Lindy Lou, jurée n° 2 ★★☆☆

En 1982, Bobby Wilcher, dix-neuf ans, assassine deux femmes au Mississippi. Son procès traîne. En 1992, il est condamné à la peine de mort. Il sera finalement assassiné en 2006.
Lindy Lou Isonhood faisait partie du jury de douze personnes qui l’a unanimement condamné. Républicaine convaincue, partisane de la peine de mort, elle n’a pourtant jamais tout à fait assumé son acte. Hantée par le remords, elle a d’abord repris contact avec Bobby Wilcher avant son exécution. En 2014, devant la caméra du documentariste français Florent Vassault, elle part à la recherche des autres jurés du procès de 1992 pour partager avec eux ses états d’âme et connaître leurs sentiments.

La peine de mort aux États-Unis a été filmée de bien des façons : à travers les yeux du condamné qui attend son exécution dans la couloir de la mort (La Dernière Marche), à travers ceux de ses gardiens (La Ligne verte), de son avocat, de la famille des victimes dont il a ôté la vie, sur le mode du documentaire ou de la fiction… Lindy Lou jurée n° 2 nous propose un angle de vue inédit : celui du juré repenti.

Le documentaire de Florent Vassault aurait pu prendre la forme d’un procès en réhabilitation d’un homme injustement condamné à une peine inhumaine. Il n’emprunte pas cette voie, ne nous révélant que le minimum de faits dont la réalité n’est pas remise en cause. Il aurait pu aussi se résumer à un long plaidoyer contre la peine de mort. Il est beaucoup plus subtil.

Il s’agit en fait plutôt d’un road movie qui suit Lindy Lou dans la recherche de ses co-jurés – au risque parfois de créer un effet de lassitude tant les entretiens se répètent et se ressemblent. Ils se ressemblent étonnamment : des Blancs quinquagénaires ou sexagénaires (qui avaient donc vingt ans de moins au moment du procès) vivant dans des villas cossues nichées au fond des bois. Pas un Noir. Tous sont confits en religion, qui ornent leurs intérieurs de crucifix et de bondieuseries.

Quasiment tous accueillent Lindy Lou les bras ouverts et quasiment tous partagent ses remords. Une seule refuse de la rencontrer et lui laisse un message téléphonique qui ne permet pas de comprendre les motifs de ce refus. Un seul l’accueille en disant qu’il a perdu le souvenir de ce procès (hypocrisie d’un juré qui refuse d’assumer sa décision ?). Les autres sont d’une étonnante compassion. À se demander pourquoi ils ont unanimement condamné Bobby Wilcher vingt-deux ans plus tôt.

À se demander aussi pourquoi Lindy Lou elle-même a voté la mort. Elle ne se pose jamais directement la question alors  qu’elle ne cesse depuis vingt-deux ans de remâcher sa lâcheté. Dans un film hollywoodien comme Douze hommes en colère elle se serait dressée contre la loi du nombre. Mais, dans la vie réelle, la timidité, la sidération furent les plus fortes.

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Galveston ★★☆☆

Tout va mal pour Ricky (Ben Foster), une petite frappe de Louisiane. Tandis que ses poumons le lâchent, son boss (Beau Bridges) lui tend un traquenard dont il parvient à s’échapper de justesse en compagnie de Rookie (Elle Fanning), une jeune prostituée. Il voudrait rapidement s’en séparer ; mais l’adolescente ne le lâche pas d’une semelle et lui ramène même sa petite sœur Tiffany âgée de trois ans à peine.
Le trio se réfugie dans un motel miteux à Galveston, au Texas, sur les bords du Golfe du Mexique.

Nic Pizzolatto est devenu célèbre en signant le scénario de True Detective, une série mettant en scène deux policiers en Louisiane. Deux ans plus tôt, il avait écrit un roman policier, Galveston, que Mélanie Laurent, l’actrice-réalisatrice française, repérée par le producteur américain qui cherchait une signature européenne, porte à l’écran.

L’aisance avec laquelle la jeune française se glisse dans les codes du roman noir est impressionnante. Mais, à force de vouloir démontrer sa capacité à filmer « comme les Américains », par exemple dans des plans séquence de fusillade brillamment chorégraphiés, Mélanie Laurent perd un peu son âme, livrant un produit sans grande originalité qui, aussi bien troussé soit-il, se fond dans le lot commun des productions américaines indépendantes, des polars poisseux qui noircissent les écrans.

Cela n’enlève rien à la qualité de la prestation des deux acteurs principaux. Elle Fanning, dont j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion ici de dire le bien que j’en pense, est comme d’habitude parfaite. Elle a vingt ans à peine et on la connaît déjà depuis longtemps. D’une beauté parfaite, d’un charme irrésistible, elle a gardé dans son sourire le souvenir de l’enfant qu’elle était hier encore et en est d’autant plus attachante. Ben Foster est tout aussi remarquable. On vient de le voir dans l’excellent Leave no Trace. Il joue ici un rôle similaire, celui d’un homme solitaire qui prend sous sa coupe une jeune fille. Sa rédemption en émouvra plus d’un.

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Silvio et les autres ★★☆☆

Silvio Berlusconi : satyre politique.

Dix ans après Il Divo, portrait sans concession de Giulio Andreotti, le fossoyeur de la démocratie chrétienne en Italie, Paolo Sorrentino se frotte au Cavaliere Berlusconi. Son film a la force de l’évidence. Que le peintre dépressif de la décadence de la société italienne, fasse le portrait de l’homme qui, pendant vingt années, en a vampirisé la vie politique allait de soi. Le film, d’une durée exceptionnelle, devait sortir en deux violets et être projeté à Cannes. Il arrive sur les écrans six mois plus tard et en un seul.

Les fans inconditionnels de Sorrentino, ceux qui tiennent – et ils sont nombreux – La Grande Bellezza comme l’un des meilleurs films de la décennie ne seront pas déçus. Comme dans son chef d’œuvre, Sorrentino signe un film outrancier, excessif, débordant, grave et drôle à la fois, lesté d’images folles et d’embardées poétiques, d’une obésité (deux heures et vingt cinq minutes) assumée.

Comme dans La Grande Bellezza, Toni Servillo, l’acteur fétiche de Sorrentino, y tient le rôle principal, outrageusement grimé pour donner du Président du Conseil un portrait plus vrai que nature.

Mais le lyrisme crépusculaire de Sorrentino et le jeu époustouflant de Servillo sont les seules qualités d’un film dont il est plus facile d’énumérer les défauts que les atouts.

Le premier est que le modernisme sans âme d’une splendide résidence sarde en bord de mer dont Silvio et les autres ne sort guère n’a pas la beauté élégiaque des ruines romaines qui servaient de décor à La Grande Bellezza.

Le deuxième est que le scénario fait du surplace, dont on ne sait quel fil il tire : l’histoire de la fausse retraite du Cavaliere puis de son retour au pouvoir ou bien celle d’un jeune arriviste (Riccardo Scamarcio gueule d’ange aux yeux bleus dans Romanzo Criminale et Dalida) qui cherche à approcher le Caïman en faisant parader une brochette de jolies filles dénudées dans la villa qui fait face à la sienne.

Le troisième est, sans vouloir être plus bégueule que je ne le suis, le malaise que fait naître, dès la bande-annonce, l’esthétique clipesque du film, ses longs travelings sur des hordes de mannequins en monokini prenant des poses lascives dans des piscines à débordement. On a compris qu’il s’agit de dépeindre les soirées bunga bunga de l’ogre milanais, la luxure dans laquelle il se complaisait et où il a rabaissé le débat politique. Mais il y a dans la façon de les filmer, dans la manière de les multiplier tout au long de ce film interminable, une complaisance qui dérange. On pourra à raison m’opposer le beau personnage de Veronica (Elena Sofia Ricci), l’épouse bafouée dont les humiliations à répétition n’entament pas la force de caractère. Mais elle ne fait pas le poids face aux foules de bimbos épilées, putes et soumises, qui peuplent le film.

Le dernier – mais la critique peut se retourner en compliment – est l’ambiguïté dans laquelle, finalement, Berlusconi demeure. À la fin du film, il se révèle pathétiquement le plus humain, le plus « vrai » des personnages qui hantent cette galerie de bouffons. Silvio et les autres, loin d’être un portrait à charge du Cavaliere, est plus complexe qu’il n’y paraît : il s’agit tout compte fait, à travers le portrait d’un homme, du portrait d’un pays qui décline en faisant la fête, qui vieillit en gobant du MDMA, qui s’étiole à force d’implants capillaires.

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La Tendre Indifférence du monde ★★☆☆

La belle Saltanat doit quitter la ferme familiale après que son père couvert de dettes s’y est donné la mort. Sur les conseils de sa mère malade, elle part en ville se placer sous la protection de son oncle. Kuandyk, fort comme un Turc, l’aime en silence et l’accompagne.
Tandis que Saltanat est placée face à un marché sordide, contrainte de se donner à l’associé de son oncle pour rembourser les dettes contractées par son père, Kuandyk trouve à s’employer par le chef de la mafia des fruits et légumes.

Quand on tape « cinéma kazakh » sur Google, on trouve… Borat ! Pourtant le Kazakhstan a produit quelques films, peu ou mal diffusés en France, qui méritent qu’on s’y arrête. Avec Chouga (2007), Darezhan Ormibaev a transposé Anna Karénine dans le Kazakhstan contemporain. L’Étudiant (2012) du même transpose cette fois-ci Crime et châtiment. Le Souffle (2014) est un des plus beaux films que j’aie vus ces dernières années, qui montre l’immense plaine kazakhe dans de longs travelings sans dialogue.

La Tendre Indifférence du monde a été diffusé à Cannes en mai dans la section Un certain regard. C’est l’œuvre d’un réalisateur kazakh inconnu qui invoque bravement Camus (auquel le titre du film est emprunté), Shakespeare et Jean-Paul Belmondo. Mais c’est surtout à l’ironie tendre et à la violence des films de Takeshi Kitano que l’emprunt est le plus visible.

La Tendre Indifférence du monde raconte moins les amours contrariées de Saltanat et de Kuandyk, sorte d’Esmeralda et de Quasimodo centre-asiatique, qu’il ne fait le portrait sans concession d’une société post-soviétique rongée par le féodalisme. Ce milieu d’empire, coincé entre la Russie – dont les habitants parlent la langue – et la Chine – dont ils empruntent à leurs ressortissants les traits – semble avoir hérité le pire des deux systèmes. D’ailleurs les cinémas russe et chinois contemporain nous envoient régulièrement quelques œuvres traumatisantes : qu’on pense aux films de Zviaguintsev ou aux documentaires de Wang Bing.

Le portrait que Adilkhan Yerzhanov dresse du Kazakhstan n’est guère plus reluisant. Rien n’est épargné à la belle Sultanat ni au fort Kuandyk : à elle la lubricité des hommes, à lui leur violence, à eux deux une société régie par l’appât du gain et l’absence de compassion. Chacun va être placé face à un dilemme qui les obligera à se renier : d’elle on exige qu’elle se donne, de lui qu’il sacrifie un ami. Pourtant, Saltanat et Kuandyk réussissent à rester entiers. Pas sûr que la façon tragique dont le film se termine invite à l’optimisme sur l’espèce humaine en général, et sur la glorieuse nation Kazakhstan en particulier.

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Dilili à Paris ★★★☆

Dilili, une jeune Kanake, arpente le Paris de la Belle époque dans le triporteur d’Orel, un jeune et beau livreur. Le duo est à la recherche des Mal-Maîtres, une organisation malfaisante qui kidnappe les petites filles. Leur chemin croisera celui de Louise Michel – dont Dilili fut l’élève en Nouvelle-Calédonie – de la cantatrice Emma Calvé, de Sarah Bernhardt, de Marie Curie, de Louis Pasteur, d’Erik Satie, de Toulouse-Lautrec, de Rodin, de Marcel Proust et de tant d’autres…

Vingt ans après Kirikou, douze ans après Azur et Asmar, Michel Ocelot est de retour. Son style est immédiatement reconnaissable : luxueuse palette chromatique, soin extrême apporté aux décors et aux arrières-plans, caractère chevaleresque de ses personnages, morale humaniste et hymne à la tolérance….

À la différence de ses précédentes réalisations, celle-ci se déroule en France, dans un décor de carte postale, le plus beau, le plus exubérant qu’il soit : le Paris de la Belle époque. Pour arriver à ce résultat, Ocelot a travaillé à partir de photos prises dans la capitale dont il a gommé les éléments trop contemporains. Le résultat est flamboyant, même s’il tourne parfois à la visite guidée pour touristes en goguette : la Tour Eiffel, Montmartre, les quais de Seine, tout y passe…

De même, la façon dont Dilili et son chevalier servant croisent les gloires de l’époque, même si elle offre aux parents et aux maîtres d’école un matériau utile à une initiation aux grands courants artistiques du début du siècle, est trop artificiel pour être convaincante. On a parfois l’impression de feuilleter un Who’s who plutôt que de regarder un film d’animation.

Plus grave peut-être : l’histoire d’enlèvement de fillettes par une secte maléfique est totalement imaginaire. Elle tire Dilili à Paris du côté du plaidoyer féministe anachronique, avec sa jeune héroïne – dont les origines kanakes ne sont jamais utilisées dans l’intrigue sinon pour donner à un casting uniformément blanc un peu de couleur – ses francs-maçons phallocrates et ses petites filles réduites à l’esclavage sous leur niqab.

Mais ne boudons pas notre plaisir et réjouissons nous que des produits d’une telle qualité soient proposés à nos jeunes têtes blondes.

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Cold War ★★☆☆

Dans la Pologne communiste de l’immédiat après-guerre, Wiktor (Tomasz Kot) est chargé de rassembler les trésors de la musique populaire et de créer une troupe folklorique. Il fait à cette occasion la rencontre de Zula (Joanna Kulig), une jeune femme récemment sortie de prison après avoir tenté de tuer son père. Entre le chef d’orchestre et la jeune femme, la passion éclate. Le couple vivra pendant une quinzaine d’années, de part et d’autre du Rideau de fer, une relation contrariée par les aléas de l’Histoire.

Après un premier film remarquable et pourtant passé inaperçu, My Summer of Love, Pawel Pawlikowski a connu la gloire grâce à Ida. Le film, qui racontait l’histoire d’une jeune novice en proie au doute à la veille de prononcer ses vœux dans la Pologne communiste des années cinquante, a obtenu l’Oscar du meilleur film étranger, un BAFTA, un Goya. Il a fallu patienter près de cinq ans pour voir son film suivant – en attendant l’an prochain son adaptation du Limonov d’Emmanuel Carrère.

Pour écrire Cold War, Pawel Pawlikowski, né en 1957 à Varsovie, exilé en Occident à l’adolescence, en Allemagne, en Italie puis en Angleterre où il s’installe définitivement et effectue le début de sa carrière jusqu’à son retour en Pologne en 2013, s’est librement inspiré de l’histoire de ses parents. Ils étaient, dit le réalisateur, follement amoureux l’un de l’autre et incapables de vivre ensemble. Leur histoire d’amour fut mise à mal par l’exil, la séparation forcée, les retrouvailles retardées. Tel est le sujet de Cold War, un film au titre bien mal choisi ; car si la Guerre froide constitue en effet l’arrière-plan de cette histoire, c’est la relation entre Wiktor et Zula, qui n’a rien de belliqueuse, ni de froide, qui en constitue le centre.

Cold War ressemble à Ida. Même noir et blanc poétique. Même format carré de l’image. Même paysages enneigés et glacials. Même Pologne étouffant sous la chape de plomb du communisme. Même élégance de la mise en scène – qui méritait largement le prix reçu pour ce motif à Cannes en mai.

Alors pourquoi deux étoiles seulement et pas trois voire quatre ? Parce qu’à la différence de Ida qui m’avait bouleversé, Cold War ne m’a pas ému. Parce qu’à force de garder l’émotion à distance, le film de Pawel Pawlikowski m’a laissé sur le bord du chemin. Parce que la perfection de chaque plan, les traits parfaits de Joanna Kulig, l’âpre beauté des chants polyphoniques slaves m’ont sidéré plus qu’ils ne m’ont touché.

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Nos batailles ★★★☆

Olivier (Romain Duris) a la vie d’un Français qui se lève tôt. Il travaille dans un grand groupe de vente à distance et y montre, en qualité de représentant syndical, un engagement sans faille pour défendre les intérêts de ses camarades. Sa vie de famille, auprès de Laura et de leurs deux enfants, Eliott et Rose, semble sans nuage.
Mais tout s’effondre lorsque Laura quitte, sans une explication, le domicile conjugal.

Quand Olivier Adam et Stéphane Brizé se rencontrent.
On se souvient de Nos vents contraires, le livre d’Olivier Adam, adapté au cinéma en 2011 avec Benoît Magimel dans le rôle principal : l’histoire d’un père et de ses deux jeunes enfants, brisé par le départ de sa femme.
On se souvient également du dernier film de Stéphane Brizé, En guerre, où Vincent Lindon jouait le rôle d’un syndicaliste prêt à tout pour sauver l’emploi de ses camarades menacé par le dépôt de bilan de la PME qui les emploie.

Guillaume Senez, déjà remarqué en 2016 pour son premier film, l’excellent Keeper, traite avec une grande justesse un sujet qui aurait pu être casse-gueule et tire-larmes. Comme Gone Girl ou Je vais bien ne t’en fais pas, son film est construit autour d’un mystère : pourquoi Laura est-elle partie ? On attend une révélation coup de théâtre : elle a voulu épargner à ses proches sa mort annoncée d’un cancer foudroyant ou bien elle a été kidnappée par un serial killer. Je vous laisse découvrir la réponse à cette énigme.

Mais l’essentiel est ailleurs. Le film n’a pas Laura pour personnage principal mais bien Olivier. De chaque plan, c’est lui qu’on suit passant de l’incompréhension à la rage puis à l’accablement. C’est sur lui que repose désormais l’éducation de ses deux jeunes enfants dont il avait eu tendance à reporter la responsabilité sur sa femme.

Dans un rôle où on ne l’attendait pas, l’excellent Romain Duris a la colère rentrée du personnage de Vincent Lindon et le cœur brisé de celui d’Olivier Adam. Aussi excellente que soit sa composition, c’est celles de Laure Calamy et de Laetitia Dosch que je veux saluer. Dans le rôle de la camarade de lutte et de cœur, la première, souvent vue (notamment dans le récent Mademoiselle de Joncquières) est parfaite. Dans celui de la petite sœur appelée à la rescousse par son grand frère pour s’occuper de ses enfants, la rousse seconde confirme les espoirs placés en elle depuis Jeune femme.

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La Saveur des ramen ★☆☆☆

Le père de Masato vient de mourir. Depuis la mort de sa femme, il s’était muré dans le silence. Il tenait un restaurant de ramen au Japon. Son fils travaillait avec lui.
En rangeant les affaires de son père, Masato trouve le journal intime de sa mère, d’origine chinoise, rencontrée à Singapour. Cette découverte l’incite à partir à Singapour sur les traces de son passé.

Depuis Tampopo (1985) jusqu’aux Délices de Tokyo (2015), la gastronomie japonaise fait recette au cinéma. Eric Khoo, qu’on avait connu plus imaginatif, par exemple dans Apprentice (le portrait bouleversant d’un jeune garde pénitentiaire affecté auprès du bourreau chargé de procéder à une exécution capitale) ou dans Hôtel Singapura, en appelle autant à nos glandes salivaires que lacrymales.

L’histoire qu’il raconte n’a rien de très original. Elle est rythmée par des retrouvailles convenues : avec un oncle cuisinier, avec une grand-mère repentante. À quoi s’ajoute une vague bluette avec une guide gastronomique – qui, à vue de nez, semble avoir une bonne quinzaine d’années de plus que notre héros … mais bon …

Il y avait pourtant à cette histoire sino-japonaise se déroulant à Singapour une dimension historique voire géopolitique. L’occupation par le Japon impérial de la colonie britannique a ouvert des cicatrices qui ne sont pas toutes refermées. Comme le montre l’exposition que visite Masato, elle fut d’une particulière cruauté, entretenant parmi la population chinoise de l’État indépendant depuis 1965 un solide racisme anti-nippon. Aussi l’histoire de Masato et de ses parents se veut-elle une réponse à ces rancœurs ataviques, une lueur d’espoir annonçant une impossible réconciliation entre deux peuples que l’Histoire avait opposés. Le réalisateur préfère hélas filmer des nouilles en pleine cuisson. Dommage…

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Halloween ★☆☆☆

Quarante ans ont passé depuis la nuit d’Halloween où Michael Myers, un dangereux psychopathe échappé de l’hôpital psychiatrique où il était soigné depuis qu’il avait assassiné, à six ans seulement, sa propre sœur, a tenté d’assassiner Laurie Strode.
Laurie Strode (Jamie Lee Curtis) ne s’est jamais vraiment remise de cette nuit d’horreur. Elle a passé l’essentiel de sa vie à craindre d’être à nouveau face au mystérieux tueur. Elle a élevé sa fille dans cette hantise, provoquant sa brutale prise de distance à l’adolescence.

Le film mythique de John Carpenter, tourné en 1978, a initié un genre : le slasher, qui met en scène un tueur psychopathe et souvent masqué assassinant à l’arme blanche des jeunes gens. Il a connu bien des suites, même si John Carpenter a toujours refusé de repasser derrière la caméra.

Halloween 2018 prétend revenir aux sources de la franchise en ignorant tous les autres films existants. On y retrouve Jamie Lee Curtis, désormais grand-mère avec sa fille et sa petite fille – qui a désormais l’âge qu’avait Laurie Strode quarante ans plus tôt et se retrouvera bon an mal dans les mêmes situations qu’elle. La musique est composée par John Carpenter qui avait déjà signé celle de son film en 1978.

Le problème de Halloween 2018 est précisément d’arriver quarante ans après l’original et de vouloir en reproduire, sans y rien changer, les mêmes recettes. Ce qui était terriblement novateur en 1978 ne l’est plus guère en 2018. On a trop vu de slashers pour trembler devant un psychopathe masqué surgissant du placard en brandissant un couteau. On s’ennuie ferme d’autant que Jamie Lee Curtis semble trop invulnérable pour qu’on doute un seul instant qu’elle ne finira par prendre le dessus sur son atavique adversaire.

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Le Grand Bain ★★★★

Bertrand (Mathieu Amalric), Laurent (Guillaume Canet), Marcus (Benoît Poelvoorde), Simon (Jean-Hugues Anglade) et Thierry (Philippe Katerine) ont plusieurs points en commun : ils sont quadragénaires, dépressifs, bedonnants et… pratiquent la natation synchronisée sous la direction de Delphine (Virginie Efira), une ancienne championne.

Annoncé par un bouche-à-oreille élogieux et une campagne de presse menée tambour battant, voici le film français le plus populaire de l’année, qui ralliera toutes les classes d’âge et les catégories socio-professionnelles, Paris et la province, qui battra des records d’audience et récoltera une moisson de Césars en février prochain.

Le pari est audacieux ? Pas vraiment. Le Grand Bain rassemble tous les ingrédients du feel good movie à succès. C’est un film comique (on sourit à la quasi-totalité des dialogues et on se prend à rire plus souvent qu’à son tour) sur un sujet sérieux (la crise de la quarantaine, la dépression, le chômage, le manque d’amour). C’est un film triste (chaque personnage est à sa façon dérisoire) sur un sujet drôle (des mâles pas vraiment sexy qui jouent aux sirènes aquatiques). Comme Le Sens de la fête l’an passé, Le Grand Bain trouve le juste équilibre entre la comédie potache et le film à thèse.

Évidemment, on invoquera The Full Monty voire on criera au plagiat. Le film de Gilles Lellouche reproduit dans les moindres détails celui de Peter Cattenao qui voyait une troupe de chômeurs anglais jouer aux Chippendales. Mais est-ce si grave ? Quel mal y a-t-il à reprendre les recettes d’un film réussi, vieux de plus de vingt ans, que la majorité des spectateurs au demeurant n’ont peut-être pas vu ?

Le Grand Bain a sur The Full Monty un avantage. C’est un film français qui met en scène une brochette d’acteurs célèbres et familiers. Chacun campe à sa façon un personnage qui  ressemble à ceux qu’il a déjà campés, créant du coup chez le spectateur une familiarité attendrissante avec eux : Mathieu Amalric est asthénique, Guillaume Canet est hyperactif, Benoît Poelvorde est fanfaron. Le plus étonnant peut-être, celui à qui j’attribuerais sans hésitation le César du meilleur second rôle, est Philippe Katerine. En gardien de piscine, condamné au chômage par son imminente automatisation, il est pathétique, drôle et émouvant.

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