Assaut (1976) ★★★☆

Un commissariat de police est sur le point de fermer dans le sud de Los Angeles. Bishop, un lieutenant noir inexpérimenté, est chargé d’y assurer l’ultime garde en compagnie d’un sergent, d’une secrétaire et de la standardiste. Alors qu’un convoi transportant trois détenus vers un établissement de haute sécurité y fait une halte inopinée et qu’un père de famille, qui vient de perdre sa fille sauvagement assassinée, y pénètre, le commissariat est pris sous le feu d’une horde d’assaillants surarmés qui ont juré de venger la mort de six des leurs tués la veille par la police.

Quand il tourne en vingt jours Assault on Precinct 13, avec un budget de fortune, des acteurs inconnus, John Carpenter n’a pas trente ans et un seul film, passé inaperçu, à son actif. À sa sortie aux Etats-Unis en 1976, le film est un échec critique et commercial. Mais il bénéficie en Europe d’un bouche à oreille élogieux et devient bientôt culte. Carpenter accèdera à la célébrité deux ans plus tard avec Halloween et connaîtra son heure de gloire dans les années 80 en multipliant les succès : New York 1997, The Thing, Christine….

Ce qui frappe dans Assaut, c’est combien le manque de temps et de moyens, loin de nuire au film, a forcé son réalisateur à des solutions simples et efficaces. Unité de temps – tout se passe en moins de vingt-quatre heures – unité de lieu – l’action se déroule dans le commissariat et dans ses environs immédiats – unité d’action – les assiégés résisteront-ils à leurs mystérieux assaillants ?

Cette série B regorge de maladresses, de plans mal cadrés, mal montés. Sa musique, aussi iconique soit-elle devenue, est horriblement datée. Son scénario souffre d’un manque d’écriture. Ses acteurs sont calamiteusement dirigés. Pour autant, tous ces défauts font paradoxalement la qualité de ce film qui se regarde comme une confiserie sans âge. La raison en est peut-être que Carpenter – qui reconnaît sa dette aux classiques de Howard Hawks – a inventé un genre, à l’intersection du western et du film d’horreur (les assaillants, sans mots ni visages, évoquent les zombies de Romero). La raison en est tout simplement que Assaut se laisse regarder avec le plaisir régressif de passer un bon moment.

La bande-annonce

La Plus Précieuse des marchandises ★☆☆☆

Dans un lieu et à une époque inconnus, une pauvre bûcheronne recueille, contre l’avis de son mari, un nouveau né abandonné sur les rails d’une voie de chemin de fer.

Inspiré d’un bref conte de Jean-Claude Grumberg, le film d’animation de Michel Hazanavicius brode une métaphore transparente : nous sommes au cœur de la Seconde Guerre mondiale, en Pologne, à une encablure du camp d’Auschwitz, sur le chemin des locomotives qui y conduisent par centaines de milliers les Juifs qui s’y feront gazer.

Un tel sujet ne peut que susciter une admiration révérencieuse. Le film a d’ailleurs été accueilli par une critique louangeuse et un bouche-à-oreille admiratif. Dans quelle mesure la renommée de Michel Hazanavicius, qui a signé quelques-uns des films les plus stimulants du cinéma français contemporain (les deux premiers OSS 117, The Artist, Coupez !) ? On peut se le demander. Aussi est-ce avec beaucoup d’humilité que je ferai entendre deux notes dissidentes.

La première ne concerne évidemment pas la représentation de la Shoah, au sujet de laquelle on ne rouvrira pas le débat lanzmannien, mais le scénario. Je lui ferais deux reproches. Le premier est de reposer sur un ressort bien mince : l’accueil dans ce foyer sans enfant d’un nouveau-né auquel la bûcheronne voue immédiatement un amour inconditionnel et auquel on sait par avance que le bûcheron, sous ses dehors de grand ours mal léché, finira par s’attacher. Le second n’est pas sans lien avec le premier : ce motif-là étant trop mince, le film, après être resté dans l’intimité de ce couple et de cet enfant pendant toute sa première moitié, se voit obligé de quitter ce huis-clos pour entamer une odyssée qui le déséquilibre.

La seconde concerne l’animation. Pourquoi avoir eu recours à cette technique ? Pourquoi ne pas avoir tourné une fiction avec des acteurs de chair et de sang ? Son utilisation répond-elle à un impératif esthétique ? scénaristique ? Suscite-t-elle plus l’émotion ou la réflexion qu’un film « ordinaire » ? Cette technique ne va-t-elle pas rebuter le public adulte auquel le film est destiné – même si on sait, bien entendu, que l’animation pour adultes est un genre qui connaît une popularité grandissante ? Ne risque-t-elle pas d’attirer des parents et leurs très jeunes enfants, comme ceux qui se sont enfuis au milieu de la séance à laquelle j’étais hier lorsque le récit a pris un tour horrifique ?

La bande-annonce

Été violent (1959) ★★☆☆ / La Fille à la Valise (1961) ★★★☆

Valerio Zurlini est un réalisateur italien méconnu. Sa gloire a été éclipsée par celle de ses illustres contemporains : Rossellini, Visconti, Fellini, Pasolini…. Proche par son style introspectif d’un Antonioni, mais ouvert comme l’étaient les néo-réalistes à son époque, à son histoire et aux conflits de classe, Zurlini ne mérite pas l’oubli dans lequel il est tombé. Quelques-uns de ses films repassent parfois en salles ; certains ont même été restaurés. Le plus célèbre est son tout dernier, une adaptation du Désert des Tartares tournée, avant la révolution khomeyniste et sa destruction dans un tremblement de terre en 2003, dans la citadelle de Bam en Iran.

Été violent (1959) et La Fille à la valise (1961) sont ses deuxième et troisième films. Ils présentent plusieurs ressemblances. Ce sont deux productions franco-italiennes, comme il s’en tournait beaucoup à l’époque. Les capitaux venaient de France, le tournage se déroulait en Italie avec des acteurs et un plateau technique italiens. Un ou deux acteurs étaient quand même français fort mal doublés en italien : c’est Jean–Louis Trintignant dans Été violent, auréolé du succès sulfureux de …Et Dieu créa la femme, et Jacques Perrin dans La Fille à la valise, qui avait dix-neuf ans à peine. et que Zurlini refera tourner à plusieurs reprises.

Les deux films racontent une histoire d’amour déséquilibrée entre une femme plus âgée et un homme plus jeune, à peine sorti de l’enfance. Roberta (Eleonora Rossi Drago), l’héroïne de Été violent, est la veuve d’un officier de marine mort au combat (l’action se déroule en 1943 pendant la déroute des troupes italiennes) ; Aida (Claudia Cardinale), l’héroïne de La Fille à la valise est une chanteuse de cabaret d’origine modeste dont on apprendra qu’elle a laissé derrière elle un enfant. Roberta fait la connaissance de Carlo (Jean-Louis Trintignant), le fils d’un dignitaire fasciste, qui a jusqu’à présent réussi à ignorer la dure réalité des combats. Aida rencontre le jeune Lorenzo (Jacques Perrin) après avoir été abandonnée par son playboy de grand frère.

Comme chez Antonioni, Zurlini est un cinéaste du couple, de ses embrasements et de ses impasses existentielles aussi. Mais son cinéma est incarné dans un contexte socio-politique bien précis. Été violent se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme dans Une journée particulière, le chef d’oeuvre de Scola avec le couple mythique Loren-Mastroianni, la petite histoire, celle d’une rencontre, d’un coup de foudre et d’une séparation, y percute la grande.

Tournés dans un noir et blanc d’une folle élégance, les deux films valent le détour. Le second a un avantage sur le premier : l’interprétation radieuse de Claudia Cardinale, dans un rôle à la Bardot.

La bande-annonce de « Été violent »
La bande-annonce de « La Fille à la valise »

La Belle Affaire ★☆☆☆

Nous sommes en 1990 à la veille de la réunification allemande. Un quatuor d’Allemands de l’Est en rupture de ban mettent la main sur une montagne d’Ostmark voués à la destruction. Ils ont trois jours pour les échanger.

Sandra Hüller (Toni Erdmann, Sibyl, Anatomie d’une chute, La Zone d’intérêt), Max Riemelt (La Vague, Matrix 4) et Ronald Zehrfeld (Barbara, Phoenix, Fritz Bauer, un héros allemand) sont des acteurs allemands quadragénaires qui ont acquis, dans leur pays et à l’étranger, une certaine renommée. On a un peu l’impression que la réalisatrice leur a proposé de se retrouver quelques jours ensemble pour un tournage sympathique.

Ils s’en donnent à cœur joie dans une comédie qui s’inspire de faits réels, rappelés par les images d’archives qui accompagnent le générique de fin. Profitant du délai laissé aux Allemands expatriés pour changer leurs DDM au taux de deux pour un – ce qui éclaire le titre original Zwei für Eins – des Allemands de l’Est qui avaient réussi à mettre la main sur des sacs de vieux billets froissés ont décroché le jackpot.

L’arnaque est tellement compliquée, elle suppose la participation d’un si grand nombre de personnes, qu’on peine à croire qu’elle ait pu réussir, en tous cas pas avec le même épilogue que dans le film. Il s’agit, si je l’ai bien compris, d’acheter à vil prix en Ostmark des produits électroménagers à l’Est et d’aller les revendre à l’Ouest au taux fort.

Moins que cette arnaque compliquée, le vrai sujet du film est l’Ostalgie, la nostalgie paradoxale que nourrissent les Allemands de l’Est pour la période honnie et pourtant regrettée du communisme. Le film qui en a lancé la mode, avec le succès que l’on sait fut Good Bye Lenin! (2003). Etalon indépassable que La Belle Affaire hélas est bien loin de dépasser.

La bande-annonce

After ☆☆☆☆

Une soirée techno à Paris. Les corps lâchent prise et se frôlent au son pulsatif de la musique électronique. Des substances s’échangent ; des rails de coke, coupés au pass Navigo, se sniffent. Félicie (Louise Chevillotte), en pleine rupture amoureuse, fait la rencontre de Saïd (Majd Mastouria), un chauffeur VTC, et lui propose de finir la soirée chez elle.

Comment filmer la danse ? comment filmer la transe ? Anthony Lapia tenait un beau sujet. Gaspar Noé l’avait approché dans Climax. Mais hélas il le gâche. Par manque de moyens : la dizaine de figurants recrutés pour le film peinent à donner l’illusion d’une rave party. Par manque d’ambitions : le scénario abandonne bien vite le dance floor pour se replier dans le studio de Félicie et y filmer un banal face-à-face.

Leurs dialogues sont caricaturaux et risibles. Le patronyme et la profession de Félicie – elle vient de passer le barreau – sont censés la caractériser : c’est une fille de la bourgeoisie qui a appris à s’accomoder cyniquement du « système » même si elle en récuse les règles in petto. Saïd est aussi grossièrement caricaturé : maghrébin, conducteur de VTC, révolté, il est prêt à tout casser pour laisser exploser sa colère.

After aurait pu se borner à filmer les corps. Sa durée réduite l’y aurait autorisé. Il y aurait eu beaucoup à en dire, beaucoup à en montrer. Mais comme son titre l’annonçait, After s’intéresse à ce qui vient après qui est hélas puissamment dépourvu d’intérêt.

La bande-annonce

Viêt and Nam ★☆☆☆

Viêt et Nam s’aiment d’un amour pur. Les deux jeunes hommes travaillent dans une mine de charbon. L’un veut retrouver la dépouille de son père, un martyr de la guerre d’indépendance disparu avant sa naissance. L’autre rêve de fuir le Vietnam.

Pour son premier film, Minh Quý Trương nous raconte l’histoire de deux orphelins qui partagent le même manque d’amour et poursuivent la même quête. Le film se déroule au début des années 2000, dans un Vietnam rural qui n’a pas encore pris le virage de la modernité et qui reste hanté par son indépendance tout récemment acquise.

J’aurais dû écouter les avertissements me dissuadant d’aller voir ce film. D’autant que j’avais eu l’an passé une expérience malheureuse avec un film vietnamien similaire, L’Arbre aux papillons d’or, une interminable purge de près de trois heures qui m’avait plongé dans un sommeil hypnotique. Viêt and Nam a la même langueur et quasiment la même longueur, qui rappellent celles des films d’Apichatpong Weerasethakul, le cinéaste thaïlandais auréolé d’une Palme d’or. J’y ai peut-être moins dormi ; mais je m’y suis tout autant barbichonné.

La bande-annonce

Drone ★★☆☆

Provinciale montée à Paris pour y finir ses études, Emilie (Marion Barbeau, première danseuse à l’Opéra de Paris avant d’être révélée par Klapisch dans En corps) a rejoint le séminaire d’un architecte renommé (Cédric Kahn). Elle travaille sous sa direction à la réhabilitation d’une usine désaffectée en banlieue parisienne. Elle finance ses études avec quelques séances tarifées de webcam.
Un beau jour, ou peut-être une nuit (!), Emilie se découvre observée par un drone silencieux. Qui se cache derrière cette machine, qui l’accompagne et la protège ? ses intentions sont-elles positives ou maléfiques ?

Drone est le premier film de Simon Bouisson, venu en débattre avec les spectateurs de la séance anglophone à laquelle j’ai assisté au Luminor, un cinéma du Marais menacé de fermeture. Il en a raconté la genèse et le déroulement du tournage.

Drone fait la part belle aux images aériennes, vertigineuses, souvent nocturnes. Ces images nous emportent, délestant le film de toute gravité, abolissant les dimensions. Pourtant, le film est grave qui raconte, en sous-texte, l’entrée dans l’âge adulte d’une jeune femme, ses premiers pas dans le monde du travail auprès d’un architecte vampirique, sa découverte tâtonnante de la sexualité avec la belle Mina… Cette dimension-là du film n’est pas sans charme même si elle a le défaut d’avoir été mille et une fois défrichée.

Le plus intéressant, revenons-y, est le drone, dont on peut se demander s’il est ou pas le personnage principal du film, comme son titre semble l’affirmer. La technologie est récente ; elle fait florès. Elle est surtout le symbole d’une société où l’image est devenue omniprésente, où la transparence est devenue la loi, où l’intimité est de plus en plus difficile à défendre. Emilie entretient une relation compliquée à l’image. Elle est camgirl. Elle accepte de montrer son corps à des inconnus sur Internet. Le fait-elle par exhibitionnisme ou par nécessité ? Le drone qui l’observe, c’est le male gaze qui pèse sur toutes les femmes dans l’espace public et dont elles aimeraient légitimement s’affranchir.

Le cinéma est un média scopique, une expression prétentieuse pour caractériser un fait simple : le cinéma sollicite notre regard. Plusieurs chefs d’oeuvre interrogeaient cette dimension-là : Fenêtre sur cour, Blow Up, Peeping Tom…. Drone ne boxe pas dans cette catégorie-là et n’a pas cette prétention. Son scénario évite la facilité paresseuse de laisser sans solution l’énigme autour de laquelle le film est construit. Pour autant, le dénouement surprenant sinon grandiloquent de Drone est maladroit.

La bande-annonce

Toucher terre ★☆☆☆

La terre est un matériau de construction millénaire. Elle était déjà utilisée dans la vallée de la Mésopotamie onze mille ans avant Jésus-Christ. Aujourd’hui, si le béton domine, on redécouvre ses vertus.

La société Jupiter Films affiche un slogan audacieux : « Santé, Spiritualité, Connaissance ». Son catalogue contient des documentaires sur le bouddhisme zen, la permaculture ou l’intelligence des arbres. L’idée de ce documentaire a germé au sein de l’association Amàco, un centre d’expérimentation, de recherche, de formation et d’expertise spécialiste de la terre crue dans la construction et l’architecture, installé près de Bourgoin-Jallieu dans l’Isère.

D’une durée d’une heure et huit minutes à peine, qui ne le prédisposait guère à une sortie en salles, Toucher terre raconte l’histoire de l’utilisation de la terre crue dans la construction de la plus haute Antiquité à l’époque moderne. C’est une ressource abondante, aisément accessible, qui s’intègre bien dans son environnement, isolante et insonorisante, biodégradable. Son utilisation ne nécessite quasiment aucun outil et requiert une formation très simple. Le documentaire filme un chantier participatif où, sans aucun bruit de machine, un groupe d’hommes et de femmes construit lentement un mur en pisé.

Ce documentaire politiquement très correct n’intéressera guère que les passionnés d’architecture en terre crue. Les autres ne verront guère la nécessité d’aller le voir en salles, sinon, pour ceux d’entre eux à l’esprit le plus mal tourné, pour railler les bobos qui aiment fouler la boue à pied nus et jeter des mottes de terre sur un mur en érection (!).

La bande-annonce

Les Barbares ★★☆☆

Paimpont, une bourgade paisible d’Ille-et-Vilaine, à l’orée de la forêt de Brocéliande et à un jet de pierre du camp de Coëtquidan, est en plein émoi. Son conseil municipal a décidé d’accueillir une famille de réfugiés ukrainiens. Mais ce sont finalement six Syriens qui descendent du bus affrété par l’ONG chargée de leur accueil. Leur arrivée dans ce petit village sans histoire provoque des réactions très tranchées.

Julie Delpy est sans doute l’une des personnalités les plus attachantes du cinéma français. Enfant star, très vite poussée sous les feux de la rampe (elle tenait en 1986 le rôle titre de La Passion Béatrice de Bertrand Tavernier), elle s’est expatriée aux États-Unis et mène de front une carrière d’actrice et de réalisatrice. Ses films sont très disparates. La Comtesse ressuscitait la figure mythologique d’une comtesse hongroise du XVIIème siècle accusée de sacrifier des jeunes vierges pour conserver son éternelle jeunesse. Les Barbares s’inscrit dans une veine bien différente, similaire à celle du Skylab où Julie Delpy revisitait le vert paradis de son enfance.

Julie Delpy nous y livre, sous le mode badin de la comédie, une histologie de la société française raciste et anti-raciste. À une extrémité du spectre, elle se donne le (pas si ?) bon rôle de la prof gauchiste. À l’autre, Laurent Lafitte interprète avec un plaisir communicatif le rôle d’un plombier facho, défenseur de l’identité bretonne – quoique d’origine d’alsacienne. Au milieu, Jean-Charles Clichet, l’écharpe tricolore en bandoulière, incarne un intenable en-même-temps macroniste, perclus de contradictions. À leurs côtés, dans des seconds rôles aux petits oignons, Sandrine Kiberlain et India Hair sont épatantes.

Les Barbares a le défaut de tenir tout entier dans sa bande annonce qui, comme il est d’usage, concentre les meilleures répliques. Il faut avoir un peu d’intérêt pour le sujet, d’indulgence pour son traitement et de temps libre dans une programmation très riche ces temps-ci pour donner sa chance à ce film oubliable. Pour autant, il serait bien ingrat de le regarder de haut. Car Les Barbares est une comédie intelligente et plaisante.

La bande-annonce

La Chanson de Jérôme ☆☆☆☆

Né en 1980, Jérôme Laronze était agriculteur en Saône-et-Loire dans la région de Cluny. À la tête d’une exploitation de 130ha, léguée par ses parents, il élevait des bovins. Il a été tué en mai 2017 de trois balles tirées par un gendarme. Il était en fuite depuis neuf jours après avoir échappé à un contrôle administratif. Membre de la Confédération paysanne, Jérôme Laronze était un agriculteur engagé en faveur de l’agriculture biologique, hostile aux normes de traçabilité auxquelles il reprochait de faire le jeu de l’agro-industrie.

L’affaire Jérôme Laronze avait défrayé la chronique en 2017. Cet agriculteur insoumis avait omis de déclarer la naissance de ses bêtes dans les délais impartis et refusait de suivre les procédures imposées par les services de l’Etat. Un contrôle sur place de la DDPP (Direction départementale de la protection des personnes) – qui s’est substituée en 2010 aux anciennes directions départementales des services vétérinaires – organisé sur haute surveillance policière a dégénéré, provoquant sa fuite. Sa traque s’est terminée par sa mort, dans des circonstances qui n’ont toujours pas, plus de sept ans après les faits, donné lieu à un procès.

L’affaire Jérôme Laronze a reçu un énorme écho qui témoigne de l’émotion suscitée par sa mort tragique et de l’exemplarité de sa situation, emblématique d’une paysannerie poussée à bout par des contrôles administratifs tatillons et des conditions de vie de plus en plus difficiles. La journaliste Florence Aubenas lui a consacré une série d’articles dans Le Monde. L’affaire a inspiré plusieurs livres, plusieurs pièces de théâtre et un documentaire sur Arte diffusé en 2022. Le film d’Olivier Bosson, tourné en 2021 et 2022, s’inscrit dans cette riche postérité.

Cette affaire emblématique aurait mérité mieux que ce film maladroit, tourné avec des acteurs amateurs. On est gêné pour eux de les voir aussi mal jouer et s’enferrer dans des rôles manichéens. Devant  la caméra d’Olivier Bosson, l’histoire de Jérôme Laronze se réduit à un combat de David contre Goliath, du Bien contre le Mal, d’un agriculteur dur à la tâche, tellement attachant, si proche de sa nièce et de ses bêtes, face à une administration claquemurée derrière le respect de procédures inutilement tatillonnes.

La bande-annonce