L’amour c’est mieux que la vie ☆☆☆☆

Gérard (Darmon) se meurt d’un méchant cancer du poumon. Ses amis, Ary (Bittan) et Philippe (Lellouche), souhaitent adoucir ses derniers moments en lui offrant une ultime histoire d’amour. Ils contactent Sandrine (Bonnaire), la patronne d’une agence d’escorts qui, n’écoutant que son cœur, décide de s’atteler en personne à la tâche.

À quatre-vingt quatre ans, Claude Lelouch tourne son cinquantième film. Son titre pourrait être issu d’une intelligence artificielle qui aurait mélangé les mots des titres de ces films précédents. Elle aurait d’ailleurs également proposé : « L’aventure de l’amour de la vie » ou encore « La vie sans amour n’est pas une vie » ou encore « Un homme et une femme vivent l’amour de leur vie ».

Le film lui-même, son scénario, sa réalisation, sa direction d’acteurs auraient pu tout autant être issus de la même intelligence artificielle à laquelle on aurait donné à analyser les quarante-neuf précédents films du réalisateur tant on y retrouve, sans une once de nouveautés, les mêmes recettes éculées. Comme toujours, Lelouch prend prétexte du tournage d’un film pour réunir sa bande de copains. Il aurait aimé, aux frais de la production, faire le tour du monde. Le Covid l’a obligé à se claquemurer à Paris. Qu’importe ! Il prendra ses quartiers dans une luxueuse maison à Montmartre, louera un bateau mouche et, comme dans chacun de ses films, se croira obligé d’accompagner un scénario indigent d’un numéro de music-hall cacophonique.

Ses acteurs sont en roue libre. On les voit placer les deux lignes de texte qu’on leur a confiées et tenter, le reste de la prise, toujours un peu trop étirée, d’improviser tant bien que mal. Lelouch réussit même à rendre Sandrine Bonnaire, toujours si juste, mauvaise. C’est dire !

Il ressasse ad nauseam la même philosophie à deux balles qu’on croirait tout droit tirée d’un manuel de développement personnel : la vie est courte…. mais elle est belle…. et elle vaut d’être vécue à condition de la vivre en aimant. Soit ! Je me souviens que ces films-là – et ses idées là – m’enthousiasmaient quand j’étais jeune. J’avais adoré Les Uns et les Autres. J’avais adoré Itinéraire d’un enfant gâté. J’ai même ici défendu Chacun sa vie sorti en 2017 en écrivant avec emphase : « J’avoue un penchant coupable pour les films de Claude Lelouch. J’en aime l’énergie débordante, le romantisme échevelé, le rythme endiablé, les intrigues polyphoniques, la musique envahissante, les dérapages pas toujours contrôlés. J’ai pour eux une indulgence excessive qui me conduit fidèlement à les voir à leur sortie au cinéma alors que les spectateurs les boudent et la critique les ignore. »

Mais aujourd’hui, la coupe est pleine. Elle a débordé durant la scène où Gérard explique à Sandrine que les hommes aiment les putes, qui sont beaucoup moins compliquées que les femmes ordinaires. Des propos qu’on n’aurait pas imaginé entendre encore, sans rire, à l’ère post #MeToo.

L’amour c’est mieux que la vie est le film de trop. Est-ce le dernier ? Non. Il se présente le premier d’une trilogie. Espérons que les deux suivants le rachètent et offrent à Lelouch une sortie moins caricaturale.

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Introduction ☆☆☆☆

Introduction, si on l’a bien compris, raconte trois épisodes de la vie de Youngho, un grand dadais d’une vingtaine d’années. Le premier le voit à la rencontre de son père, dans son cabinet médical, où celui-ci reçoit pour une séance d’acupuncture un acteur célèbre qui va  convaincre Youngho de tenter sa chance au cinéma. Le deuxième le croise en Allemagne où il a suivi Juwon, sa fiancée. Le dernier le retrouve dans une station balnéaire coréenne où sa mère déjeune en compagnie de l’acteur du premier tableau.

Avec je-ne-sais-quel masochisme, je vais voir tous les films de Hong Sangsoo. Malheureusement pour moi, le maître coréen est prolixe : Introduction est son seizième film  en dix ans à peine. Et à chaque fois, je vis les mêmes expériences : celle, frustrante, de ne rien comprendre à un cinéma qui me passe au-dessus de la tête, celle, rageante, de m’être encore une fois fait rouler dans la farine par un réalisateur dont le minimalisme attire selon moi des louanges imméritées.

Tous les films de Hong Sangsoo se ressemblent. Celui-ci reprend les mêmes personnages, les mêmes situations, les mêmes procédés que les précédents dont j’ai déjà eu moult fois l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais : La femme qui s’est enfuie, Hotel by the River, Grass, La Caméra de Claire, Seule sur la plage la nuit, Le Jour d’après, Yourself and Yours, etc.

Comme dans tous les films de Hong Sangsoo, on retrouve des acteurs qui déambulent dans une ville ou sur les bords d’une plage en dissertant sur le sens de la vie. Comme dans tous ses précédents films, on voit en étouffant un bâillement des scènes interminables, d’une dizaine de minutes chacune, filmées dans un noir et blanc laiteux à grands coups de zoom avant ou arrière. Elles se succèdent brutalement sans qu’on comprenne les liens qui les unissent ni même leur chronologie. J’apprends, en lisant les commentaires sous Introduction, qu’il contient une scène onirique. J’avoue humblement ne pas savoir de laquelle il s’agit.

Les critiques pâmés invoquent les mânes de Rohmer là où je ne vois que prétention, pose, vide et ennui. Je n’ai trouvé dans ce film qu’une seule qualité : sa brièveté (soixante-six minutes à peine), aveu tacite peut-être que le réalisateur n’avait rien d’autre à raconter. Le titre, passablement incompréhensible, du dernier film de Hong Sangsoo annonce hélas qu’il y en aura d’autres. Irai-je les voir encore ?

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Adieu Paris ☆☆☆☆

Une bande de huit vieux copains, stars de la chanson, du cinéma, du théâtre, du monde de l’art, se retrouve chaque année pour un déjeuner à La Closerie des lilas.

Aimez-vous Édouard Baer, son humour décapant, son charme désopilant, son dandysme mélancolique ? Si oui, courez voir Adieu Paris ! Vous allez adorer ! D’ailleurs la salle comble où j’ai vu Adieu Paris en avant-première lundi soir était tout entière acquise à sa cause. Édouard Baer en personne y présentait son dernier film, entouré de la quasi-totalité de ses acteurs (Pierre Arditi et Gérard Depardieu manquaient quand même à l’appel). En roues libres, avec Benoît Poelvoorde, il a sorti quelques vannes. Certaines, pleines de répartie, étaient drôles, d’autres moins.

Tel est le problème d’Adieu Paris, qui n’est rien d’autre qu’un long tunnel de situations et de bons mots, plus ou moins réussis, plus ou moins drôles.
Son sujet laisse perplexe. Huit anciennes gloires y sont réunies : on reconnaît (ou pas) Pierre Arditi, Daniel Prévost, Bernard Le Coq, Bernard Murat et, bizarrement, François Damiens dont on se demande ce qu’il est venu faire dans ce cénacle de vieux septuagénaires. Jouent-ils leurs vrais personnages sous leur vrai nom ? Non. Bernard Le Coq est une star déchue de la chanson, François Damiens une valeur montante de l’art conceptuel. Quant à Benoît Poelvoorde, qui joue un comédien de stand-up prénommé Benoît, il joue sans succès l’incruste au comptoir du bar adjacent.

Édouard Baer – qui arrive avec trois quarts d’heure de retard et s’abstiendra finalement de passer à table – a-t-il voulu signer un film nostalgique sur le temps qui passe, sur la célébrité qui se fane, sur la mort qui vient ? A-t-il voulu croquer avec causticité les derniers feux de stars vieillissantes empêtrées dans leurs petits défauts, dans leurs petites mesquineries ?

Rien n’est drôle dans ce film paresseux. Rien n’est touchant sinon peut-être le personnage de Jackie Berroyer frappé par un Alzheimer qui n’a pas encore dit son nom mais qui montre déjà, dans les absences de son personnage, son macabre visage.

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Vitalina Varela ☆☆☆☆

Vitalina Varela est Cap-Verdienne. Son mari, Joaquim, l’a quittée pour aller vivre et travailler au Portugal. Elle est restée sans nouvelles de lui pendant vingt-cinq ans avant de débarquer à Lisbonne, la cinquantaine déjà bien entamée, pieds nus, au lendemain de ses obsèques. Elle hérite d’un logement minuscule et insalubre.

Le jury du festival de Locarno – qui lui a décerné le Léopard d’or en 2019 – et les critiques des Cahiers du Cinéma, du Monde, des Inrocks et de Libération sont unanimes : le dernier film de Pedro Costa, vétéran du cinéma portugais est un chef d’oeuvre. Et de vanter sa « picturalité flamboyante », sa « fondamentalité » (sic), son « bovarysme inversé » (?????), sa « description ciselée de la misère ». Et de s’ébaubir devant « une oeuvre de feu et de froid » (thermostat mal réglé ?), un « oppressant théâtre d’ombres où errent quelques fantômes désespérés », un « miroir lethéen d’eau croupie » (problème d’évacuation ?), « un ballet d’ombres imprégnées sur le béton fêlé de la migration ».

Je n’ai hélas pas autant de sensibilité qu’eux. Je me suis solidement ennuyé devant ce film de plus de deux heures qui en compte au moins une de trop. Pendant les premières minutes, j’ai essayé d’admirer ces longs plans fixes, ces clairs-obscurs éclairés à la chandelle censés exalter la misère des taudis pouilleux du ghetto de Cova da Moura près de Lisbonne. J’ai essayé de laisser sourdre l’émotion suscitée par Vitalina, par sa rage rentrée devant sa vie gâchée, par sa colère, par ses regrets. Mais j’ai bien vite versé dans un ennui sans retour devant ce film quasiment muet, à peine entrecoupé de rares monologues prononcés d’une voix d’outre-tombe.

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Au commencement ☆☆☆☆

Yana est l’épouse aimante d’Alex, chef d’une communauté jéhoviste dans un bourg perdu de la campagne géorgienne. Après que la salle du Royaume a été détruite par un incendie criminel, Alex va à la ville demander justice et y recueillir les fonds pour construire une nouvelle salle. Pendant ce temps, Yana, restée seule, reçoit la visite d’un inquiétant officier de police.

Disons-le tout net : Au commencement est un film qui laisse une trace profonde. Une trace d’autant plus profonde que je l’ai vu dans une immense salle de cinéma déserte dont j’étais quasiment le seul spectateur.

Au commencement fait le pari revendiqué d’une radicalité absolue.

Radicalité absolue dans la forme : la jeune cinéaste géorgienne Dea Kulumbegashvili filme en longs plans fixes, sans contrechamps, avec des éclairages parfois déconcertants (certains plans rappellent des maîtres flamands, d’autres laissent augurer une panne de générateur). On pense à Apichatpong Weerasethakul – dont le dernier Memoria  n’a laissé de me déconcerter – à Carlos Reygadas – qui coproduit Au commencement – à Lav Diaz – le cinéaste philippin de l’immobilité dont les courts métrages dépassent les trois heures – aux lents travelings en noir et blanc de Pema Tedsen sur les hauts plateaux tibétains…. Cette austérité culmine au mitan du film dans un plan immobile de six minutes du visage de l’héroïne couchée dans la forêt. Geste transgressif brûlant d’audace ? Ou fumisterie tape-à-l’oeil d’un chef opérateur qui a perdu son clap de fin ?

Radicalité absolue dans le sujet traité qui ne s’éclairera très tardivement ainsi que le titre du film (dont, pour être honnête, je ne suis pas absolument certain d’avoir compris le sens) – même si la lecture du passage de la Bible dans la première scène pouvait mettre la puce à l’oreille. Au commencement donne à voir un film sur le patriarcat, sur la corruption du régime, sur l’intolérance religieuse. Une scène particulièrement dérangeante, qui rappelle le Haneke de la grande époque, oblige Yana à s’humilier devant un officier de police pervers. Mais le pire reste encore à venir : d’abord dans un long plan fixe silencieux, censé se dérouler en pleine nuit au bord d’une rivière, puis à la fin de ses deux heures, plus deviné que vu, le drame qui donne tout son sens au film (ou pas). C’est à Lars von Trier qu’on pense alors et aux outrances déchirantes de Breaking the Waves.

Le paradoxe de Au commencement que j’ai détesté de bout en bout est qu’il m’a conduit pour en faire la critique à convoquer nombre de grands réalisateurs – et j’aurais pu mentionner Dreyer, Bergman, Tarkovski, Malick…. C’est la preuve de son intérêt sinon de sa qualité et c’est la raison de son succès aux festivals de Cannes, de Toronto et de Saint Sébastien (où il a emporté la Coquille d’or du meilleur film, la Coquille d’argent du meilleur réalisateur et la Coquille d’argent de la meilleure actrice).

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Matrix Ressurections ☆☆☆☆

De nos jours, à San Francisco, Thomas Anderson (Keanu Reeves) est un développeur de jeu vidéos anonyme. Vingt ans plus tôt, il a créé le jeu Matrix qui remporta un vif succès. On lui demande d’en concevoir la suite. Thomas suit une analyse pour comprendre les réminiscences qui l’assaillent. Dans un café il fait la connaissance de Tiffany (Carrie-Anne Moss) qu’il a aussitôt le sentiment d’avoir déjà rencontrée.
Thomas Anderson est en fait la réincarnation de Neo, le héros qui sacrifia sa vie pour sauver l’humanité à la fin de Matrix 3. Prisonnier de la Matrix, cette réalité virtuelle qui copie à s’y méprendre la réalité, dans laquelle les humains ont été replongés par les machines, Thomas est retrouvé par Bugs, une jeune combattante, puis par Morpheus qui lui proposent de retrouver Trinity et de reprendre le combat.

Voilà dix-huit ans qu’on attendait la suite de Matrix …. ou plutôt qu’on ne l’attendait pas, la trilogie futuriste se terminant par la mort de son héros et par l’assurance de ses deux réalisateurs, les frères Wachowski, qu’elle n’en aurait pas.
Voici donc cette suite – ou ce reboot – avec une curieux assemblage d’anciens acteurs (à commencer bien sûr par Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss qui ont pourtant allègrement dépassé la cinquantaine et qu’on voudrait nous faire croire qu’ils ont vingt ans de moins) et de nouveaux dans le rôle d’anciens (Lawrence Fishburne a été remplacé par Yahya Abdul-Mateen, Hugo Weaving par Jonathan Groff sans qu’on sache avec certitude si c’est faute d’accord sur leur cachet ou pour des motifs inhérents à la logique de l’intrigue).

Je l’ai vu hier en « avant-première » dans une salle quasi-comble. « Avant-première » : l’expression est prétentieuse car il s’agissait pour la plupart des cinémas qui le programmait ce mercredi d’en avancer la sortie de quelques heures au mardi soir. Dans la salle, à ma grande surprise, j’étais quasiment le plus vieux spectateur. Je calculais vainement : ces post-adolescents assis à côté de moi étaient-ils en âge d’avoir vu les premiers Matrix au cinéma ? certainement pas ! Ils étaient à peine nés. Mais ils les ont vus – et peut-être revus – en DVD et en ont certainement gardé un souvenir beaucoup plus frais que moi.

Je me souvenais certes – sans en avoir jamais été pour autant un inconditionnel afficionado – de Matrix, de ses innovations visuelles (ah ! l’effet bullet time, tellement copié qu’il en est devenu éculé) et de la thèse dans l’air du temps qu’il défendait alors (rarement un blockbuster fit-il l’objet de tant d’exégèses philosophiques) : nous vivons dans une illusion algorithmique forgée par les intelligences artificielles que nous avons créées mais qui nous ont dépassés. La messe me semblait dite et je ne voyais pas très bien ce qu’un nouvel épisode y rajouterait.
2h28 d’interminables pyrotechnies plus tard, je n’étais guère plus convaincu. Matrix 4 tourne en rond et se mord la queue (fine allusion au chat du psychanalyste) sans rien apporter ni rien démontrer, sinon que l’amour est plus fort que la mort (sic).

Je n’ai pas compris grand-chose à ce Matrix 4. La raison en est d’abord que le film est passablement incompréhensible.  C’est à se demander d’ailleurs si l’inintelligibilité n’est pas devenue un objectif en soi (voilà que je m’exprime comme un vieux réac !), les blockbusters trop faciles à comprendre étant ipso facto déconsidérés. La raison en est ensuite et surtout qu’il n’est pas destiné à un quinquagénaire ramolli qui a vu à leur sortie en 1999 et en 2003 les trois premiers épisodes et n’en a gardé qu’un souvenir très flou. Il est destiné à tous ces geeks de la génération Y ou Z qui regardent Matrix devant leurs ordinateurs et en regarderont bientôt – ou piratent peut-être déjà – le quatrième épisode dans la foulée des trois premiers. Dans ce contexte là, l’intrigue deviendra beaucoup plus compréhensible et les clins d’oeil beaucoup plus savoureux.

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Suprêmes ☆☆☆☆

Nous sommes à la fin des années 80, dans les cités du 9-3. Le rap vient d’arriver en France. Didier et son ami Bruno, deux graffeurs, écrivent des textes qui expriment leur colère et leur mal-être ; leur ami Franck les met en musique. Un groupe se crée. Il s’appellera Supreme NTM. Didier, Bruno et Franck prennent des noms de scène : ce sera JoeyStarr, Kool Shen et DJ S. Un manager prendra le destin du groupe en main ; un autre les fera signer chez Sony où ils sortiront leur premier album en 1991.

Jeune réalisatrice engagée, qui filme les banlieues depuis Regarde-moi en 2008, Audrey Estrougo s’est lancée un défi de taille : raconter, sans les trahir, les débuts du rap français et de son groupe le plus emblématique. Elle relève le défi haut la main grâce à une reconstitution soignée de l’époque (dont on peine à admettre qu’elle a déjà plus de trente ans alors qu’elle nous semble à nous, vieux quinquagénaires, si proche) et grâce à l’interprétation impeccable de deux jeunes acteurs prodigieux de talent : Théo Christine dans le rôle de JoeyStarr et Sandro Funtek dans celui de Kool Shen. Bizarrement, sur l’affiche, le second me semble ressembler plus à JoeyStarr que le premier. Etait-ce voulu ?

Critiquer ce film est pour moi une gageure. Car je ne connais rien au rap, un style dont le poids de mes préjugés et mes goûts musicaux m’ont toujours tenu éloigné. J’ai beau avoir essayé de l’écouter, je n’en apprécie ni les textes, ni les sons. Je veux bien entendre la rage qui s’y exprime mais je n’arrive pas à la comprendre et encore moins à la cautionner. Je ne suis pas fier de ce manque d’ouverture d’esprit et en fais un constat affligé.

Par conséquent, je suis bien en mal d’exprimer un avis éclairé sur ce film.
J’en ai tout détesté parce que je n’en aime pas le sujet. Mais pour autant, j’imagine volontiers qu’un fan de rap l’appréciera. Et je ne l’en blâmerai pas. C’est sa came. Pas la mienne (sic).

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Memoria ☆☆☆☆

Jessica (Tilda Swinton) est Anglaise et vit en Colombie à Medellin. Elle est venue quelques jours à Bogota au chevet de sa sœur. Mais son sommeil est soudain troublé par un bruit sourd et violent. Pour lutter contre cet acouphène déstabilisant, Jessica consulte sans succès un médecin. Elle contacte un acousticien dont elle perdra ensuite la trace. Elle croise le chemin d’une archéologue française (Jeanne Balibar) qui lui montre des restes humains retrouvés dans des excavations.
Finalement, Jessica quitte Bogota pour la jungle amazonienne où elle fera une troublante rencontre.

Le neuvième film de Apichatpong Weerasethakul a bien failli remporter la Palme d’or au Festival de Cannes. Il a dû se contenter du prix du jury – qu’il a dû partager avec Le Genou d’Ahed dont j’ai déjà eu l’occasion de dire tout le mal que j’en pensais. Déjà palmé en 2010 pour Oncle Boonmee, le réalisateur thaïlandais a laissé la place à Titane, qui résonne peut-être plus avec l’air du temps.

je n’ai aimé aucun de ces trois films cannois. Voire, je les ai franchement détestés. Mais force m’est de reconnaître l’audace de cette sélection et de ce palmarès, sa radicalité.

Revenons à Apichatpong Weerasethakul – dont, par je ne sais quel masochisme, je me force à réécrire le nom interminable. Il a quitté la Thaïlande – avec des mots très durs pour son régime autocratique – pour tourner aux antipodes avec une star internationale. Pourtant son film ressemble aux précédents. Il baigne dans la même transe languissante, entre veille et sommeil. ll interroge les mêmes thèmes : la vie, la mort, la communication avec l’au-delà…

À condition d’être sacrément stone ou doté d’une sensibilité exceptionnelle, on se pâmera. Tel ne fut hélas pas mon cas. J’en rougis de honte tant je lis ici ou là, sous la plume de critiques ou de proches, des critiques élogieuses.
Contrairement à eux, j’ai trouvé interminables ces deux heures seize. Je n’ai trouvé à cette histoire aucun intérêt ; j’ai même pouffé au plan surréaliste qui est censé en donner la clé. Je n’ai trouvé aucune beauté aux longs plans fixes éclairés d’une lumière blafarde. Je me suis ennuyé ferme devant ce soi-disant chef d’oeuvre auquel je n’ai rien compris. Mon tort est d’avoir voulu le « comprendre » alors que le cinéma de Apichatpong Weerasethakul n’est pas dans ce registre-là.

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Le Genou d’Ahed ☆☆☆☆

Y. est un réalisateur israélien en colère. Il est en plein casting de son premier film, Le Genou d’Ahed, qui aura comme figures principales Ahed Tamimi, une jeune Palestinienne condamnée à huit mois de prison pour avoir giflé un soldat de Tsahal, et Bezadel Smotrich, un député d’extrême-droite qui a affirmé qu’il aurait fallu lui tirer dessus « ne fût-ce que dans le genou ».
Y. se rend à bord d’un petit avion au milieu du désert du Néguev pour présenter son précédent film. Il y est accueilli par Yahalom, une jeune employée du ministère israélien de la culture qui lui demande de renseigner un formulaire, indiquant l’objet de sa conférence. Y. se braque contre cette formalité qu’il assimile à une censure.

J’ai tout détesté dans Le Genou d’Ahed, le dernier film de Nadav Lapid, revenu de Cannes auréolé du Prix du Jury, dont le précédent, Synonymes, m’avait déjà inspiré quelques réserves.

J’ai détesté sa forme, sa caméra épileptique qui m’a donné la nausée. Nadav Lapid pousse au paroxysme ce qui, de plus en plus, semble devenir une norme : la caméra portée et tremblotante qui a ringardisé le plan fixe, trop académique. Pour filmer la vie, pour filmer la rage, il faut une caméra vivante, rageuse. Le cadreur souffre donc de la danse de Saint-Guy et agite la caméra dans tous les sens. Le réalisateur tente en vain de s’en expliquer : « La chose la plus compliquée à filmer au cinéma, ce sont sans doute les dialogues. Ces mouvements de caméra servent à casser les formalités de présentation… Ils nous préviennent qu’on va arracher le film à ce classicisme. »

Mais j’ai aussi détesté son sujet. Dans Le Genou d’Ahed, Nadav Lapid, qui s’est depuis exilé à Paris, vomit sa haine contre son pays natal. L’origine de son courroux semble bien futile : ce formulaire que la jolie Yahalom lui demande de signer. Il y a mille et une raisons de critiquer son pays, qu’il s’agisse de la France, d’Israël ou du Timor-oriental. Je ne suis pas sûr que l’obligation de renseigner un formulaire indiquant le sujet de la conférence qu’on s’apprête à donner soit le plus convaincant.

Le patriotisme pas plus que l’anti-patriotisme ne me semblent pas des vertus estimables. Le premier est aujourd’hui définitivement démodé sinon raillé. Le second connaît au contraire une mode à mon sens délétère : renier son pays est « tendance ». La meilleure réponse est celle du ministère de la culture israélien qui, avec un masochisme admirable, a financé le film de Nadav Lapid, démontrant ainsi magistralement l’inanité de sa vaine colère et l’artificialité de sa posture soi-disant transgressive.

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Tralala ☆☆☆☆

Tralala (Mathieu Almalric) est un guitariste à la rue. Un beau soir, à Paris, surgit devant lui une jeune fille virginale (Galatea Bellugi) qu’il suit jusqu’à Lourdes. Avec la complicité d’une bande de clodos et de leur chef Climby (Denis Lavant), il trouve à se loger dans un hôtel désaffecté. Sa patronne, Lili (Josiane Balasko), croit reconnaître en lui Patrick, son fils, un musicien amateur parti tenter sa chance aux Etats-Unis et disparu depuis vingt ans. Tralala, ravi de l’aubaine, décide de se glisser dans la peau de Patrick. Sous sa nouvelle identité, il retrouve les proches du défunt : son frère Seb (Bertrand Belin), sa fiancée Jeannie (Mélanie Thierry) et son amour de jeunesse Barbara (Maïwenn).

Les frères Larrieu occupent une place à part dans le cinéma français. Depuis une vingtaine d’années, ils réalisent des films d’une insolente vitalité qui réunit le gratin de la scène française : Mathieu Amalric, leur acteur de prédilection, croise Sabine Azéma, Karin Viard, André Dussollier, Isabelle Carré, Denis Podalydès, etc. Il y est question de vie, d’amour, de sexe, d’échangisme, d’apocalypse, de mort…. Je n’en suis pas un admirateur inconditionnel même si je n’en ai guère ratés. On sent, à relire la critique que je faisais de son avant-dernier film, 21 nuits avec Pattie, mes réserves.

Tralala ne m’a hélas pas convaincu. Pire : je n’en ai rien aimé.
Pourtant Dieu sait – et vous aussi fidèle lecteur – combien j’aime les comédies musicales : je vous rebats depuis plusieurs années les oreilles avec La La Land (un titre très proche de ce Tralala), West Side Story (dont j’attends fébrilement le remake spielbergien) et Les Parapluies de Cherbourg. Une comédie musicale réussie, quand la qualité de la musique rejoint la sensibilité du scénario, m’émeut au tréfonds.

Rien de tel dans ce Tralala frelaté. La musique est moche – même si Philippe Katerine, Étienne Daho et Dominique A l’ont co-écrite. Les voix sont asthmatiques – Catherine Deneuve avait eu la clairvoyance de se faire doubler dans Les Parapluies…. Quant au scénario, sa fantaisie revendiquée sonne creux et le message qui le sous-tend (« Surtout ne soyez pas vous-même »), faussement transgressif, s’auto-détruit en cours de route.

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