goldberg, le Clavecin bien-tempéré.

Le résultat est enthousiasmant. Se tisse lentement sous nos yeux le portrait kaléidoscopique d’un être exceptionnel. Exceptionnel par la relation totale qu’il a nouée avec son art, livrant, de l’aveu général, les interprétations de Bach les plus parfaites – si tant est que ce mot ait un sens en musique. Exceptionnel aussi par la solitude désespérante dans laquelle sa folie obsessionnelle et le recours massif aux médicaments l’ont plongé jusqu’à son décès précoce à cinquante ans à peine.

Le film (en VO)

Les Cavaliers (1970) ★★★☆

Ouroz (Omar Sharif) vit depuis toujours dans l’ombre envahissante de son père Toursène (Jack Palance), le chef des tchopendoz, ces fiers cavaliers afghans. Il voit enfin dans l’organisation d’un grand bouzkachi par le roi à Kaboul l’occasion de s’en émanciper. Chevauchant Jehol, le plus beau cheval de l’écurie de son père, il espère y triompher et en  revenir avec une aura qui éclipsera enfin celle de son père.
Mais durant le tournoi, Ouroz chute et se brise la jambe. Il refuse les soins qui lui sont prodigués à l’hôpital et décide de prendre la route du retour accompagné du seul Mokkhi, son fidèle palefrenier. Tandis que la gangrène le gagne, qui conduira finalement à l’amputation de sa jambe, Ouroz multiplie les défis suicidaires pour regagner sa propre estime et celle de son clan. En route, son chemin croise celui de Zéré (Leigh Taylor-Young), une nomade cupide qui incite Mokkhi à tuer Ouroz.

Ce film hollywoodien à gros budget, tourné en Afghanistan et en Espagne par un jeune réalisateur voué à une étonnante carrière avec un casting international, est l’adaptation du célèbre roman de Joseph Kessel publié trois ans plus tôt à peine.

Je l’avais lu en novembre dernier, profitant du temps libre laissé par le confinement pour dévorer ses cinq-cent-quatre-vingt-six pages. Plusieurs de mes amis, qui le plaçaient au sommet de leur panthéon, me l’avaient chaudement recommandé. Voici le commentaire que j’en faisais (mon narcissisme gagne dangereusement du terrain : je suis en train de m’auto-citer) : « J’ai le sentiment d’avoir lu Les Cavaliers trente (quarante ?) ans trop tard. L’exaltation de ses personnages, l’exotisme de ses décors m’auraient enthousiasmé à quinze ans. Mais à près de cinquante, celle-là m’a semblé caricaturale, celui-ci frelaté. »

J’étais néanmoins curieux d’en voir l’adaptation cinématographique. J’ai eu bien du mal à mettre la main dessus ; mais j’y suis enfin parvenu. Et je ne suis pas mécontent de ma persévérance. Pourtant, parmi mes amis, ceux même qui m’avaient vanté le livre de Kessel m’avaient mis en garde contre son adaptation : kitsch et vieilli.

J’ai trouvé au contraire que le film de Frankenheimer réussissait superbement à mettre en images ce conte oriental. Alors que les cinq-cent-quatre-vingt-six pages du livre m’avaient semblé bien longues, les cent-neuf minutes du film vont à l’essentiel sans rien sacrifier d’une intrigue pourtant foisonnante. Certes, le film a ce kitsch désuet des grands films en technicolor avec Curd Jürgens ou Charlton Heston. On pense au Docteur Jivago ou à Michel Strogoff. Mais ces références, ma foi, n’ont rien de déshonorant.

J’ai beaucoup – et sans doute trop – parlé de moi dans cette critique. C’était pour appuyer un point : l’opinion éminemment subjective qu’on se fait d’un film varie selon les conditions dans lesquelles on le voit. Eussé-je vu Les Cavaliers avant de lire le roman de Kessel, je l’aurais immanquablement trouvé démodé. Mais, prévenu de ces défauts, informé de l’intrigue et des personnages, j’y ai pris un plaisir que je n’aurais pas pris sinon.

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L’Autre Moitié du soleil (2013) ★☆☆☆

Dans le Nigéria de l’indépendance, deux sœurs jumelles, élevées en Angleterre, issues de la haute bourgeoisie  yoruba, connaissent des destins dramatiques. Onana (Thandie Newton) décide, contre l’avis de ses parents, de partager la vie d’Odenigbo (Chiwetel Ejiofor), un intellectuel marxisant tandis que Kainene (Anika Noni Rose), plus matérialiste, s’unit à Richard (Joseph Mawle), un écrivain britannique. La guerre du Biafra fera éclater leurs vies.

L’Autre Moitié du soleil est d’abord un immense roman de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Son livre suivant, Americanah, qui décrit un sujet très contemporain – les mille et unes façons d’être Noir aux Etats-Unis – est devenu un best-seller outre-Atlantique et dans le monde entier. Pourtant, je continue à lui préférer ce roman-ci, d’un grand classicisme qui raconte l’histoire du Nigéria à travers celle de deux couples brinquebalés par les chaos de l’Histoire comme l’étaient les protagonistes inoubliables de Autant en emporte le vent ou Docteur Jivago.

L’Autre Moitié du soleil est un film à grand budget qui, bizarrement, n’est jamais sorti en salles en France, alors qu’il a été distribué partout dans le monde. J’avais tellement aimé le roman que je cherchais à voir par tous les moyens ce film depuis plusieurs années. Mon entêtement a porté ses fruits. J’ai enfin réussi à le dénicher (ce n’était en fait pas vraiment compliqué).

Dès les premières images, j’ai cru retrouver, en entendant les informations de l’époque et en étant plongé dans la liesse des fêtes de l’indépendance, le souffle qui m’avait tant plu dans le roman. Mais j’ai vite déchanté. Même si les toilettes sont élégantes (ah ! Thandie Newton…. soupirs énamourés….), les décors sonnent faux.

Et c’est tout le film qui sonne faux avec eux.
On ne saurait instruire contre lui un procès en infidélité. Il réussit en cent-onze minutes à résumer un roman de près de cinq cent pages.
Mais cette fidélité scrupuleuse est paradoxalement sa principale limite. Le film enchaîne les scènes qui transposent les passages les plus importants du roman – en laissant de côté toutes les intrigues et les personnages secondaires. On a l’impression d’un cahier des charges méticuleusement respecté. Hélas, cette juxtaposition, aussi fidèle soit-elle, empêche à l’émotion de sourdre, à l’empathie avec les personnages de se créer.

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À nos amours (1983) ★☆☆☆

Suzanne (Sandrine Bonnaire) a seize ans et étouffe dans une famille toxique. En vacances dans le Var, elle repousse Luc, le garçon qui l’aime, pour se donner à un Américain de passage qui l’ignorera dès le lendemain. De retour à Paris, elle multiplie les flirts au grand dam de ses parents qui se déchirent à son sujet. Son père (Maurice Pialat himself) quitte bientôt le domicile conjugal, laissant la jeune Suzanne entre sa mère (Suzanne Ker), qui sombre lentement dans la folie, et son frère (Dominique Besnehard) qui entend la régenter. Suzanne finira par épouser Jean-Pierre (Cyril Collard) qu’elle n’aime pas avant de partir aux États-Unis avec Michel.

À nos amours passe souvent pour un chef d’œuvre. Il reçut en 1984 le César du meilleur film. L’interprétation de Sandrine Bonnaire, dont c’est quasiment le premier rôle et qui allait révéler toute l’étendue de son talent deux ans plus tard avec Sans toi ni loi, lui valut le César du meilleur espoir féminin. Les critiques saluent l’authenticité du cinéma de Pialat, son audace à filmer la réalité sans artifice, dans toute sa crudité.

Je reproche trop souvent aux films des 70ies et des 80ies d’avoir mal vieilli. Tel n’est pas le cas de ce film-là qui, s’il ne suit pas les codes des films contemporains, n’a pour autant autant rien perdu de sa force et de son intérêt.

Pour autant, je ne l’ai pas aimé. Pour deux raisons.

La première est sa construction. Le film, refusant entre ses scènes toute transition, multiplie les ellipses temporelles. Pialat filme de longues séquences – ainsi du long dîner familial qui marque le point d’orgue du film – qu’il juxtapose à la va-comme-je-te-pousse. On s’y perd souvent, même s’il suit sagement le fil chronologique, ne sachant plus ni où ni quand on se situe. Son premier quart se déroule sous le soleil insolent de la Côte d’Azur sans qu’on comprenne ce qu’y fait Suzanne avant que brutalement ne s’y substitue le ciel bas et lourd de la capitale où elle revient chez ses parents.

La seconde est la violence des relations humaines. Une violence qui traverse toute l’œuvre de Pialat et qui la caractérise. Dans la famille de Suzanne, on crie, on s’insulte, on se frappe. J’ai eu la chance de ne jamais connaître une telle violence. Je ne la comprends pas. Je n’arrive même pas à l’imaginer. La montrer est peut-être un geste cinématographique courageux et authentique. Elle ne m’en met pas moins profondément mal à l’aise pour autant.

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Babysitting (2014) ★★☆☆

Franck (Philippe Lacheau) végète dans un emploi subalterne aux éditions Schaudel où il rêve de publier sa première BD. Son patron (Gérard Jugnot) le recrute pour veiller sur son fils Rémy le temps d’une soirée qu’il doit passer hors de Paris avec son épouse (Clotilde Coureau).
Franck n’a d’autre solution que d’accepter alors qu’il devait fêter le soir même son trentième anniversaire. Mais c’était sans compter sur la fidélité et la folie de ses amis qui décident de lui faire une surprise.

La bande à Fifi a longtemps fait les beaux jours de Canal + et de W9 avant de passer au grand écran. Cette troupe de comédiens inséparables fait souffler un vent nouveau dans la comédie française. Chacune de ses réalisations attire des millions de spectateurs. Babysitting était leur premier film, sorti en 2014. Suivirent Babysitting 2, Alibi.com, Nicky Larson et le Parfum de Cupidon…. en attendant Super-héros malgré lui attendu en octobre 2021.

Bien sûr, Babysitting ne joue pas dans la même catégorie que Kubrick ou La La Land. Il sollicite moins nos neurones que nos zygomatiques. Son scénario est un prétexte à une accumulation de gags et de répliques. Mais ses gags et ses punchlines font souvent mouche – à condition de rire à ce genre de répliques ci : « – On a fouillé la maison. Aucune trace de l’enfant/ – Avez-vous regardé dans le congélateur ? ». Sans doute le film connaît-il un petit coup de mou à son mitan, quand il va s’égarer à la Fête des loges ; mais, le temps d’aller se boire une bière (beauf, je suis, beauf, je reste), on regarde sa seconde moitié avec autant de plaisir que sa première.

« Il faut être cul-serré pour ne pas en rire mais bien indulgent pour y trouver de l’intérêt. » écrivais-je au sujet de Nicky Larson… Sans doute, les années passant, suis-je de moins en moins cul-serré et de plus en plus indulgent. Est-ce un progrès ou le début d’une lente déchéance qui me conduira, d’ici quelque temps, à encenser Les Bronzés 3 ou Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ??

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The Wrestler (2008) ★★★☆

Randy The Ram (le bélier) Robinson (Mickey Rourke) n’est plus que l’ombre de lui-même. Vingt ans plus tôt, c’était une star du ring. Aujourd’hui, c’est un homme usé. Chaque week-end, il donne des combats dans des salles de plus en plus minables et signe des autographes pour des fans toujours plus âgés et moins nombreux. Sans le sou, il vivote dans une caravane dont il paie le loyer en se faisant exploiter dans un supermarché par un contremaître sadique. Sa seule famille est Stéphanie, sa fille, aujourd’hui adulte, qui lui fait payer le manque d’attention qu’il lui a apporté quand elle était enfant. Sa seule amie est Cassidy (Marisa Tomei), une stripteaseuse à la vie presqu’aussi cabossée que la sienne.
Le corps de Randy, essoré par la consommation abusive de stéroïdes, ne le soutient plus. Son cœur menace de le lâcher.

Garçon ou fille, on ne peut pas avoir traversé l’adolescence dans les années quatre-vingt sans s’enflammer pour Mickey Rourke, sa clope au bec, son sourire canaille, dans Rusty James, L’Année du dragon, Barfly, Angel Heart ou Neuf Semaines et demie, le soft porn le plus célèbre du monde jusqu’à Cinquante Nuances de gris. Aussi beau que James Dean, aussi incandescent que Marlon Brando (et vice versa) l’acteur s’est brûlé les ailes à sa soudaine célébrité. Refusant les codes de Hollywood, qu’il a abondamment conchié dans les médias, il s’est imaginé une autre carrière, loin des plateaux de cinéma, sur les rings de boxe, et une autre vie dans l’alcool et la drogue. Plusieurs opérations esthétiques et plusieurs cures de désintoxication plus tard, l’acteur, désormais cinquantenaire en est ressorti défiguré.

C’est cette image de lui, presque monstrueuse que Darren Aronofsky, le réalisateur génial de Pi et de Requiem for a Dream) a voulu montrer. Le résultat est saisissant. Il l’est à cause précisément de ce jeu de miroirs entre l’acteur Mickey Rourke et son personnage, véritable double autobiographique.

Sans doute The Wrestler ne réserve-t-il aucune surprise : c’est l’histoire, écrite d’avance, de l’impossible rédemption d’un homme déchu qui, avant de quitter une vie d’abus, essaie de se réconcilier avec les autres et avec lui-même. On craint le pire quand Marisa Tomei évoque la Passion du Christ (le film de Mel Gibson était sorti quatre ans plus tôt) ; mais le reste du film, par sa douceur et son empathie, évite la métaphore christique trop appuyée.

C’est bien là le seul défaut qu’on puisse reprocher à ce film poignant dont la dernière image et les options qu’elle ouvre nous accompagneront longtemps.

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Safe (1995) ★★★☆

Carol White (Julianne Moore) mène la vie ennuyeuse d’une riche femme au foyer californienne : elle réaménage son intérieur en houspillant sa bonne mexicaine, elle prend des cours d’aérobic, elle déjeune de temps en temps avec sa meilleure amie en échangeant des ragots…. Sa santé se dégrade imperceptiblement – toux, saignement de nez, commotion… –  sans que la médecine ne parvienne à identifier la cause de son mal. L’origine en est-elle psychosomatique ? ou Carol développe-t-elle une hypersensibilité à l’environnement de plus en plus toxique ?
Pour se protéger, Carol décide, avec l’accord de son mari, de se retirer au Nouveau-Mexique, dans un centre de soins New Age dirigé par un gourou melliflu qui soigne les âmes autant que les corps. Réussira-t-elle à y retrouver l’équilibre qu’elle avait perdu ?

Safe a été réalisé en 1995 mais n’a pas pris une ride en un quart de siècle. Mieux : les questions qu’il soulève semblent plus d’actualité que jamais au temps de la pandémie du Covid.

Safe joue avec beaucoup de succès sur plusieurs registres.
Safe
pose en premier lieu la question de notre relation à notre environnement, de la capacité de notre corps à en supporter la toxicité et les agressions. Il s’agissait à l’époque pour le jeune réalisateur Todd Haynes – qui allait effectuer dans les décennies suivantes la brillante carrière que l’on sait (I’m Not There, Carol, Dark Waters…) – de tisser une métaphore du Sida. Cette métaphore-là a en partie perdu de son actualité. Mais la question de notre relation à l’environnement reste brûlante : électrosensibilité, hypersensibilité chimique multiple, intolérance environnementale idiopathique…

C’est aussi un film sur le vide de nos vies. Julianne Moore – qui n’était pas encore la star qu’elle allait devenir – y joue à la perfection la femme au foyer américaine. La première scène du film où on la voit, en position du missionnaire, attendre avec un mélange d’abnégation, de tendresse et d’ennui, l’orgasme de son laborieux époux, résume son personnage. Sa vie n’est pas si malheureuse ; mais elle ne suffit pas à la combler. Ses pathologies sont peut-être l’expression de ce malaise.

Safe flirte enfin avec le film d’horreur – et est parfois catégorisé comme tel – même s’il ne contient aucune scène d’horreur. Son dernier tiers, qui se déroule à l’institut Wrenwood au Nouveau-Mexique, baigne dans une ambiance angoissante, alors même que les représentants de l’Institut qui accueillent Carol font avec elle assaut de bienveillance. La fin du film est aussi intelligente qu’angoissante. Elle soulève des questions qui continuent à nous poursuivre bien après la dernière image.

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Glengarry (1992) ★☆☆☆

L’antenne new yorkaise d’une société immobilière, dirigée par John Wiliamson (Kevin Spacey), emploie quatre vendeurs chargés de démarcher des clients potentiels et de les inciter, par tous les moyens, à acheter des terrains. Un représentant du siège (Alec Baldwin) y débarque un soir et les houspille : les résultats sont préoccupants et les deux plus mauvais commerciaux seront licenciés d’ici la fin de la semaine.
L’annonce exacerbe les rivalités entre les quatre hommes. Richard Roma (Al Pacino), le plus brillant, n’a pas grand souci à se faire ; en revanche Shelley Levene (Richard Lemon), un vieux vendeur sur le retour dont l’heure de gloire est passée depuis longtemps, est au désespoir.

Glengarry est un film de répertoire, souvent cité dans les différents palmarès. Il doit sa célébrité à son casting exceptionnel. C’est l’adaptation d’une pièce de théâtre à succès, couronnée par le prix Pulitzer huit ans plus tôt, de David Mamet (dont l’excellent Engrenages (1987) figure au panthéon de mes films préférés).

Mais je dois hélas avouer avoir été bien déçu en le voyant près de trente ans après sa sortie. Je l’ai trouvé horriblement vieilli, comme s’il s’agissait moins d’un film du début des années 90 que de la fin des années 70. Adapté d’une pièce de théâtre, il en charrie les défauts : d’interminables joutes verbales très bavardes, une unité de temps, de lieu et d’action qui rend ses cent minutes bien longues.

Connaissant le machiavélisme de David Mamet, on attend et on espère un twist final renversant qui nous fera considérer tout le film sous une autre perspective. Las ! rien de tel ne se passe….

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Remember Me (2010) ★★☆☆

Ally (Emilie De Ravin) a vu mourir sous ses yeux sa mère, assassinée en 1991 sur un quai de métro. Devenue dix ans plus tard une ravissante étudiante, elle est couvée par son père (Chris Cooper), officier de la police new yorkaise.
Tyler (Robert Pattinson) a lui aussi été traumatisé par un drame familial : le suicide de son frère aîné Michael qui a fait voler en éclat sa famille. Sa mère (Lena Olin) s’est remariée ; son père (Pierce Brosnan), brillant avocat à Wall Street, affiche pour lui et pour sa sœur cadette, une artiste géniale et précoce, une hostilité que Tyler n’accepte pas.

Il y a deux façons de considérer Remember Me.
La première, qui domine pendant presque la totalité du film, est d’y voir une aimable bluette un peu pataude destinée aux admiratrices adolescentes en pâmoison devant Robert Pattinson, le héros de Twilight, à qui on a adjoint, pour faire bonne mesure, la jolie actrice australienne révélée par Lost, Emilie De Ravin. Cette bluette raconte à la fois l’histoire d’amour, prévisible, qui se tisse entre les deux héros et la réconciliation, qui l’est presqu’autant, de chacun d’eux avec leur père respectif.

Mais il y en a une autre qui se révèle à l’extrême fin de l’histoire. Elle est surprenante pour ce genre de films qu’on imaginait beaucoup plus conventionnel et dont on attendait un happy end convenu. Annoncée par quelques indices ténus éparpillés de-ci et de-là, elle donne tout son sens au titre du film. J’en ai déjà trop dit en évoquant l’existence de ce twist final. Je n’en révèlerai pas le contenu glaçant.

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