L’actrice israélienne Ronit Elkabetz est morte en 2016 des suites d’un cancer du poumon. Elle avait co-réalisé avec son frère cadet, Shlomi, une trilogie bouleversante librement inspirée de la vie de ses parents, Juifs séfarades immigrés du Maroc : Prendre femme (2004), Les Sept Jours (2008) et Le Procès de Vivian Amsellem (2014). C’est ce frère qui a remonté les images de sa sœur captées sur le vif avec sa caméra pour lui consacrer un documentaire en deux volets de près de deux heures chacun.
Ce long hommage documente les dix dernières années de la vie de Ronit, qui vit entre Paris et Israël. Paris symbolise pour elle la créativité, la liberté – une déclaration d’amour sacrément décapante pour les Parisiens scrogneugneux que nous sommes plus prompts à critiquer la saleté de notre capitale que sa beauté à laquelle seuls les étrangers semblent sensibles. Elle y a un bel appartement qu’elle partage avec son frère. Mais elle rentre régulièrement en Israël retrouver ses parents – qui vivent mal l’autobiographie à peine voilée que son frère et elle sont en train de tourner. C’est aussi en Israël qu’elle rencontre l’architecte qu’elle épouse en 2010 et dont elle a deux jumeaux en 2012 – que la mort de leur mère laissera orphelins quatre ans plus tard.
Cahiers noirs nous frustre en ne nous montrant de l’écriture et du tournage des trois films réalisés par Ronit et Shlomi que quelques séquences dissymétriques. Du tournage de Prendre femme, on ne verra rien pour se concentrer sur sa réception et les éloges qu’il a reçus (notamment du Masque et la Plume dont Ronit écoute, au comble de l’angoisse et bientôt de la joie, la critique intelligente et élogieuse). On saute par dessus Les Sept Jours. En revanche, on voit de longs extraits du tournage du Procès…
Quand elle tourne ce dernier film, Ronit Elkabetz est déjà gravement malade. On ne sait pas si elle sait que son mal sera irréversible ; mais le spectateur sait en la regardant qu’elle n’a plus que quelques mois à vivre. Ces images n’en sont que d’autant plus poignantes. Elles le sont tellement qu’à la longue elles en deviennent malaisantes. On aurait aimé plus de pudeur à ces Cahiers noirs.