Dans un avenir proche, des scientifiques norvégiens sont parvenus à miniaturiser l’humain. En quelques années le procédé se généralise. Il a un alibi écologique : la miniaturisation, qui permet la réduction de la pollution, est un remède à la surpopulation et à la raréfaction de l’espace et des ressources. Mais il a surtout un avantage individuel : les Américains miniaturisés peuvent espérer un bien meilleur niveau de vie (loyers ridicules, biens de consommation courante à prix minuscules). C’est ce second aspect qui séduit Paul Safranek, un ergothérapeute du Nebraska, et sa femme, fatigués d’une vie médiocre où l’accession à la propriété demeure un rêve inaccessible.
Downsizing démarrait bien. Avec un pitch qui rappelle les délires de Michael Gondry, le réalisateur de Dans la peau de John Malkovich. D’ailleurs sa première moitié est enthousiasmante. Elle commence par un prologue en Norvège où, en quelques plans hilarants, est présentée l’invention. Puis l’on découvre Matt Damon, l’un des acteurs qui, avec Tom Hanks personnifie le mieux l’Américain moyen, bon fils, bon mari (manque à son couple les enfants et le chien qui complètent traditionnellement le parfait foyer américain). Il mène à Omaha une vie sans éclats et décide de se faire miniaturiser avec sa femme. La description de la miniaturisation, menée dans une clinique ultra-moderne selon un processus rigoureux (il faut raser les poils qui semble-t-il, ne se miniaturisent pas à due concurrence pour éviter que les Minimoys se retrouvent transformés en yétis miniatures) nous maintient en haleine. Et c’est ensuite la découverte de la vie miniaturisée, assombrie pour le malheureux héros par une circonstance que je ne dévoilerai pas – même si des critiques moins scrupuleux le font sans vergogne.
La seconde moitié du film commence. Ce n’est pas la meilleure. Pourtant, un boulevard s’ouvrait aux scénaristes de Downsizing. Sur la forme comme sur le fond, ils avaient carte blanche pour inventer tout et n’importe quoi. En particulier, ils auraient pu utiliser le changement d’échelle plus qu’ils ne le font. Mise à part une rose qui, à l’échelle du nouveau monde de Paul a la taille d’un palmier, l’ancien monde, le monde des « grands » a disparu. Tout se déroule désormais à la même échelle alors que le ressort comique et dramatique du film résidait précisément dans l’utilisation de cette différence d’échelle : on pense au chat monstrueux qui attaque le héros de L’Homme qui rétrécit (1957).
Plutôt que d’utiliser cette veine, Alexander Payne invente une histoire entre Paul et Ngoc Lan Tran, une Vietnamienne miniaturisée par son gouvernement pour avoir protesté contre sa politique. Au-delà de ce personnage, l’histoire va révéler que le monde merveilleux de Leisureland est moins doré qu’il n’y paraît ; car, pour permettre aux happy few de faire la fête, il faut toujours un lumpenprolétariat qui vide leurs poubelles et nettoie leurs appartements. L’histoire nous ramène finalement en Norvège, dans la colonie primitive des premiers « petits » qui se prépare à faire face à une menace apocalyptique : des émissions massives de méthane antarctique menace l’humanité. La conclusion, prévisible, a une résonance rétrograde et laisse un malaise.
Downsizing repose sur un postulat économique et psychologique discutable. Économiquement, le coût de la vie des Minimoys serait-il réduit à due proportion de leur taille ? Pas sûr. Une maison de 1 m² coûte-t-elle cent fois moins cher qu’un appartement de 100 ? Sans doute le prix du terrain est-il proportionnel. Mais quid des travaux, de l’aménagement, de l’ameublement qu’il faudrait confier soit à une main d’œuvre « grande » mais hyper-spécialisée soit à une main d’œuvre « petite » sans économie de taille ? Et psychologiquement, qui accepterait de se miniaturiser irréversiblement ? Qui accepterait d’être transformé en homuncule de douze centimètres, insignifiant et vulnérable ?
On me répondra que Downsizing est une fable et qu’il ne faut pas s’arrêter à de telles arguties. Et on aura raison … mais quand même …
La bande-annonce