Leo Rifkin (Wallace Shawn) accompagne sa jeune épouse, Sue (Gina Gershon), au festival de Saint-Sebastien. Il la suspecte, non sans raison, d’être attirée par Philippe (Louis Garrel), le brillant réalisateur français dont elle gère les relations publiques. Leo vit mal la lente érosoion de son couple … et se console auprès d’une jeune doctoresse espagnole (Elena Anaya), mariée à un peintre infidèle (Sergio Lopez).
Woody Allen nous revient enfin, trois ans après la sortie controversée de Un jour de pluie à New York, avec un film tourné en 2019 au nord de l’Espagne, nouvelle étape du tour d’Europe que le réalisateur new-yorkais a entrepris, de Londres (Match Point) à Rome (To Rome with Love), en passant par Paris (Minuit à Paris), Barcelone (Vicky Cristina Barcelona) et la Côte d’Azur (Magic in the Moonlight).
C’est son quarante-neuvième opus. Et c’est, à quatre-vingt-six ans, sans doute l’un de ses derniers. On aimerait dire qu’il est au sommet de son art et qu’on prend toujours autant de plaisir à le retrouver – il fut un temps où ces retrouvailles avaient lieu métronomiquement chaque année à l’automne et constituaient presque un rite – en essayant de faire abstraction des graves accusations d’abus sexuels sur sa fille qui pèsent contre lui.
Hélas force est de reconnaître que Rifkin’s Festival n’est pas un grand film. Refusant de – ou ne pouvant plus – se mettre en scène lui-même, Woody Allen a demandé à Wallace Shawn, qui depuis Manhattan a régulièrement collaboré avec lui, d’interpréter son double de cinéma. Comme à chaque fois, il est assez troublant de découvrir un acteur essayer de singer les mimiques et les intonations du réalisateur qui le dirige (ainsi de la scène muette où Leo entend dans le cabinet du Dr Rojas la conversation téléphonique particulièrement violente entre la docteur et son époux).
Leo Rifkin joue le rôle d’un professeur de cinéma un peu has been qui voue une admiration révérencieuse aux grands maîtres européens, au point de revivre en rêve certaines de leurs scènes les plus mythiques. C’est l’occasion de neuf remakes plus ou moins réussis de scènes iconiques de Fellini, Truffaut, Lelouch Godard, Buñuel ou Bergman…. Aux antipodes, Philippe incarne un réalisateur français adulé par la critique qui débite des phrases creuses sur la violence de la guerre et la faim dans le monde.
Mais l’essentiel de Rifkin’s Festival n’est pas là. Il est, comme toujours, dans son héros, dans ses amours contrariées et dans ses interrogations métaphysiques. On les connaît depuis si longtemps qu’on est partagé entre le plaisir régressif de les réentendre et l’ennui de les rabâcher.
Espérons que Woody Allen tourne encore un film ou deux pour ne pas partir sur cette fausse note-là.