Parole de king ! ★★☆☆

Vous connaissez les Drag Queens, ces travestis masculins  qui osent une féminité exacerbée ? Connaissiez-vous les Drag Kings, leurs homologues féminins, travestis en hommes et tout aussi outranciers ? Le documentaire de Chriss Lag, sorti en 2015, rediffusé à l’Arlequin à l’occasion d’une soirée ArleQueen, est l’occasion de découvrir cet univers burlesque et féministe.

J’avais beaucoup aimé Les Reines de la nuit, le documentaire de Christiane Spiéro sur les drag-queens sorti fin 2019. J’ai pris le même intérêt à ce documentaire-là dont j’avais raté la sortie en salles.

Le monde des Kings est fascinant. Il s’agit de femmes – et d’hommes – qui interrogent leur rapport à la masculinité. Elles peuvent être lesbiennes, bi ou hétéros, gouines, butch ou queer, en transition ou pas. Peu importe. Leur personnage est souvent un cliché masculiniste, un macho barbu, moustachu qui incarne jusqu’à la caricature la beaufitude. Les Kings dans leur parodie dénoncent ce virilisme testostéroné et se plaisent à en montrer les failles lorsqu’elles laissent deviner, sous le poil et la barbe, une féminité décalée.

La démarche est politique. La profondeur du débat qui a suivi la projection en témoigne. Elle est aussi artistique. Il ne s’agit pas seulement de patronage – si j’ose dire – de spectacles de kermesse donnés par une bande de copines qui pourraient tout aussi bien boire le thé ou jouer au bridge. Il s’agit de performeurs, de comédien.ne.s, qui se forment scrupuleusement, notamment dans les ateliers qu’anime Louis.e Deville, une performeuse américaine installée depuis peu en France, qui a conservé de son expatriation un délicieux accent anglo-saxon. Cette jeune femme a un charisme fou et un regard diablement pénétrant sur son art. Elle aurait amplement justifié à elle seule un documentaire tout entier.

La bande-annonce

Democracy ★★★☆

Le Parlement européen comme vous ne l’avez jamais vu. « Democracy » est le titre (anglais) d’un documentaire (allemand) d’un réalisateur (suisse) sur le fonctionnement du Parlement européen. Ou plutôt sur le laborieux travail d’un eurodéputé chargé de défendre le projet de nouveau règlement général sur la protection des données personnelles.

Un texte européen, qu’il s’agisse d’une directive ou d’un règlement, est rédigé par la Commission européenne. Ce sont les services de Viviane Reding – qui était à l’époque commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté – qui rédige début 2012 la première version de ce projet de règlement. Il est ensuite transmis au Parlement européen qui désigne en son sein un rapporteur. La tâche échoit à Jan Philip Albrecht, un jeune écologiste allemand de trente ans à peine. Pendant deux ans, il doit éviter deux écueils symétriques : un laxisme excessif qui réduirait à néant la protection des droits fondamentaux, une réglementation trop vétilleuse qui paralyserait les entreprises.

« Democracy » révèle, si besoin en était, le poids des lobbies, dans le processus de décision bruxellois. Ils sont omniprésents autour du rapporteur, qui en accepte sans barguigner le harcèlement permanent. Ils n’ont pas la figure antipathique de grands méchants, mais celle, avenante, d’avocats bonhommes, de communicantes sympathiques qui invoquent la défense de l’emploi et la croissance de l’économie pour défendre les intérêts des firmes qu’ils représentent.

La caméra de David Bernet ne quitte pas le jeune eurodéputé d’une semelle. On serait curieux de savoir comment s’est décidé en amont le protocole du tournage, comment le député a imposé à ses interlocuteurs la présence d’une caméra et pourquoi diable ceux qui n’apparaissent pas sous leur meilleur jour ont accepté de se prêter au jeu.

Un regret et une remarque. Le regret : le documentaire s’arrête avec l’adoption par le Parlement du règlement début 2014 mais n’évoque pas les discussions au Conseil – lequel regroupe les représentants des États membres qui défendent une position plus souvent guidée par la défense des intérêts nationaux que par celui de la construction européenne ainsi que le rappelle Viviane Reding.

Une remarque. La France est la grande absente. Pas une seule allusion à Strasbourg dans un documentaire d’une heure quarante sur le Parlement européen. Pas un seul Français à l’écran : qu’il s’agisse d’un eurodéputé (le siège de Nathalie Griesbeck à la commission LIBE reste cruellement vide), d’un lobbyiste ou d’un fonctionnaire de la Commission. Si la France est évoquée une seule fois, c’est à la lecture d’un texte en français que ni l’avocate (polonaise) ni sa collègue ne sont capables de lire l’une ou l’autre. Triste constat de la perte d’influence de notre pays.

La bande-annonce

La Mort de Louis XIV ☆☆☆☆

Louis XIV se meurt. Louis XIV va mourir. Louis XIV meurt.

Résumer le film d’Albert Serra n’est pas bien difficile. Car on y assiste pendant près de deux heures à l’agonie du roi de France. On ne sort pas de sa chambre. On n’apprend rien de ce qui se joue probablement en coulisses : les peurs des tenants du régime qui craignent pour leur place, les espoirs des autres qui attendent avec espérance que les cartes du pouvoir soient rebattues.

Il y aurait eu un film passionnant à réaliser sur les jeux de pouvoirs qui se nouent pendant l’agonie d’un monarque. Mais tel n’est pas le parti retenu par le réalisateur catalan qui choisit de s’en tenir à son seul sujet : le roi, de tous les plans qui, sans trop s’en plaindre, se laisse lentement glisser vers la mort. On aurait imaginé le monarque plus acrimonieux. Joué avec une étonnante retenue par Jean-Pierre Léaud – qu’on connaît pourtant plus nerveux – il est étonnamment placide.

Autour de lui quelques personnages s’activent. Son médecin dont les erreurs de diagnostic révèlent autant les limites de la médecine de l’époque que le charlatanisme de l’intéressé. Son premier domestique indéfectiblement loyal à son maître. La Maintenon toute de noir vêtue. Le jeune Louis XV, âgé de cinq ans à peine, bientôt propulsé sur le trône.

Pendant une heure et cinquante cinq minutes, on reste confiné dans cette chambre pourpre à l’odeur irrespirable. Pas un répit dans cette longue agonie dont on connaît déjà l’issue. Certaines critiques ont crié au génie ; moi, je crie au secours !

La bande-annonce

La Fille de Brest ★★☆☆

Le Mediator était un coupe-faim destiné aux diabétiques en surpoids. Commercialisé en France par les laboratoires Servier depuis 1976, il provoque des complications cardiaques susceptibles d’entraîner la mort. Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, est la première à avoir dénoncé les dangers de ce médicament. Adapté de son autobiographie, ce film raconte son histoire.

« La Fille de Brest » ne s’intitule pas « Le Scandale du Mediator ». Et c’est bien le problème du film d’Emmanuelle Bercot qu’on avait connue plus inspirée dans « La tTte haute » (avec Benoît Magimel déjà et Catherine Deneuve). Ce titre annonce un déplacement de focale.

C’est à Irène Frachon qu’on va s’attacher, à cette « fille de Brest » qui n’est ni une chercheuse, ni une cardiologue et pas même une parisienne et qui, tel David contre Goliath, va démontrer aux instances de pharmacovigilance leur myopie et aux laboratoires leur cynisme. Et pas au scandale du Mediator proprement dit, dont la présentation détaillée des arcanes médicales, administratives et judiciaires auraient sans doute été trop démonstrative.

Mais le problème est que le film reste entre deux eaux. L’image donnée de Irène Franchon, interprétée avec une communicative énergie par la danoise Sidse Babett Knudsen (lumineuse dans « L’Hermine ») est caricaturale : une passionaria qui réussit, à force de volonté, à déplacer des montagnes. À de trop rares moments, notamment dans sa confrontation avec un collègue (joué par Benoît Magimel en surcharge pondérale) pointent les failles du personnage, son obsession, son narcissisme.

Quant au scandale du Mediator, on n’en apprend guère plus qu’on en savait déjà … et pas assez pour être capable de rédiger cette chronique sans être allé au préalable faire un tour sur Wikipedia.

La bande-annonce

Alliés ★★☆☆

J’ai lu et entendu tant de mal de « Alliés » que j’ai bien failli me laisser décourager d’aller le voir. Sans doute si on le compare à l’incomparable « Casablanca » – avec lequel il a la maladresse de vouloir se frotter – sera-t-on nécessairement déçu. Mais si on le prend pour ce qu’il est, soit un honnête film à grand spectacle hollywoodien, pourra-t-on le goûter sans déplaisir.

L’histoire de « Alliés » est bizarrement coupée en deux. À une époque où les réalisateurs rythment leur scénario à coup de flash back et de flash forward au risque d’y égarer le spectateur (voir récemment « La Fille du train » ou « Premier contact »), Robert Zemeckis suit son bonhomme de chemin gentiment chronologique.

La première partie du film se déroule à Casablanca. Deux espions, un Canadien (Brad Pitt) et une Française (Marion Cotillard), se font passer pour un couple marié afin d’infiltrer la Kommandantur et d’assassiner l’ambassadeur allemand. On se croirait dans un « Indiana Jones » mâtiné de « Patient anglais » : décors de cartons pâtes, toilettes somptueuses, amours romantiques, fusillades et héros victorieux.

Tout change dans la seconde partie. Elle se déroule à Londres, sous la pluie, pendant le Blitz. Les deux espions ont si bien joué leur rôle qu’ils se sont épris l’un de l’autre, se sont mariés, ont eu un enfant… jusqu’au jour où le contre-espionnage britannique annonce au beau Canadien que son épouse travaille peut-être pour l’ennemi.

Cette seconde partie est plus faiblarde que la première. Parce que Robert Zemeckis n’est pas John Le Carré et « Alliés » n’a pas la complexité de « La Taupe ». Le scénario s’appauvrit dans un dilemme binaire : Marianne Beauséjour pourra-t-elle être purgée par son époux aimant des soupçons qui pèsent contre elle ? Le dénouement donne la réponse, trop simple, à cette question. L’épilogue qui prolonge cette fin téléphonée n’en est pas moins très émouvant.

La bande-annonce

Sausage Party ★★★☆

« Objets inanimés avez-vous donc une âme. Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? ». Pas sûr que les gais lurons qui ont concocté « Sausage party » et donné la parole aux aliments d’un supermarché soient des admirateurs de Lamartine. Mais bon… ce n’est pas ce qu’on leur demande. Et j’avais envie d’étaler ma culture !

On imagine volontiers ces joyeux drilles pétés comme des coings concocter le dessin animé le plus subversif possible :
« Et si le héros était une saucisse en forme de pénis ? »
« Et s’il rêvait de fourrer un petit pain à sandwich bien moelleux »
« Et si le méchant était une poire à lavement vaginal ? »
« Arrête de déconner ! Aucun producteur ne financera jamais un délire pareil ! »
« Pas grave ! On va le financer nous-mêmes parce qu’on est les potes de Seth Rogen et qu’on s’est déjà fait plein de thunes dans les films de Judd Appatow ! »

Quelques années après cette soirée éméchée, « Sausage party » arrive sur les écrans. Et le plus étonnant est que rien du délire initial n’a été édulcoré. Toutes les valeurs américaines les plus sacrées, sur lesquelles Pixar bâtit ses meilleurs films, sont foulées au pied. Les sujets les plus graves sont traitées avec une dérision trash : le conflit israélo-palestinien, la drogue, l’obésité… Beaucoup plus réussi que « American Pie »  qui, sous des airs faussement subversifs, versait irrésistiblement dans la bienpensance, « Sausage Party » parvient à être politiquement incorrect jusqu’à sa scène finale qui vous fera hurler de rire – ou vous étouffer d’indignation !

La bande-annonce

Sully ★★☆☆

Le 15 janvier 2009, le capitaine Sullenberger fait amerrir sur l’Hudson le vol 11549 de la US Airways dont les deux réacteurs venaient d’être détruits à basse altitude par un vol de bernaches. Les cent cinquante passagers immédiatement sauvés de la noyade sont tous sains et saufs.

Clint Eastwood met en scène le « miracle de l’Hudson ». Un miracle qui doit beaucoup à la chance, mais qui doit surtout à l’expérience et au sang-froid du capitaine Sullenberger.

« Sully » rencontre une difficulté qu’il ne surmonte pas. Le drame proprement dit, ces deux cent huit secondes entre la destruction des moteurs et l’amerrissage en urgence, en constitue le cœur. Mais il est trop bref pour tenir la durée d’un film. Aussi le scénariste de « Sully » a-t-il recours à un subterfuge : il raconte le procès paradoxal de ce héros, attaqué par la Sécurité aérienne, Airbus et US Airways qui lui reprochent de ne pas avoir fait demi-tour pour atterrir à son point de départ, l’aéroport La Guardia. Ce procès fait à un héros est à la fois vain et inintéressant. Autrement plus palpitant est le drame proprement dit qui nous est raconté à trois reprises et qui, par trois fois, nous cloue à notre siège.

Avec « Sully », Tom Hanks joue une fois encore le rôle de l’Américain moyen, héroïque malgré lui. Il confirme si besoin en était son statut d’immense star – l’acteur américain ayant généré le plus de recettes si l’on en croit Wikipedia.

On le compare souvent à James Stewart ou à Gary Cooper. Mais on peut pointer une différence de taille avec ses illustres prédécesseurs. Les stars des années 50 ne tenaient pas seul le haut de l’affiche. Ils la partageaient avec une star féminine : Kim Nowak, Grace Kelly, Katherine Hepburn… Regardez les affiches des films de Tom Hanks. Il y est toujours seul : « Sully », « Le Pont des Espions », « Captain Phillips », « Seul au monde » (certes !), « La Ligne verte », « Forrest Gump » … Aucun partenaire masculin. Et plus intéressant encore : aucun partenaire féminin. Si j’étais féministe, cette observation me dirait bien des choses sur notre époque.

La bande-annonce

Ma’Rosa ★★★☆

Rosa et Nestor tiennent un petit commerce dans un bidonville de Manille. Ils y vendent des bonbons, des stylos… et, pour arrondir leurs revenus bien modestes, le crystal que leur vend un dealer. La veille de l’anniversaire de Nestor, la police débarque, les arrête devant leurs enfants éplorés, les traînent au poste. Les charges qui pèsent contre eux sont écrasantes. Pour éviter une lourde peine de prison, ils doivent dénoncer leur dealer. Mais les policiers leur mettent un autre marché en main : leur libération contre un gros pot-de-vin.

Le cinéma philippin constitua longtemps une rareté exotique. Il est désormais plus connu grâce à Brillante Mendoza, un habitué des grands festivals – et des titres laconiques : le dérangeant « Serbis » et le glaçant « Kinatay » furent présentés à Cannes en 2008 et 2009, « Lola » à Venise en 2009 et « Captive » (inspiré de la prise d’otages à Jolo) à Berlin en 2012.

On retrouve avec « Ma’Rosa » la marque de fabrique de ce réalisateur désormais familier : caméra à l’épaule, il tourne au plus près de ces acteurs semi-amateurs de longs plans séquence. Cette technique a sans doute le mérite de nous immerger dans l’action. Elle a l’inconvénient de sacrifier la forme, à force d’images tremblotantes, mal cadrées et mal éclairées.

On retrouve aussi ses thèmes de prédilection : la vie des petites gens, leur aliénation débilitante à l’argent et la dénonciation d’un système corrompu. « Ma’Rosa » donne des Philippines une image terrible. A se demander comment Mendoza a obtenu l’autorisation de filmer sans encourir les foudres de la censure. Les flics sont pourris, violents et cyniques. Face à eux, Rosa, son époux et leur quatre enfants font front tant bien que mal.

La première partie du film raconte leur arrestation. Grâce au format choisi, quasi-documentaire, on ressent physiquement le basculement d’une vie simple et bien réglée (une journée qui s’achève, les enfants qui rentrent de l’école, la préparation de l’anniversaire du lendemain) dans la catastrophe (les policiers qui font irruption, fouillent la maisonnée pour y trouver la drogue, menottent les parents, les emmènent dans un commissariat sale et bruyant).

Le récit est plus éclaté dans la seconde partie. Chaque membre de la famille fait l’impossible pour rassembler la somme pourtant modique (50.000 pesos = 1.000 euros environ) réclamée par la police. Mère courage, Rosa est la plus résiliente. Le prix d’interprétation féminine décernée à Cannes à Jaclyn Jose est un bel hommage rendu à ce personnage touchant.

La bande-annonce

Mr. Wolff ★★★☆

Mon Dieu cette affiche ! La photo qui tue : Ben Affleck le regard noir brandissant un fusil à lunettes. Et le slogan qui claque et fait penser à un film X « Bourgeoise le jour, p… la nuit ».

Il ne faut pas s’arrêter à cette première impression et aller voir « Mr. Wolff », un mélange stimulant entre « Rain Man » et « Batman ». « Rain Man » parce que son héros est autiste et que Ben Affleck est génial dans ce rôle – mille lieues au-dessus de l’insupportable cabotinage de Dustin Hoffman dans le film de Barry Levinson.

« Batman » parce que, comme le Bruce Wayne de Gotham City, Mr. Wolff est un orphelin doté de super pouvoirs : un don pour les chiffres qui l’aide à débrouiller les comptabilités les plus opaques et une pratique des arts martiaux pour se sortir des plus mauvais pas.

Le scénario n’est pas linéaire et multiplie les flash back et les side stories (un flic tenace, un autre génie du crime) jusqu’à un dénouement qui les éclairera tous. Mais le plus intéressant est le jeu de Ben Affleck qui réussit à faire de ses défauts (son jeu monocorde et inexpressif, sa stature massive) des atouts pour ce rôle.

La bande-annonce

Une vie ★★★☆

Au début du dix-neuvième siècle, Jeanne vient  d’achever sa scolarité chez les sœurs. Elle est la fille unique du baron et de la baronne Le Perthuis des Vauds. Elle épouse un jeune vicomte. Mais la vie lui apportera bientôt son lot de désillusions. Son mari la trompe. Sa meilleure amie la trahit. Son fils unique est une canaille qui lui ment et la vole.

On avait laissé Stéphane Brizé avec les succès, critiques et publics, de « La Loi du marché », César mérité du meilleur film 2015, « Quelques heures de printemps » et « Mademoiselle Chambon ». On le retrouve, à contre-emploi et sans Vincent Lindon son acteur fétiche, dans cette adaptation en costumes du célèbre roman de Guy de Maupassant.

La mise en scène peut surprendre. Pire : elle peut irriter. Stéphane Brizé tourne un film très classique de façon très moderne. Par l’image d’abord : un format carré, des très gros plans, la caméra à l’épaule. Par le montage ensuite : flashback et flashforward, montage très cut, alternance de scènes très courtes et plus étirées, dilatations du temps. Par le scénario enfin : Stéphane Brizé évite volontairement les « grandes » scènes filmant l’avant et l’après. Un exemple : on ne verra pas Jeanne surprendre son époux avec sa maîtresse, mais on l’accompagnera jusqu’à la porte de sa chambre au moment de l’ouvrir, puis on la verra ensuite éperdue de chagrin courir à moitié folle dans le parc.

Ces partis pris radicaux ont déconcerté une critique qui a massivement désavoué ce film. Ils ont aussi découragé des spectateurs qui l’ont boudé – les chiffres de la première semaine sont mauvais. À condition d’en être prévenu, à condition aussi de les accepter, on pourra néanmoins y adhérer et être ému jusqu’au tréfonds par la vie tragique de Jeanne Le Perthuis des Vauds.

La bande-annonce