Camille (Céleste Brunnquell) a treize ans et une passion : le cirque. Elle est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants. Elle vit à Angoulême. Son père (Eric Caravaca) enseigne sans passion le français dans un collège. Sa mère (Camille Cottin), comptable de profession, s’est arrêtée de travailler pour élever la petite dernière.
Catholiques non pratiquants, ses parents vont se rapprocher de la Communauté de la colombe. Ils vont lentement tomber sous l’emprise de son chef, le Berger (Jean-Pierre Darroussin).
Sarah Suco est une jeune actrice qu’on avait remarquée dans ses premiers rôles : Discount, La Belle Saison, Orpheline, Aurore, Place publique, Les Invisibles, Guy… Elle a passé son enfance dans une communauté charismatique et s’est inspirée de son expérience pour mettre en scène Camille, son double autobiographique.
Alors que la pratique catholique ne cesse de diminuer, le cinéma français lui fait depuis quelques années la part belle : Des hommes et des dieux, L’Apparition, La Prière, Lourdes… Il y aurait un article à écrire pour décrire le retour de cette thématique (on peinerait à citer un film semblable dans les deux décennies précédentes) et essayer d’en comprendre les causes.
Les Éblouis décrit avec beaucoup de finesse le processus d’embrigadement. Il montre en quoi l’adhésion à une communauté répond à un malaise existentiel : offrir à des individus anomiques un sentiment d’appartenance et de fraternité. Rien de violent, rien de contraint dans cette emprise qui s’installe progressivement.
Pour l’adolescente, par les yeux de laquelle l’histoire est racontée, la mue est particulièrement troublante. Il lui faut arbitrer entre plusieurs impératifs : le premier est l’amour filial qui l’unit à ses parents dont elle avait ressenti le mal-être et dont elle constate le rétablissement. Le deuxième est l’amour qu’elle porte à ses jeunes frères dont elle sent confusément le danger qui pèse sur eux. En même temps, ses camarades de classe lui renvoient l’image de sa marginalité qu’elle essaie de cacher en troquant sur le chemin du collège son uniforme pour des jeans-basket. Et ses grands parents s’inquiètent de son sort, provoquant en elle une crise de légitimité.
Les Éblouis est très bien servi par une interprétation impeccable. Eric Caravaca est, comme d’habitude, d’une parfaite justesse. Après Chambre 212, Camille Cottin est en train d’administrer la preuve qu’elle est une grande actrice dramatique. Jean-Pierre Darroussin est d’une suave ambiguïté dans le rôle d’un padre cauteleux. La révélation du film est la jeune Céleste Brunnquell aux faux airs de Simone Signoret jeune.
La conclusion du film de me satisfait pas. Il est certes vraisemblable que « le berger » Darroussin, à l’instar de divers gourous, prolonge son emprise jusqu’aux abus sexuels commis sur ses plus jeunes ouailles. Mais pour la dramaturgie du film, c’est une facilité. C’est très bien que la police procède à la fermeture de cette communauté, mais on a trop l’impression que sans cette dénonciation, tout irait bien et rien ne se passerait. Or, bien d’autres pratiques de la communauté sont abusives et destructrices pour Camille et sa fratrie.
Je suis tout à fait d’accord avec vous cher Gérard.
Le fin des Éblouis est téléphonée.