The Insider ★☆☆☆

George Woodhouse (Michael Fassbender) et sa femme Kathryn (Cate Blanchett) travaillent ensemble dans un service de contre-espionnage britannique dirigé par Arthur Stieglitz (Pierce Brosnan). George est chargé d’identifier une taupe. Sa propre femme figure parmi les suspects potentiels.

Alternant avec un talent fou les petits films quasi-expérimentaux (Presence sorti le mois dernier) et les blockbusters (la trilogie des OceanMagic Mike…), Steven Soderbergh nous appâte avec un film d’espionnage à la distribution cinq étoiles. Cate Blanchett – figée par le botox dans une beauté marmoréenne hors d’âge – et Michael Fassbender – plus glacial que jamais – en haut de l’affiche y côtoient l’ex-James Bond Pierce Brosnan et la nouvelle Miss Moneypenny Naomie Harris.

Le film aurait pu s’appeler Sexe, Mensonges et Vidéo si le titre n’avait pas déjà été utilisé. Les distributeurs français ont choisi, Dieu sait pourquoi, The Insider. Ce titre n’a aucun sens, qui met le projecteur sur un seul personnage alors que le film est choral. Le titre original, Black Bag, aurait parfaitement fait l’affaire et on ne comprend pas pourquoi on est allé lui chercher une vraie fausse traduction.

Sa bande-annonce m’avait mis l’eau à la bouche. Hélas j’ai été cruellement déçu. Je suis loin d’être suffisamment intelligent pour avoir compris l’intrigue terriblement compliquée  qui gravite autour d’un virus informatique détourné par un colonel russe en rupture de ban pour faire exploser une centrale nucléaire et destabiliser le locataire du Kremlin.

Sans doute le vrai sujet du film se situe-t-il ailleurs. La chasse à la taupe est un prétexte pour disséquer le couple, la confiance qui le soude, les petits mensonges qui le minent. Mais hélas, ce jeu du chat et de la souris auquel se livrent nos deux héros et les deux autres couples qu’ils convient à leur table devient vite trop littéraire, trop bavard et trop subtil pour mon petit cerveau étriqué, qui avait prévu un divertissement facile façon James Bond et s’est retrouvé sans préavis en face d’un huis clos étouffant façon Cris et Chuchotements.

La bande-annonce

Mémoires d’un corps brûlant ★★☆☆

Huit femmes latino-américaines du troisième âge témoignent, sous couvert de l’anonymat, de leurs vies cabossées : l’enfance auprès de parents conservateurs qui ne leur disent rien de la puberté, les premières règles, le mariage, encore vierges, et leurs premiers rapports sexuels plus douloureux qu’agréables avec un conjoint égoïste préoccupé de son seul plaisir, la maternité, la fierté de donner la vie mais aussi l’abrutissement que l’éducation d’un nouveau-né entraîne, une vie conjugale sans amour auprès d’un mari parfois violent, le divorce et enfin, quand on ne l’attendait plus, l’apprentissage de la liberté et la découverte, à cinquante ans passés, du plaisir sexuel.

Ce film relève un défi cinématographique : comment filmer ce récit choral ? Le parti de la réalisatrice costaricaine Antonella Sudasassi, dont le premier long-métrage n’était pas sorti dans les salles françaises, est audacieux. Elle choisit le huis clos : un seul appartement où se déroule toute la vie des femmes qui se racontent, successivement interprétées aux quatre âges de leur vie par quatre actrices, qui se croisent et s’entrecroisent dans de longs plans muets expliqués par leurs voix off. Ainsi présenté, le dispositif peut sembler incompréhensible ou à tout le moins étrange. Le résultat, au contraire, est d’une grande fluidité.

Bien sûr ces témoignages sont poignants qui dénoncent le poids du patriarcat, les violences physiques et psychologiques faites à ces femmes, leur admirable résilience. On aurait un cœur de pierre – et une conscience politique bien mal affûtée – si on ne s’en émouvait pas. Pour autant, le récit que ces Mémoires déroulent est hélas d’une si grande banalité et a déjà été si souvent raconté qu’il n’apporte pas grand-chose.

La bande-annonce

Le Robot sauvage ★★★☆

Un robot domestique, l’unité Rozzum7134, s’échoue sur une île inhabitée après une tempête. Programmé pour servir les humains, il doit s’acclimater à un milieu inhospitalier qui lui est spontanément hostile. Son chemin croise celui d’un oisillon orphelin. Le robot sauvage s’investit dans la mission qu’il croit s’être vu confier : accompagner cet oison fragile dans ses apprentissages et le préparer à la prochaine migration.

Dreamworks a inventé quelques-uns des personnages d’animation les plus célèbres au monde : Shrek et le Chat potté, Kung Fu Panda, le quatuor de Madagascar, Baby Boss, le dragon volant de Dragons… Il semblait s’être endormi sur ses lauriers en se bornant à tourner des suites paresseuses mettant en scène ces héros récurrents. Adapté d’un livre pour enfants publié en 2016, Le Robot sauvage démontre que le studio hollywoodien et son réalisateur Chris Sanders ont toujours le feu sacré.

Le Robot sauvage nous offre tout ce qu’un film d’animation réussi peut nous offrir. D’abord des effets spéciaux à couper le souffle. Les techniques d’animation sont arrivées à un tel niveau qu’elles peuvent désormais tout filmer, sauf peut-être les êtres humains… et, ça tombe bien, on n’en voit pas un seul dans Le Robot sauvage. Le pelage des animaux, la transparence de l’eau sont particulièrement impressionnants. Et l’animation permet des mouvements de caméra bluffants.

Cette technique est mise au service d’un scénario lesté de bons sentiments et agrémenté de cette petite touche d’humour qui nous met le sourire aux lèvres. Si l’on était grognon, si l’on avait perdu son âme d’enfant, on trouverait à redire devant cette surenchère : l’écologie, les valeurs familiales, l’amour maternel…. tout y passe. Mais, Hollywood a ce don, presqu’irritant, de promouvoir ces valeurs lourdingues avec une sensibilité à faire pleurer des pierres.

Seul bémol s’il fallait à tout prix en trouver un : la fin du film qui cumule deux défauts. [attention spoiler] Elle nous livre un combat manichéen et pyrotechnique comme on en a déjà trop vu et surtout, elle bégaie un peu (partira ? partira pas ? reviendra ? reviendra pas ?)

La bande-annonce

Voyage à Gaza ★★☆☆

Le jeune cinéaste franco-italien Piero Usberti a effectué deux séjours à Gaza en 2018. Il en a ramené un documentaire qui aurait ressemblé à un album de vacances si sa destination avait été plus touristique.

Piero Usberti est pro-palestinien et ne s’en cache pas. La Palestine a, selon lui, été victime d’une entreprise de colonisation condamnée par le droit international. Ses habitants en ont été chassés en 1948. Des centaines de milliers de réfugiés se sont amassés dans l’étroite bande de Gaza, transformée en prison à ciel ouvert. Israël au nord, l’Egypte au sud, en verrouillent la sortie. S’ils manifestent au pied du mur de séparation et défient les consignes de l’armée d’occupation, ils deviennent les cibles des snipers israéliens et peuvent tomber sous leurs balles comme le journaliste Yasser Mourtaja assassiné en avril 2018.
Les habitants de Gaza souffrent d’une autre oppression : celle qu’exerce le Hamas qui entrave leur liberté d’expression et voile les femmes.

C’est cette réalité qu’il décrit dans ce court documentaire (1h07 à peine) dont le montage a été achevé une semaine avant le 7 octobre 2023, les raids sanglants du Hamas en Israël et l’invasion israélienne de la bande de Gaza. On y voit un espace confiné, surpeuplé, une courte bande de terre coincée entre la mer et les barbelés (la bande de Gaza s’étire sur 40km de long et une dizaine de km de large). Les Gazaouis que Piero Usberti a rencontrés étouffent. Ils rêvent d’exil – et on apprendra à la fin du documentaire que la plupart de ceux qui témoignent ont réussi à partir en Italie, en Belgique, en Égypte.

Voyage à Gaza m’a fait penser à un autre film italien sorti fin décembre : Le Déluge. Un tel rapprochement peut sembler bien audacieux d’autant que les deux films n’ont rien à voir : l’un évoque les derniers mois de Louis XVI avant son exécution, l’autre le siège dont sont victimes les habitants de la bande de Gaza. Mais dans les deux cas sont évoqués des sujets hautement polémiques : l’exécution du Roi par les Révolutionnaires en 1793, l’impossible vivre-ensemble israélo-palestinien aujourd’hui. Les deux films prennent le parti du « faible », de l’opprimé : le Roi et sa famille emprisonnés dans des conditions indignes, les Gazaouis emprisonnés eux aussi dans des conditions presque aussi indignes. Ce parti pris déplaira à ceux qui estiment, à tort ou à raison, que la Révolution française ou le sionisme sont des entreprises politiques utiles et bénéfiques. Mais, il séduira ceux qui, acceptant de mettre de côté leurs préjugés, entendent se ranger du côté des plus faibles.

La bande-annonce

Dracula (1931) ★★★☆ / Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) ★★★☆

La sortie du Nosferatu de Robert Eggers – pour lequel j’ai eu la main lourde – a donné l’occasion à la Filmothèque du Quartier latin de reprogrammer les films mythiques qui l’avaient inspiré. On sait en effet – ou on ne sait pas – que le Nosferatu de Murnau, dont les films de Werner Herzog et de Robert Eggers sont des remake revendiqués, est une adaptation fidèle du roman de Bram Stoker écrit en 1897 dont le réalisateur allemand n’avait pas obtenu les droits en 1922 à la différence de Tod Browning en 1931 aux Etats-Unis.

Je n’ai pas eu le temps de retourner voir le chef d’oeuvre de Murnau – dont j’ai dit que le film de Eggers reprenait (trop) scrupuleusement le scénario. Mais le visionnage de ces deux autres films, presqu’aussi célèbres, montre que le reproche vaut pour tous les films qui se sont inspirés du roman de Bram Stoker.
Tous ont pour héros le même personnage terrifiant, le comte Dracula.
Tous lui donnent les mêmes caractéristiques. Ce vampire se nourrit du sang de ses victimes, dont il fait ses disciples fanatisés ; il vit dans un cercueil ; il peut emprunter la forme d’une chauve-souris ou d’un loup ; il fuit la lumière du jour ; son image ne se reflète pas dans les miroirs ; un crucifix, des hosties consacrées ou l’ail paralysent ses pouvoirs.
Tous respectent scrupuleusement l’histoire qui se déroule successivement dans deux lieux bien distincts. Le premier est le château de Dracula en Transylvanie où un jeune clerc de notaire est missionné par son cabinet pour y conclure une vente. L’approche du château du comte, la sourde oreille donnée aux avertissements des paysans, la première rencontre avec ce personnage terrifiant constituent à mon sens les parties les plus impressionnantes du film. Je trouve que le récit s’affadit quand l’action se transporte à Londres (Dracula) ou à Wismar (Nosferatu) après que Dracula y aura été emmené par bateau dans son cercueil, accompagné d’une nuée de rats qui contamineront la ville.

Si les ressemblances sont nombreuses, il existe aussi bien sûr entre ces quatre films des différences. Chacun est marqué par l’époque de son tournage. Les effets spéciaux du film de Tod Browning nous semblent aujourd’hui délicieusement artisanaux. Les couleurs du film de Werner Herzog rappellent le pire des années 70. Robert Eggers, pape autoproclamé de l’elevated horror y a retrouvé des thèmes et des images qui résonnent avec ses premiers films (The LighthouseThe Nothman).

La différence la plus marquante est le traitement du personnage principal. Bela Lugosi a immortalisé – si on ose dire – Dracula. Pourtant, à la revoir un siècle plus tard, on ne peut que trouver sa performance inutilement outrée. Venu du muet, l’acteur d’origine hongroise campe un monstre d’opérette, en frac et cravate blanche, aux mimiques caricaturales. Le parti pris par Murnau – et par Herzog et Eggers – après lui est très différent : Nosferatu n’a rien de l’élégance de Bela Lugosi. Vêtu de haillons, le crâne rasé, les ongles démesurément longs, il tient plus de Mr Hyde que de Dr Jekyll. Au point d’ailleurs de rendre peu crédible le dîner qu’il partage avec son hôte lorsqu’il l’accueille en Transylvanie.

Reste que Dracula constitue, depuis plus d’un siècle, un personnage d’anthologie, né de l’imagination fertile d’un romancier irlandais (mes amis de la Fondation irlandaise balaient d’un revers de main le fait qu’il ait vécu avant que l’Irlande devienne indépendante) et devenu, par la grâce du septième art, l’une des figures les plus emblématiques de l’imaginaire populaire.

La bande-annonce de « Dracula »
La bande-annonce de « Nosferatu, fantôme de la nuit »

My Sunshine ★★★☆

À Hakodate, au nord du Japon, Takuya est un jeune garçon timide, affligé d’un bégaiement pénalisant. Pour s’intégrer, il pratique les sports populaires parmi les garçons de son âge : le base-ball l’été et le hockey sur glace l’hiver venu. C’est à la patinoire qu’il fait la connaissance de Sakura, une jeune patineuse talentueuse. Le coach de Sakura est un ancien champion international qui s’est installé sur l’île d’Hokkaïdo par amour pour son conjoint. Il a l’idée d’apparier Takuya et Sakura pour les faire participer aux épreuves de couple du prochain championnat national.

Le jeune réalisateur Hiroshi Okuyama avait déjà retenu l’attention avec son premier film, Jésus, sorti en 2018. Projeté dans la section Un certain regard à Cannes le printemps dernier, My Sunshine a fait l’unanimité.

Il faut en effet lui reconnaître bien des qualités. Il s’agit d’une histoire originale, comme on a peu coutume d’en lire ou d’en voir. Elle est délicieusement éclairée par les rayons obliques d’une lumière hivernale qui inonde l’intérieur de la patinoire ou lèche les bords du lac gelé sur lequel les patineurs s’entraînent le temps d’une échappée hors de la ville. On pourrait la croire réservée aux passionnés de patinage artistique, un sport au kitsch revendiqué qu’il est de bon ton de tenir en piètre estime. Sans doute, les séquences de patinage sont-elles nombreuses et le Clair de Lune de Debussy ou la Valse hollandaise finissent-ils par nous sortir par les oreilles.

Mais l’essentiel n’est pas là. Il est dans le coup de foudre que ressent Takeya et dans l’amour pur qu’il voue à Sakura. Il est dans la délicatesse de l’enseignement que leur prodigue leur coach visant tout à la fois à les faire progresser dans leur discipline et à les faire grandir. Il est enfin dans l’épanouissement de ces trois personnages qu’un hiver à Hokkaido – un titre qui aurait peut-être mieux convenu que l’antithétique My Sunshine – aura fait évoluer.

En voyant la bande-annonce, je croyais avoir par avance anticipé les développements du scénario : je tenais pour acquis qu’au terme d’un long entraînement ardu, le jeune couple remporterait le championnat et partagerait son succès avec leur entraîneur chaudement récompensé de ses efforts. Il n’en est rien. Le scénario prend un chemin de traverse qui a le mérite de nous surprendre. J’en ai beaucoup aimé le plan final, qui laisse ouvert le champ des possibles.

La bande-annonce

Ernest Cole, photographe ★★☆☆

Issu d’une famille sud-africaine modeste, Ernest Cole (1940-1990) a documenté l’apartheid en Afrique du Sud avant de s’exiler aux Etats-Unis. C’est à New York que ce photographe naturaliste, héritier de Cartier-Bresson, publie en 1967 son unique album, parfois considéré comme l’un des plus marquants du XXe siècle : House of Bondage.

Ses héritiers ont demandé à Raoul Peck de lui consacrer un film, après avoir vu comment ce documentariste haïtien – qui fut l’éphémère ministre de la Culture de son pays en 1996/7 avant de prendre le chemin de l’exil – avait dans I Am Not Your Negro sublimé l’œuvre de James Baldwin. Ils lui ont offert en prime un bonus et une énigme : 60.000 négatifs laissés en dépôt dans une banque suédoise et découverts un quart de siècle après sa mort sans qu’on sache comment ils étaient arrivés là.

Raoul Peck ne force pas son talent pour raconter la vie en deux chapitres de ce photographe injustement méconnu. Le premier se déroule dans l’Afrique du Sud de l’apartheid ; le second dans l’Amérique de la ségrégation et du combat des Afro-Américains pour la reconnaissance de leur dignité. On y voit des photos d’Ernest Cole, parmi lesquelles beaucoup d’inédites retrouvées à Stockholm. On y entend la voix  off de Raoul Peck s’exprimant à la première personne en lieu et place d’Ernest Cole sans qu’on sache s’il s’agit d’extraits des carnets du photographe ou de réflexions que le documentariste lui prête.

À vingt-six ans à peine, Ernest Cole a fui l’Afrique du Sud. Il n’y est jamais revenu, sa nationalité lui ayant été retirée et ses demandes de visa rejetées. Loin de l’Eldorado qu’il avait fantasmé, les États-Unis des années 60 l’ont profondément déçu. Comme il le résume d’une phrase : « En Afrique du Sud, à cause de la couleur de ma peau, je craignais de me faire arrêter ; dans le Sud des États-Unis, je craignais de me faire tuer » Après avoir tant bien que mal vécu de son art pendant une quinzaine d’années, Ernest Cole s’est lentement enfoncé dans la misère et a fini sa vie SDF.

En prime de cette histoire en deux parties, Raoul Peck a hérité d’une postface : 60.000 négatifs mystérieusement retrouvés en Suède – où on apprendra qu’Ernest Cole a fait quelques séjours dans les années 70. On pense à Vivian Maier et à la célébrité posthume que la découverte de ses photos lui a valu. Mais hélas, cette histoire fait long feu : à ce jour, les circonstances du dépôt de ces négatifs et de leur conservation demeurent inconnues.

La bande-annonce

Planète B ★☆☆☆

En 2039, dans un futur dystopique, l’Etat a placé les citoyens sous une surveillance généralisée. La population bâillonnée vit dans la misère. Quelques activistes mènent des actions commando pour dénoncer cette dérive. Une militante, Julia Bombarth (Adèle Exarchopoulos), est arrêtée après la mort accidentelle d’un CRS. Elle est placée dans une prison virtuelle, Planète B, avec d’autres activistes. Une immigrée irakienne, Nour (Souheila Yacoub), dont le titre de séjour est sur le point d’expirer, trouve le moyen de s’introduire dans cet univers virtuel.

Planète B a reçu depuis sa sortie fin décembre des critiques cinglantes. Il a obtenu sur Allociné, une des plus mauvaises notes jamais données, tant de la presse que des spectateurs : « série B, voire Z mollassonne, au rendu cheap », « narration à deux de tension », « débilité du propos »… Si bien qu’au bout de deux semaines à peine, il a quasiment disparu des écrans, n’étant plus diffusé à des horaires improbables que dans une seule salle parisienne.

Certes Planète B n’est pas un chef d’oeuvre. Loin de là. Il manie à la truelle quelques thèmes rabâchés : le dérèglement climatique, la surveillance panoptique d’un État policier, la résistance citoyenne… Mais il ne mérite pas les horions que la critique lui a assénés. Entre le jeu vidéo, la SF et le thriller à rebondissements, Planète B se laisse gentiment regarder. Adèle Exarchopoulos assure le service minimal ; en revanche Souheila Yacoub, qui mettait le feu il y a quelques semaines à peine aux Femmes au balcon, y est presque aussi incandescente.

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Mon inséparable ★★☆☆

Mona (Laure Calamy) a tout sacrifié à l’éducation de son fils handicapé. Devenu adulte, employé dans une structure adaptée, Joël est tombé amoureux d’Océane, une jeune femme handicapée comme lui. Le couple entretient une liaison clandestine et attend bientôt un enfant. Sera-t-il capable de l’éduquer ? Quelle place aura Mona dans cette nouvelle vie ?

Mon inséparable pouvait légitimement inspirer deux réserves.
1. On peut se lasser de voir Laure Calamy interpréter encore, dans le jean moule-fesses qui ne la quitte pas, le même rôle de quadra débordée qu’elle a tenu dans la plupart de ses derniers films : Iris et les hommes, Les Cyclades, À plein temps… D’autant qu’elle est encore à l’affiche ces temps-ci dans un rôle très similaire d’ailleurs dans l’excellent Un ours dans le Jura.
2. On a vu se multiplier les films sur le handicap au point qu’ils constituent désormais un genre à part entière : après Intouchables et Hors normes, le succès-surprise de Un p’tit truc en plus laisse augurer la multiplication de films identiques jouant sur le même ressort.

Mon inséparable parvient remarquablement à éviter ce double écueil.
1. Quel que soit le degré de lassitude que peut inspirer l’omniprésence médiatique de Laure Calamy, l’honnêteté oblige à reconnaître qu’elle est une excellente actrice. Elle sait tout faire. Elle porte Mon inséparable à bout de bras. Elle y est de chaque plan. Totalement investie dans son rôle, elle le rend parfaitement crédible. Et, opinion totalement subjective, sa voix m’est irrésistible.
2. Mon inséparable ne se réduit pas à son thème : la sexualité des handicapés. La grossesse d’Océane et la question qu’elle pose (avortera ? avortera pas ?) aurait pu constituer le seul fil directeur du film. Mais la question est vite évacuée et le film prend une autre direction, guidée par une autre interrogation : comment le lien qu’on pensait indissoluble entre Mona et son fils évoluera-t-il ? Joël parviendra-t-il à s’assumer seul ? Mona, libérée de cette charge mais en même temps obligée de se sevrer de cette relation exclusive, saura-t-elle trouver un autre sens à sa vie ?

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Le Beau Rôle ★★★☆

À la scène comme à la ville, Henri (William Lebghil) et Nora (Vimala Pons) forment un couple fusionnel. L’amour du théâtre les a réunis : lui joue, elle met en scène. Leur dernière création, Ivanov de Tchekov, est en pleine répétition à la Comédie de Reims quand Henri décroche un rôle dans un film qui se tourne à Paris avec une star (Jérémie Laheurte). Leur couple y résistera-t-il ?

Pour utiliser un mot à la mode, Le Beau Rôle est une comédie du démariage, qui raconte l’explosion d’un couple. Mais qu’on se rassure, sans pour autant divulgâcher sa conclusion, Le Beau Rôle est aussi une comédie du remariage : on y verra peut-être – ou peut-être pas – nos deux amoureux renouer après avoir dépassé leurs différences et accepté de faire des compromis.

Mais avant d’en arriver là, Victor Rodendach, qui signe son premier film, mais possède une solide expérience dans l’écriture des scénarios de séries à succès (Platane, Les Grands, Dix pour Cent…), a le don d’agrémenter son récit avec bien des rebondissements auxquels on ne s’attendait pas. S’il avait suivi des rails plus paresseux, Le Beau Rôle aurait opposé la pureté de la geste théâtrale de Nora à la célébrité frelatée des plateaux de tournage parisiens de Henri. Mais il choisit une voix plus subtile et moins manichéenne, notamment dans le traitement du rôle de François (Jérémie Laheurte), moins uniment antipathique qu’on l’aurait pensé.

On est dans la comédie-doudou – comme l’écrit excellemment l’excellente Marie Sauvion pour Télérama – dans le feel good movie mais pas dans la comédie gnangnan ni dans la comédie ouin-ouin. Victor Rodendach nous donne à réfléchir à ce qui fait un couple, ce qui en construit la solidité, ce qui en menace la cohésion : des opinions différentes ? des parcours professionnels divergents ?

Le Beau Rôle est surtout servi par un couple d’acteurs épatants. William Lebghil fait beaucoup parler de lui ces temps-ci avec deux films qui sortent quasiment en même temps : Joli joli et ce Beau Rôle. Mais c’est surtout l’interprétation de Vimala Pons qui m’a enthousiasmé. On connaît depuis une quinzaine d’années environ cette actrice au prénom (indien) à nul autre pareil. On l’a vue chez Bruno Podalydès (Adieu Berthe, Comme un avion, Bécassine !) et dans les films joyeusement branques de la Nouvelle nouvelle vague  française (Betbeder, Peretjatko, Salvador). On la découvre ici dans un registre moins comique, plus grave que celui auquel elle nous avait habitué. Dans certains plans, comme dans une scène de dispute dans la voiture où sans un mot, son visage reflète toute une panoplie de sentiments, elle est sidérante de talent.

La bande-annonce