En 2000, David Irving a attaqué en justice Deborah Lipstadt et son éditeur Penguin Court. Il leur reprochait de l’avoir diffamé en le traitant de négationniste. Avec une grande fidélité aux faits, Denial (dont on n’arrive pas à comprendre pourquoi il n’a pas été traduit par Négationnisme) raconte le procès qui s’est déroulé à Londres.
Passionnés d’histoire, passionnés de droit, ce film est pour vous.
Le Procès du siècle est un film sur le crime du siècle : la Shoah. Le rôle d’un juge n’est pas de dire l’histoire. C’est aux historiens de le faire dans un débat sans cesse recommencé. Jean-Noël Jeanneney l’avait démontré avec force dans un un livre aussi court que percutant (Le Passé dans le prétoire, Seuil, 1998). Pour autant, il est des situations où le juge doit chausser les habits de l’historien sauf à tomber dans le déni de justice. Pour apprécier le caractère diffamatoire des accusations portées dans son livre par Deborah Lipstadt sur David Irving, pour décider si, en le qualifiant de négationniste, elle l’avait ou non diffamé, le juge n’a eu d’autre alternative que de s’interroger sur la réalité des faits.
La chose pourrait sembler aisée. Comment nier l’Holocauste ? Comment remettre en doute l’assassinat systématique de six millions de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale ? Sauf qu’on peine à en trouver une preuve irréfutable : pas d’ordres écrits du Führer, pas de documents photographiques, des chambres à gaz en partie détruites dont la destination peut être mise en doute, des témoignages oraux par centaines mais qu’on peut toujours tourner en dérision…
Du coup, Le Procès du siècle est avant tout un film qui parle de Droit. Un courtroom movie comme l’affectionne le cinéma hollywoodien. Sauf qu’on pouvait redouter le pire de la pente naturelle du cinéma hollywoodien : la simplification des enjeux qui supporte mal la subtilité du débat judiciaire, la multiplication des coups de théâtre qui essaie d’insuffler du rythme à une procédure qui en manque souvent, l’appel aux bons sentiments dont ne s’embarrassent pas les juristes sauf à troubler leur jugement.
L’espace d’un instant, on frémit. Lorsque Deborah Lipstadt exhorte ses avocats à appeler à la barre des anciens déportés auxquels elle a promis que leur voix serait entendue. Mais miraculeusement, cette scène attendue, redoutée, n’aura pas lieu. Avec une abnégation rare, les scénaristes y ont renoncé et sont restés au plus près des faits. Ils ont rendu compte de chaque étape du procès, de la stratégie suivie par la défense qui se focalisait sur David Irving, ses écrits tendancieux et ses arrière-pensées délétères. En refusant de venir à la barre, Deborah Lipstadt ne fait pas preuve de lâcheté. Au contraire, elle accepte de s’effacer, de renoncer au plaidoyer qu’elle aurait rêvé faire, pour que l’attention du juge ne soit pas détourné de l’unique question qui lui était posé : David Irving est-il ou pas négationniste ?
À une époque où la post-vérité a désormais droit de cité, un film qui rappelle que les faits ont la vie dure est salutaire. À une époque où l’extrême-droite semble plus proche que jamais de conquérir le pouvoir, un film qui dénonce le négationnisme est d’utilité publique.
La bande-annonce