La Belle saison ★★★★

Vous avez adoré les hommes qui s’embrassent dans « Brokeback Mountain » ? Vous adorerez les filles qui se roulent des pelles dans « La Belle saison » !

Tout sonne juste dans ce film qui est à la fois une reconstitution historique et un drame amoureux.
Reconstitution historique. La France pompidolienne de 1971. Les combats du MLF. L’avortement clandestin et l’homosexualité honnie.
Drame amoureux. Delphine aime les filles et Carole les garçons. Delphine est une fille des champs, montée à Paris pour fuir la ferme familiale. Carole est une fille des villes qui milite au MLF. Delphine tombe amoureuse de Carole mais doit rentrer dans la Creuse reprendre l’exploitation familiale. Carole plaque tout pour l’y suivre.

Tout est réussi dans le film de Catherine Corsini. Le récit tient la durée jusqu’à l’épilogue qui arrachera une larme aux plus endurcis. La caméra filme les corps nus sans sombrer dans l’esthétisme ou le voyeurisme. Les personnages ne sont jamais manichéens. Les acteurs sont extraordinaires : Cécile de France confirme qu’elle est capable de tout jouer, Noémie Lvovsky est parfaite dans le rôle de la mère, même Kevin Azais (découvert dans « Les combattants » au côté de Adèle Haenel) réussit à rendre attachant le personnage du soupirant berné.

« La Belle saison » n’a pas décroché l’Oscar, ni même le César. Il a été vu par mille fois moins de spectateurs que le film d’Ang Lee. Pourtant il n’est pas loin de l’égaler.

La bande-annonce

Amnesia ★★☆☆

La Vergangenheitsbewältigung, tel est le sujet du dernier film de Barbet Schroeder, un Suisse allemand à la filmographie éclectique qui ne parle plus sa langue maternelle.

La Vergangenheitsbewältigung, c’est la capacité à regarder son passé dans les yeux. Marthe et Jo en sont tous les deux incapables à leur façon. Dans la blanche Ibiza des années 90, la première refuse l’amnésie collective de ses contemporains. Son refus prend la forme d’un déni : elle ne parle plus l’allemand, ne monte pas dans une Volkswagen, ne boit pas de Riesling. Le second, jeune DJ fraîchement débarqué de Berlin, mixe à l’Amnesia, le club à la mode, au motif que les enfants ne sauraient être tenus responsables des crimes de leurs pères.
Ainsi posé, le sujet est passionnant, qui ressemble à une dissertation de philosophie.

Son traitement, trop théâtral, est décevant qui nous conduit paresseusement à un dénouement attendu.

Reste la relation troublante entre Marthe et Jo, dont on se demande quel tour elle prend et sur laquelle le voile n’est pas levé.

La bande-annonce

Dheepan ★★☆☆

Le premier quart d’heure de Dheepan annonce un grand film. Jacques Audiard plante le décor et nous prend aux tripes en quelques plans : un rebelle tamoul démobilisé trouve dans un camp de réfugié une femme et une fille pour demander l’asile familial en France.

Mais ensuite tout se gâte. Dheepan est engagé comme concierge d’une barre d’immeubles gouvernés par des dealers. On ne saura rien des motifs de la guerre des gangs qui y fait rage. Mais notre héros, qui croyait avoir quitté l’enfer, s’y retrouve plongé à son corps défendant.

Documentaire sur les banlieues françaises en déshérence ? Hymne à l’intégration républicaine ? Glorification hyperviolente de l’auto-défense louchant du côté de Charles Bronson ? Grand film romantique sur un homme en pleine reconstruction ? Dheepan – un titre sponsorisé par Pizza Hut ? – hésite entre ces registres

Jacques Audiard est l’un des plus grands réalisateurs contemporains. « Un prophète », « De rouille et d’os », « De battre mon cœur s’est arrêté », « Sur mes lèvres » sont des chefs d’œuvre.

Il méritait la Palme d’Or pour l’ensemble de son œuvre. Pas sûr que « Dheepan » la méritât.

La bande-annonce

Mediterranea ★★☆☆

Deux migrants (réfugiés ?) burkinabés traversent le Sahara et la Méditerranée au péril de leurs vies. Ils débarquent en Sicile et y survivent tant bien que mal. L’un se fond dans le système, acceptant un logement insalubre, un travail au noir et les railleries racistes des Italiens ; l’autre ne l’accepte pas et se révolte.

La sortie de « Mediterranea » en septembre 2015 avait exactement coïncidé avec la mort du petit Aylan Kurdi.

L’immigré devient une figure cinématographique. Les films se multiplient qui retracent son voyage périlleux (« La pirogue » de Moussa Touré, « In this land » de Michael Winterbottom) et l’accueil pas toujours bienveillant qui lui est réservé à son arrivée en Europe (« Welcome » de Philippe Lioret, « Terraferma » de Emmanuele Crialese).
Tous ces films ont en commun de se focaliser sur des individus représentés dans leur humanité souffrante et courageuse.

Ce bel unanimisme est problématique. Sans doute faut-il se féliciter que le cinéma véhicule un tel message et ne se fasse pas le fourrier de thèses xénophobes. Mais il n’en demeure pas moins que ce cinéma bien-pensant est en décalage avec une opinion publique qui ne l’est pas ou qui ne l’est que par éclipses.

On va au cinéma le samedi soir compatir aux destins tragiques des héros de « Welcome » et de « Mediterranea »… et on vote dimanche matin pour des partis politiques qui ont renoncé à accueillir toute la misère du monde.

La bande-annonce

Le tout nouveau testament ★★★☆

Le réalisateur : « On a besoin de 8 Meuros pour faire un film.
Avec plein d’acteurs bankables : Poelvoorde, Deneuve, Damiens… »

Le producteur : « Super ! pas de problème ! Et votre film il parlera de quoi ? »

« Poelvoorde jouera le rôle de Dieu. Il est méchant. Il habite à Bruxelles dans un HLM »

« Ah… Et Deneuve ? »

« Elle tombe amoureuse d’un gorille et couche avec. »

« Euh… et François Damiens ? »

« Il aura un petit rôle et aucun dialogue »

« Euh… »

« On avait aussi pensé à Yolande Moreau pour jouer le rôle de la femme de Dieu »

« Parce que Dieu a une femme ? »

« Oui oui ! Et une fille ! ce sera elle l’héroïne ! Elle en a marre de son père et elle fugue. »

« Mais Dieu il a un fils non ? »

« ….ah mince. On avait oublié celui-là. On va le rajouter au montage. En revanche on a pensé aux Apôtres. il y en aura 18 ! »

« 18 ? mais je croyais qu’il y en avait 12 »

 » …t’es sûr ? je vérifie sur Wikipedia. Ah zut. T’as raison »

La bande-annonce

Life ★☆☆☆

Conçu pour le 60ème anniversaire de la mort de James Dean, « Life » a pour personnage principal… le photographe de Life (oh ! subtile polysémie du titre) et non James Dean (oh ! subtil décentrage du propos). Ledit photographe est joué par Robert Pattinson (oh ! qu’il est subtil de faire jouer le rôle du paparazzi par la star sur-médiatisée de « Twilight »). Et James Dean par un acteur inconnu (oh que le chiasme est subtil ! la star est jouée par un inconnu et l’inconnu est joué par la star).

L’objet du film : reconstituer avec un soin maniaque les photos prises en février-mars 1955, avant que la sortie de « À l’Est de l’Eden » ne propulse le jeune acteur au sommet du star system.
Sauf que la reconstitution n’est jamais parfaite.
Et qu’à ce film plagiaire on préfèrera tout bêtement regarder les originaux mythiques en noir et blanc autrement plus authentiques.

La bande-annonce

The Lesson ★★★☆

Une Rosetta bulgare
Nadia est prof d’anglais dans un petit lycée. Elle est bientôt prise dans une terrible spirale : sa maison sera mise aux enchères dans trois jours faute de rembourser les dettes contractées à son insu par son mari, un incapable alcoolique. S’engage une haletante course contre la montre qui voit Nadia se battre contre des moulins à vent : un banquier inflexible, un usurier lubrique, une police corrompue, une famille atomisée…
Mère courage, Nadia sert les dents et rentre les épaules. Pendant près de deux heures, la caméra la suit, souvent filmée de dos comme la Rosetta des frères Dardenne.
La fin (remboursera-t-elle ?) réussit à nous surprendre.
Une curiosité à voir en provenance d’un pays à la filmographie éclipsée.

La bande-annonce

Nous venons en amis ★☆☆☆


J’avais été bouleversé par « Le cauchemar de Darwin ». J’ai été bien déçu par « Nous venons en amis », le nouveau documentaire de Hubert Sauper.

Le sujet est le même : comment l’Afrique est victime de la cupidité des étrangers.
Le cadre a changé : après le lac Victoria, Sauper enquête au Sud Soudan à bord d’un petit biplace qu’il a lui-même bricolé.

Son documentaire a été tourné au moment de l’accession à l’indépendance du Soudan du sud en 2010-2012. Mais loin d’être l’occasion de se réjouir de l’exercice par les peuples de leur droit à disposer d’eux-mêmes, Sauper dénonce encore, comme il l’avait fait dans « Le cauchemar de Darwin », l’asservissement de l’Afrique à des puissances extérieures.
Tout y passe : les marchands d’armes, les pilleurs chinois des ressources naturelles (pétrole, bois), les missionnaires texans et même les casques bleus de l’ONU.
Mais la saine colère qui anime Hubert Sauper rate hélas son objectif. En s’interdisant toute contextualisation, comme le veulent les règles stupides qui régissent aujourd’hui l’art documentaire, l’auteur nous prive des clés de base pour comprendre la situation qui prévaut au Soudan : rien n’est dit sur l’indépendance, ni sur les rivalités qui opposent les Nuer et les Dinka.

En attaquant tous azimuts tous les « amis » du Soudan, le réalisateur ne réussit qu’à nous désespérer. On ressort de la salle la mine grave, le cœur triste… et on se dit que l’Afrique est décidément mal partie.

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Marguerite ★★☆☆

« Marguerite » fut l’an passé l’un des films français qui connut le plus grand succès, tant auprès du public que de la critique.

Il n’est pas nécessaire de rappeler son potch désopilant : une baronne fortunée, passionnée d’art lyrique donne des concerts privés. Elle chante comme une casserole. Mais personne n’ose le lui dire. Ni son mari qui la protège, ni ses amis qu’elle entretient, ni son majordome qui la vénère. Jusqu’au jour…

Xavier Giannoli met en scène la Castafiore dans les années 20. La reconstitution est luxueuse (tournée à Prague où les charges sociales sont moins lourdes). La bande musicale est splendide. Les acteurs sont parfaits ; et je ne parle pas ici de Catherine Frot dont je trouve le jeu très monotone d’un film à l’autre mais de toute une panoplie de seconds rôles inconnus : André Marcon, le mari, Denis Mpunga, le majordome, André Fau le professeur de chant…

Le problème est que ce film repose sur un ressort. Et sur un seul. Marguerite chante mal. Divinement mal. C’est hilarant. Une fois. Deux fois. Mais à la troisième on rit moins. Et à la quatrième on bâille.

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Le Prodige ★★☆☆

Le cinéma aime filmer la folie, la longue spirale qui conduit lentement un être normal dans l’abîme de la déraison.
« Shining » de Kubrick, « Repulsion » de Polansky, « Spider » de Cronenberg, « Aguirre » de Herzog…

Je ne comprends pas cet engouement.
Pour deux raisons.
1. Je ne trouve aucun plaisir à voir pendant 1h30 un homme ou une femme sombrer dans la folie.
2. Les ressorts dramatiques de cette déchéance sont très pauvres. Il est fou. Il est de plus en plus en plus fou. Il a définitivement perdu la tête.

« Le prodige » de Edward Zwick n’échappe pas à la règle. Au début du film, Bobby Fischer est un enfant surdoué. Son génie des échecs devient obsessionnel jusqu’à son match légendaire contre Spassky en 1972 à Reykjavik. Puis il s’enfonce dans la paranoia.

Cette trajectoire linéaire et prévisible, caricaturalement interprétée par Tobby Maguire, est sauvée de l’ennui par les seconds rôles : Liev Schreiber d’une classe folle dans le rôle de Spassky, Peter Sarsgaard dans celui du secondant de Fischer.

La bande-annonce