La Source ★☆☆☆

Deux frères tunisiens, Mehdi et Amine, partent s’enrôler en Syrie dans les rangs de Daech. Leurs parents, Aicha et Brahim, de modestes pêcheurs, en sont désespérés. Quelque temps plus tard, Mehdi revient sans son frère. Une mystérieuse jeune femme, Reem, entièrement voilée, l’accompagne. Aicha décide de les cacher de la police qui pourrait les arrêter.

Deux films tunisiens récents ont évoqué le départ en Syrie de jeunes recrues et le vide qu’il laissait chez leurs parents, rongés par la culpabilité : Mon cher enfant et Les Filles d’Olfa. J’espérais que ce troisième soit aussi percutant que les deux premiers. Sa bande-annonce m’avait intrigué. J’ai hélas été fort déçu.

La jeune réalisatrice Meryam Joobeur, dont c’est le premier long, prend le parti de la stylisation. Stylisation de l’image, avec une palette de couleurs froides (on se croirait plus sur une lande bretonne que sur les rivages de la Méditerranée) brutalement illuminées par le fuchsia des vêtures. Avec une caméra qui filme les personnages au plus près, laissant les arrière-plans dans le flou. Stylisation d’un récit dont on comprend (mais suis-je sûr d’avoir bien compris ?) qu’il emprunte plus au conte voire au récit fantastique qu’au documentaire ou au thriller comme son résumé  le laissait à tort augurer.

Le problème de ces partis pris, de cette caméra myope, de ce récit à trous, est qu’ils laissent bien des zones d’ombre. On me rétorquera qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un défaut. Dont acte. Pour autant ici, après une moitié de film où l’on accepte de se laisser envoûter, le pacte implicite noué entre le spectateur et le réalisateur se dissout progressivement. Quand l’intrigue se dénoue, quand on comprend qui est Reem et comment sont morts les disparus qui mettent au défi Bilal le policier (on reconnaît Adam Bessa, premier rôle des Fantômes et de Harka), près de deux heures se sont écoulées et la patience du spectateur est à bout.

La bande-annonce

Un ours dans le Jura ★★★☆

Michel (Franck Dubosc) et Cathy (Laure Calamy) exploitent bon an mal an une sapinière dans une forêt reculée du Jura avec leur fils Doudou (Timéo Mahaut, l’autre révélation des Pires). Alors que jamais on n’en avait croisé dans ce massif, un ours provoque un accident de la circulation. Michel en sort indemne ; mais les deux passagers d’une BMW sont tués. Le coffre de leur berline contient un sac de voyage rempli de billets de banque. Michel et Cathy, en indélicatesse avec leurs créanciers, décident de s’approprier le pactole à sept chiffres.

Franck Dubosc change de registre. L’humoriste, tête d’affiche de Camping 1, 2 et 3, opte pour sa troisième réalisation pour la comédie noire façon Fargo. S’il joue l’un des rôles principaux, il sait s’effacer derrière ses partenaires et joue avec une retenue à laquelle ses rôles de macho bronzé en maillot de bain ne nous avaient pas habitués.

L’histoire est réjouissante à condition d’accepter son manque de crédibilité. Si le film dure près de deux heures, on ne regarde pas sa montre une seule fois. Mais ses péripéties (trop ?) nombreuses ne sont pas le principal atout du film. Elles ne sont, comme dans Fargo, qu’un prétexte pour mettre en scène des personnages dont la balourdise apparente cache plus de finesse qu’on ne le pensait.

À ce titre, c’est Benoît Poelvoorde qui tire le mieux son épingle du jeu. Dans le rôle d’un major de gendarmerie en pleine déconfiture (sa femme l’a quitté pour son dentiste et sa fille, en année de césure après le bac, fait son désespoir), c’est à lui qu’incombe de mener l’enquête sur les cadavres qui s’accumulent – au point, dit-il malicieusement, qu’on en comptera bientôt plus que d’habitants dans cette petite commune du Haut-Jura. Laure Calamy, qu’on a beaucoup vue au risque de se huppertiser (et qu’on a vue pas plus tard que la semaine dernière dans Mon inséparable), est un diapason en-dessous. Ses meilleures répliques se trouvent quasiment toutes dans la bande-annonce.

Délicieusement amoral, plein de rebondissements, Un ours dans le Jura tient ses promesses : des acteurs bien dirigés (un coup de chapeau à Joséphine de Meaux en gendarmette empathique), des paysages enneigés, un suspens prenant, des situations désopilantes… Un cocktail réussi pour bien commencer l’année !
[En revanche, cette critique est écrite avec les pieds : il me faut un litre de café et deux Advil pour commencer l’année d’un bon pied]

La bande-annonce