Le nazi Adolf Eichmann, l’homme de la Solution finale, s’était enfui sous une fausse identité en Argentine à la fin de la Seconde guerre mondiale. Il y fut identifié par une jeune fille qui fréquentait son fils. L’information parvint au Mossad qui décida de monter une opération commando à hauts risques pour l’appréhender et l’exfiltrer d’Argentine vers Israël où il serait jugé. Operation finale raconte l’histoire de ce commando.
L’arrestation et le jugement d’Eichmann à Jerusalem m’ont toujours passionné. Car ils combinent trois éléments fascinants. 1. La Shoah et l’intérêt morbide qu’elle suscite. 2. L’opération commando rocambolesque, digne des meilleurs films d’espionnage, qui a réussi à kidnapper Eichmann à Buenos Aires et à le dissimuler dans un avion El Al en partance pour Israël. 3. Le procès d’Eichmann à Jerusalem, ce qu’il a révélé sur la « banalité du mal » et l’analyse si intelligente qu’en fit à chaud Hannah Arendt.
Il était évident que le cinéma allait s’emparer d’une matière aussi riche. Ce fut le cas dès 1961 avec Opération Eichmann. En 1979, The House on Garibaldi Street, le livre de Isser Harel, le directeur du Mossad qui supervisa les opérations, fut adapté pour la télévision. En 1996, toujours pour la télévision américaine est tourné The Man Who Captured Eichmann avec Robert Duvall dans le rôle d’Eichmann. En 1999, j’avais vu dans les salles en France le remarquable documentaire co-réalisé par Eyal Sivan et Rony Brauman, Un spécialiste, portrait d’un criminel moderne. Il m’avait tellement marqué que j’en avais même lu le livre qui en avait été tiré et que je retrouve avec nostalgie, rempli de mes pattes de mouche illisibles. Enfin, en 2007, un film britannico-hongrois (sic) réalisé par Robert Young était sobrement intitulé Eichmann.
Le film de Chris Weitz (un homme de cinéma américain connu pour avoir prêté la main en tant que réalisateur, scénariste ou producteur, à des films aussi différents que American Pie, Twilight ou Rogue One) s’inscrit dans cette longue généalogie. Il rassemble un casting international autour de l’excellent Oscar Isaac. L’inoxydable Ben Kingsley y incarne l’ancien nazi à la perfection. Mélanie Laurent joue les utilités françaises – et paie ses impôts. La lecture du générique nous apprend que l’informe Mme Eichmann, quinquagénaire et boudinée, est interprétée par la sublime Gretta Scacchi qui, dans les années quatre-vingts incarnait mon idéal féminin.
Brièvement sorti aux Etats-Unis fin 2018 avant d’être racheté par Netflix pour sa diffusion mondiale, Operation finale se regarde sans déplaisir bien qu’on en connaisse par avance les rebondissements les plus rocambolesques et l’épilogue glaçant.