Première Affaire ★★☆☆

Nora (Noée Abita) vit encore chez ses parents et n’a jamais eu de relation amoureuse. Elle travaille auprès d’un brillant avocat d’affaires parisien (François Morel à contre-emploi) qui l’envoie sans préavis à Arras assister un client en garde à vue bientôt accusé d’homicide. Pour la jeune avocate, dont c’est la première affaire, le bizutage est rude : la culpabilité de son client, dont elle était pourtant convaincue de l’innocence, se révèle peu à peu tandis que Nora se rapproche dangereusement, au risque de violer la procédure, du brigadier de police (Anders Danielsen Lie) chargé de l’enquête.

On voit ces temps-ci se multiplier les films mettant en scène des jeunes femmes qui, à l’heure de basculer dans l’âge adulte, font brutalement le double apprentissage de la vie professionnelle et amoureuse : Rebecca Marder dans De grandes espérances, Louise Chevillotte (qui fait une apparition trop brève ici) dans Le Tableau volé, Ella Rumpf dans Le Théorème de Marguerite, Suzanne Jouannet dans La Voie royale, Anaïs Demoustier dans Alice et le Maire, Nadia Tersezkiewicz dans Les Amandiers, Alice Isaaz dans Vivants…. au point de constituer un nouveau sous-genre.

Première Affaire a le défaut de se rajouter à cette liste déjà longue qui risque de devenir un peu répétitive. Mais il le fait avec un talent qu’il faut lui reconnaître. Sa réussite doit beaucoup à son actrice principale, Noée Abita, découverte dans Slalom. Sa voix melliflue et sa mine boudeuse peuvent certes irriter ; elle n’en incarne pas moins à la perfection cette jeune femme qui peine à trouver sa voie.

Le problème de Première Affaire est de brasser beaucoup (trop) de sujets. Le principal, qu’annonce son affiche, est vite délaissé. Il était pourtant passionnant. Mais Première Affaire ne se focalise pas sur ce sujet là. Il en explore bien d’autres. Le premier, dont il se délestera là aussi trop vite est le pur polar : le jeune Jordan Blesy (Alexis Neises, plus neuneu que nécessaire) est-il coupable du crime dont on l’accuse ? Le deuxième est l’histoire d’amour qui se noue entre l’avocate (naïve) et le (beau) policier : la « première affaire » évoquée par le titre renvoie peut-être à cette première passion amoureuse à laquelle Nora risque de se brûler les ailes en y compromettant sa carrière. Enfin, troisième registre narratif, le film évoque la famille de Nora – avec une mention spéciale à sa mère interprétée par Saadia Bentaïeb en immigrée algérienne obligée de fuir son pays pendant la décennie noire – et sa difficulté à couper le cordon ombilical.

C’est beaucoup, c’est trop pour un film dont j’aurais aimé, déformation professionnelle oblige, qu’il se concentre sur son sujet principal : les dilemmes moraux posés à l’avocat, le soutien inconditionnel qu’il doit à son client, la répugnance à le défendre quand sa culpabilité ne fait guère de doute, les risques de le faire libérer alors qu’il constitue un danger pour la société….

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Border Line ★★☆☆

Diego est vénézuélien et urbaniste ; Elena est espagnole et danseuse. Ils quittent ensemble Barcelone pour Miami où ils ont décidé de s’installer et d’entamer une nouvelle vie. Leurs visas sont en règle. Pourtant, à l’escale de Newark, au moment de rentrer sur le territoire américain, le service de l’immigration les intercepte pour procéder à des « investigations complémentaires ».

Si vous avez déjà atterri aux Etats-Unis, peut-être avez-vous franchi la douane avec un frisson d’appréhension. Sans doute n’aviez-vous rien à vous reprocher et, dès lors, rien à craindre. Pour autant, les moyens impressionnants déployés, le manque d’amabilité des policiers, les questions aboyées dans un sabir incompréhensible, ajoutés à la fatigue du vol et du décalage horaire vous ont-ils mis mal à l’aise, voire vous ont-ils laissé craindre une détention arbitraire dans les sous-sols de JFK ou de LAX.

C’est sur ce sentiment-là, à la fois très commun et irrationnel, que Border Line prospère. Le titre original de ce film réalisé par deux Vénézuéliens installés en Espagne, qui disent s’être inspirés de témoignages réels, était La Llegada (l’arrivée) ou Upon Entry dans sa version internationale. Le titre français se veut polysémique même si on ne voit pas très bien lequel des personnages est atteint de troubles de la personnalité limite (borderline).

Je lis depuis quelques jours des critiques élogieuses, dans la presse et chez des amis : « huis clos aiguisé », « scénario diabolique », « petite pépite de suspense »…. Sans doute Border Line, qui a raflé plusieurs prix, notamment au festival international du film policier de Reims ou au festival Premiers Plans d’Angers n’a-t-il pas volé ces commentaires élogieux. C’est une belle mécanique de précision, aussi concise (soixante-dix-sept minutes à peine) qu’efficace.

Mais, la faute peut-être à ce bouche-à-oreille si dithyrambique, le film a été un chouïa en-dessous de mes attentes. J’ai trouvé en particulier qu’il usait et abusait d’un seul ressort répétitif – la toute-puissance que s’octroient les gardes-frontières les autorise aux questions les plus humiliantes – et qu’il était construit autour d’un enjeu finalement mal exploité : nos deux voyageurs ont peut-être plus à se reprocher qu’on ne l’aurait pensé si bien que l’agressivité des policiers n’est peut-être pas si disproportionnée qu’on l’aurait cru. J’escomptais plus de rebondissements d’un film qui finalement en compte fort peu.
Redoutant de trop en dire, je ne dirai rien de la dernière scène qui clôt magistralement ce huis clos oppressant.

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Le Déserteur ★★☆☆

Shlomi a dix-huit ans et accomplit son service militaire. Sans l’avoir vraiment prémédité, il déserte l’unité combattante dans laquelle il est engagé à Gaza pour revenir à Tel Aviv y dire adieu à sa copine qui émigre au Canada le lendemain.

Depuis les attaques du Hamas du 7 octobre et la guerre totale déclenchée à Gaza, ce film israélien, tourné par un jeune réalisateur qui ne cache rien de son hostilité viscérale à la politique menée par Benjamin Nétanyahou, prend un relief particulier.

Il témoigne d’abord de l’extraordinaire liberté d’expression qui prévaut en Israël : quel régime accepterait, en pleine guerre, un film dont le héros serait un déserteur ?

Il témoigne surtout d’une jeunesse prise en otage par une spirale guerrière qu’elle ne veut pas. Shlomi, incroyablement habité par le jeune acteur Ido Tako, n’est pas un militant pacifiste. C’est juste un fils, attaché à ses parents et à sa grand-mère, menacée par Alzheimer. C’est juste un gamin, amoureux de sa petite amie avec la folle déraison qui caractérise les gamins de cet âge. Il y a quelques pans cachés dans sa personnalité : il ne nourrit aucun projet professionnel, on ne lui voit pas d’amis. Ce personnage m’a déconcerté : il n’est pas tout entier défini par un trait de caractère comme le sont habituellement les héros hollywoodiens.

Le film, assez déroutant, repose sur un motif à la fois tragique et burlesque : Tsahal, persuadé que Shlomi a été kidnappé par le Hamas, lance une offensive de grande ampleur à Gaza pour le libérer. Aussi Shlomi se retrouve-t-il face à un dilemme : continuer à se cacher et laisser les combats faire rage ou se rendre et être sévèrement puni. J’ai eu peur un instant que le scénario faute de savoir se dépêtrer de cette alternative nous laisse en plan ; mais j’ai beaucoup aimé la manière astucieuse dont il s’en sort.

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Une affaire de principe ★☆☆☆

En 2012, le commissaire européen à la santé, le Maltais John Dalli (Bernard Campan), démissionne de son poste suite à la publication d’un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) l’accusant de trafic d’influence. Suspectant un coup fourré de l’industrie du tabac, l’eurodéputé José Bové (Bouli Lanners), aidé de son assistant parlementaire (Thomas Vdb) et d’une jeune stagiaire débrouillarde (Céleste Brunnquell) va mener l’enquête et révéler que Dalli, qui s’apprêtait à faire voter une directive imposant le paquet de tabac neutre, a été victime d’un piège.

Une affaire de principe est l’adaptation du livre publié en 2015 par José Bové au titre révélateur Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe. Pour autant, comme l’annonce le carton placé au début du film, si le film s’inspire de faits réels, les situations et les dialogues y ont été fictionnalisés.

Et c’est bien là que le bât blesse. Tout au long du film, aussi réussi soit-il, une voix lancinante me murmurait à l’oreille : le propos n’aurait-il pas été plus efficace s’il avait été tourné sous la forme d’un documentaire ? quelle est la valeur ajoutée d’une fiction ?

Car Une affaire de principe a le défaut rédhibitoire de la fiction, formatée pour la télévision (et coproduit par France 3) : il lui faut des personnages charismatiques, quitte à les inventer de toutes pièces, comme cette improbable stagiaire qui, avec son ordinateur et une photocopieuse, va de révélation en révélation, une intrigue rebondissante, avec des scènes rocambolesques, comme celle pendant laquelle José Bové prend connaissance d’un accord secret entre la Commission et l’industrie du tabac, et un scénario suffisamment lisible pour ne pas perdre en chemin les spectateurs ignorants des arcanes bruxellois, au risque, pour ceux qui les connaissent un peu, de quelques raccourcis simplistes.

L’autre reproche que j’adresserais à Une affaire de principe – et que j’adresserai également à ces « thrillers de bureau » ou techno-thrillers qu’on voit fleurir depuis quelque temps (L’Ivresse du pouvoir, La Fille de Brest, La Syndicaliste, Enquête sur un scandale d’Etat, Les Algues vertes…) – est de nourrir le soupçon complotiste du « tous pourris », de l’existence d’une foultitude d' »affaires d’Etat » fomentées par des dirigeants corrompus, encouragées par une technocratie aux ordres et ignorées par une justice dépassée. À quelques jours d’un scrutin qui flatte les populismes de tous bords, l’Europe et ses institutions méritent mieux.

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Agra ★☆☆☆

Guru a vingt-cinq ans. Tanguy malgré lui, il est coincé dans la maison familiale, entre son père, sa mère et sa tante – dont son père a fait sa seconde épouse au grand dam de la première. Il aimerait pouvoir gagner un peu d’indépendance en s’installant sur la terrasse ; mais une cousine l’a déjà préemptée qui souhaite en faire son cabinet dentaire. La seule solution pour Guru : se marier. Mais avec qui ?

Agra se déroule dans cette ville indienne surpeuplée située à deux heures de train de New Delhi, célèbre dans le monde entier pour le Taj Mahal. Hélas ou tant mieux, on n’en verra rien, dans ce film qui tourne le dos à la carte postale et qui reste tout entier concentré sur son sujet : la cohabitation forcée en Inde et les dégâts qu’elle cause.

Si le cinéma indien, loin des romances sucrées de Bollywood, est parfois zébré d’éclairs de violence, il reste toujours très chaste. Tel n’est pas le cas d’Agra qui n’a pas volé son interdiction aux moins de douze ans et l’avertissement qui l’accompagne. Les scènes de sexe, très crues, s’y succèdent, qui mettent en scène notre héros, érotomane pathologique, avec ses partenaires réelles ou fantasmées.

La maison où se pressent Guru et sa famille est une métaphore de l’Inde surpeuplée dont la cohabitation des habitants n’est pas toujours pacifique. Le jeune homme est représentatif des personnes de sa génération, tiraillées entre l’obéissance due aux aînés et le désir d’émancipation, le tout sur fond de frustration sexuelle qui s’épanche tant bien que mal grâce aux sites de rencontres et risquent parfois de dégénérer en violences sexuelles.

Le film est bizarrement construit, loin des standards auxquels le spectateur occidental est accoutumé. Il démarre très fort par une scène cauchemardesque qu’on n’est pas prêt d’oublier. Son scénario soulève des questions stimulantes : la maîtresse du père conspire-t-elle avec lui à l’éviction de la famille ? la femme que rencontre Guru accepte-t-elle uniquement de l’épouser par intérêt ? Et puis, bizarrement, il laisse ces questions en jachère, Agra se terminant en épingles à cheveux.

Agra vaut certes le détour par la vision originale qu’il donne de l’Inde, loin des images de carte postale ; mais son scénario est décevant qui nous plante au beau milieu sans répondre aux questions qu’il soulève.

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Enys Men ★★☆☆

Une botaniste s’est installée seule dans une île déserte pour y observer des plantes rares. Nous sommes au large de la Cornouaille, en avril 1973. Rien ne vient troubler la morne répétition des jours. Mais ce train-train quotidien se dérègle mystérieusement.

Enys Men, une expression cornique (!) signifiant l’île de pierre, est un film étonnant. Tourné en 2022, son action est censée se dérouler une cinquantaine d’années plus tôt. Il emprunte la forme et les codes des films des années 70 : le grain de l’image a été désaturé et sa pigmentation volontairement altérée pour donner au spectateur l’illusion de redécouvrir en ciné-club un vieux film dégradé.

Enys Men utilise les codes du folk horror, un sous-genre du film d’épouvante dont l’action se déroule dans des communautés reculées aux mœurs mystérieuses. Les titres les plus emblématiques de ce genre sont The Wicker Man et, plus récemment, Midsommar, mon film préféré de 2019.

Enys Men n’est pas à proprement parler un film d’horreur. Il ne contient aucune scène horrifique. Mais y règne tout du long un climat inquiétant. Son héroïne et le spectateur avec elle pressentent quelque chose. Mais quoi ? Des figures fantomatiques surgissent : une jeune fille suicidaire, des sorcières en plein sabbat autour d’une mystérieuse formation géologique (ou bien s’agit-il d’une pierre dressée préhistorique ?), des mineurs couverts de suie revenus du passé… Le temps se dérègle. Les plantes connaissent de déconcertantes mutations que semble vivre en même temps le corps de l’héroïne, qui se couvre d’un douteux lichen.

Enys Men est une expérience déconcertante. Car si on pressent quelque chose, rien ne s’y passe sinon dans notre inconscient. Il faut accepter de lâcher prise et se laisser prendre à ce jeu hypnotisant. SInon on court le risque de trouver le temps long. Très long.

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Smoke Sauna Sisterhood ★☆☆☆

Une petite cabane isolée au cœur de la forêt, au bord d’un lac minuscule. C’est un sauna à fumée au fin fond de l’Estonie. Les femmes s’y retrouvent, hiver comme été, à l’abri du regard des hommes. Elles s’y lavent, s’y soignent, s’y détendent. Elles y parlent aussi.

Anna Hints pénètre dans un sauna. C’est une ancienne tradition fennique, qui tient tout à la fois de coutume de sociabilité et de rituel chamanique de purification. Elle a su conquérir la confiance de ses habituées et recueillir leur parole.

Smoke Sauna Sisterhood est un documentaire d’une infinie retenue. Les corps y sont nus, luisants de sueur. Mais le regard que la réalisatrice porte sur eux, toujours bienveillant, ménage leur pudeur et cache leur visage si elles n’ont pas accepté de le montrer.

La même retenue préside au recueil de la parole. Des confidences sont échangées. Les femmes y parlent d’elles, de leur corps, de leur enfance, de la maternité, de la maladie, de la mort qui vient. Dans un long monologue poignant, une femme raconte le double viol qu’elle a subi dans sa jeunesse.

Smoke Sauna Sisterhood est aux antipodes de la publicité pour l’inscription du sauna à fumée au patrimoine de l’Unesco que son sujet aurait pu laisser craindre. C’est plutôt, comme son titre d’ailleurs l’annonce, un documentaire sur la sororité – où l’on ne verra pas l’ombre d’un mâle.

Primé au festival de Sundance, Smoke Sauna Sisterhood a néanmoins le défaut de ses qualités. Il est tout entier contenu dans son dispositif : la caméra ne quitte jamais les quatre murs du sauna, sinon pour plonger dans le petit lac mitoyen, et enchaîne à la file des monologues vite monotones. Il devient vite soporifique, même s’il a l’élégance de ne pas dépasser les quatre-vingt-dix minutes.

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Sans cœur ★☆☆☆

C’est l’été dans le Nordeste brésilien à la fin des années 90. Tamara, qui bientôt partira à Brasilia suivre des études d’architecture, et son frère aîné Vitinho traînent avec une bande d’adolescents de leur âge au bord de la plage. Une autre adolescente gravite en marge du groupe, d’un milieu modeste, qui circule à vélo et vend le poisson pêché par son père. Une cicatrice lui barre le thorax. La rumeur l’a surnommée « sans cœur ».

Sans cœur est un film estival dont les distributeurs français ont eu la bonne idée de repousser la sortie, initialement prévue en octobre, au début du printemps, avec les premiers beaux jours. C’est un film ensoleillé, lumineux, sensuel, tourné au bord d’une plage immense, sous l’ombre rare des palmiers, à deux pas d’un complexe hôtelier abandonné dont les adolescents ont fait leur territoire.

Sans cœur est un coming-of-age movie, un film sur la sortie de l’adolescence et l’entrée dans l’âge adulte. Son héroïne, la jeune et timide Tamara, à laquelle on donne quelques années de moins que son âge, y découvre son attirance pour les filles au contact de la mystérieuse « sans cœur ».

Cette histoire-là n’a rien de bien novateur. Et la façon dont elle est filmée et racontée non plus.

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Marin des montagnes ★★☆☆

Le réalisateur Karim Aïnouz (Madame Sata, La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, Le Jeu de la reine) est né d’une mère brésilienne et d’un père algérien qui se sont rencontrés aux Etats-Unis au mitan des années 60. Ils y étaient venus l’un et l’autre poursuivre leurs études supérieures. Après sa conception, sa mère enceinte est revenue au Brésil à Fortaleza, où le jeune Karim a grandi tandis que son père est retourné en Algérie pour participer à la construction de son pays nouvellement indépendant. Karim a entretenu avec ce père absent des relations épisodiques. En 2019, après la mort de sa mère, il entreprend son premier voyage en Kabylie sur ses traces.

Marin des montagnes est l’autobiographie d’un retour au pays natal. Ou plutôt – car il est impropre de parler d’un retour dans un pays où on n’est jamais allé – une enquête menée par le réalisateur au pays de son père.

Ce qui frappe d’abord, ce sont les images de l’Algérie et de la Kabylie, volées par une caméra cachée, alors que le pays est sur le point d’exploser avec l’Hirak. L’Algérie est étouffée par son histoire post-coloniale, par un gouvernement incapable d’offrir à sa jeunesse un emploi et un espoir, par les frustrations que suscite un Occident opulent qui le nargue de l’autre côté de la Méditerranée.

Mais Marin des montagnes ne se réduit pas à un album touristique. C’est surtout le journal intime d’un homme à la recherche de ses racines. Les vues d’Algérie sont montées alternativement avec des photos d’archives de ses parents, jeunes et beaux, comme on l’était dans les années 60. Karim Aïnouz reste très pudique sur leur couple : sa conception était-elle désirée ? pourquoi le couple s’est-il séparé ? son père a-t-il réclamé à sa mère sa garde ? On n’en saura rien.

Marin des montagnes devient vertigineux quand Karim Aïnouz, au terme d’une longue route, atteint le village de son père et de ses aïeux. Il y rencontre ses cousins. Il y imagine un instant la vie qui aurait été la sienne s’il avait grandi ici. Aurait-il vécu les mêmes expériences ? aurait-il eu les mêmes opportunités ? serait-il devenu celui qu’il est aujourd’hui ? se serait-il dans ce cas alors rendu à Fortaleza pour y imaginer la vie qu’il aurait vécue s’il y avait été élevé par sa mère ?

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Il pleut dans la maison ★☆☆☆

Makenzy, quinze ans, et Purdey, de deux ans son aînée, sont frère et sœur. Laissés à eux-mêmes par une mère alcoolique, dans une maison qui tombe lentement en ruines, ils n’ont d’autre alternative que de s’assumer. Makenzy s’est acoquiné avec un autre adolescent de son âge, Donovan, et commet avec lui de menus larcins. Purdey a trouvé un job d’été dans une résidence hôtelière et rêve d’indépendance à l’approche de sa majorité.

Il pleut dans la maison m’a évoqué Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018. J’y ai retrouvé la même ambiance estivale, les mêmes bords de lac balnéaires (dans les Vosges pour Nicolas Mathieu, dans le Hainaut pour ce premier film d’une jeune réalisatrice belge) et surtout la description d’une même jeunesse blanche désœuvrée de la France périphérique, loin de celle des banlieues si souvent et si caricaturalement filmées.

J’aime les films estivaux. Ils ont un parfum immédiatement reconnaissable. Ils sentent l’ambre solaire, la sueur, le sel ou le chlore : La Piscine, L’Eté meurtrier, L’Eté en pente douce, L’Année des méduses… J’aime aussi ces héros adolescents qui sortent de l’enfance pour entrer dans l’âge adulte, de La Fureur de vivre à Bande de filles en passant par Bonjour Tristesse, Les Quatre Cents coups, Le Péril jeune ou Les Roseaux sauvages.

Le premier film de cette réalisatrice belge, qui fait tourner son neveu et sa nièce, avait donc tout pour me plaire, jusqu’à son naturalisme revendiqué : les deux acteurs, demi-frère et demi-sœur dans la vraie vie, y jouent sous leur propre prénom. Le problème est que rien ne s’y passe. Le scénario, soit par paresse, soit par parti-pris, ne raconte rien. Le film commence, le film s’achève après une heure vingt à peine sans avoir vraiment commencé, comme si sa mise en route avait été trop longtemps retardée. Entre ces deux points, rien ne se tend ; pas le début d’une intrigue ne se noue, sinon celle vite expédiée de l’agression commise par Makenzy, sous le coup de la haine de classe, contre un gamin plus nanti que lui.

On aurait aimé aimer Il pleut dans la maison ; mais encore eût-il fallu qu’Il pleut dans la maison nous donne des raisons de l’aimer.

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