Jeune normalienne sachant écrire, Alice Heimann (Anaïs Demoustier) est recrutée au cabinet du maire de Lyon en dépit de son inexpérience et de son désintérêt pour la vie politique. Paul Théraneau (Fabrice Lucchini) est un vieil édile socialiste qui a sacrifié sa vie à sa vocation. Mais à l’heure de décider s’il va prendre la tête du parti pour se présenter à l’Élysée, le maire traverse une grave dépression.
Alice et le maire vient prendre sa place dans la liste, qui ne cesse de s’allonger, des films qui s’essaient à raconter la politique de l’intérieur. Le genre est récent. La France longtemps ne l’a pas pratiqué à la différence des États-Unis. J’ai chaque fois une petite déception à voir décrit sans réalisme, ce monde que je connais un peu. Dans Alice et le maire, comme dans L’Exercice de l’Etat, référence désormais incontournable et à mon sens surcotée, les situations sont caricaturales, les dialogues artificiels.
L’héroïne de Alice et le maire ressemble à des personnages déjà filmés : une jeune Candide débarquant en politique. Le même rôle était interprété par Raphaël Personnaz dans Quai d’Orsay et par Finegan Oldfield dans l’hilarant Le Poulain. Mais Nicolas Pariser, formé à l’école de Rohmer ne prend pas le pari de l’humour. Son ton est grave. Trop peut-être. Il s’agit pour lui de filmer l’impuissance politique.
On dira que j’ose une lecture bien freudienne et passablement perturbée du personnage de Fabrice Luchini. Mais je crois que c’est l’impuissance qui le caractérise. L’homme n’a plus aucune activité sexuelle. Il est divorcé d’une femme castratrice, dont on aperçoit à peine la silhouette derrière la vitre d’un restaurant, et qui réussit, en l’espace d’une soirée à changer le cours de sa carrière. Il ne tente aucun geste de séduction avec la jeune Alice – alors qu’Anaïs Demoustier n’a jamais été aussi ravissante. Et, bien sûr, il a l’impression, quelles que soient les réalisations dont il puisse se targuer, d’être arrivé au bout d’un cycle, incapable à la fois de projeter sa ville au siècle prochain ou de faire face à l’urgence de l’accueil de réfugiés.
La jeune Alice pourrait secouer le même homme. Elle pourrait réveiller sa libido, lui redonner l’appétit de la conquête, le propulser vers l’Élysée en rédigeant le « discours de [s]a vie ». Le film de Nicolas Pariser a l’intelligence d’éviter cet happy end trop prévisible. Cyniquement, Alice renvoie au maire l’image glaçante de son électorat : en même temps insatisfait d’une classe politique en qui il a perdu sa confiance et incapable de lui proposer une alternative – sauf à tomber, comme Delphine (Maud Wyler), une amie d’Alice, dans une collapsologie apocalyptique.
Dans une interview au Monde, Nicolas Pariser évoque les deux façons de décrire la politique : avec Tchekhov, tout le monde est déçu mais personne ne meurt ou avec Shakespeare où personne n’est déçu mais tout le monde meurt. Nicolas Pariser s’inscrit résolument dans les pas de Tchekhov.