La trentaine gentiment barrée, Antoinette (Laure Calamy) est professeure des écoles à Paris. Elle est la maîtresse d’Alice, une ravissante gamine de CM2. Elle est aussi la maîtresse de Vladimir (Benjamin Lavernhe), le papa d’Alice qui lui avait promis une semaine en amoureux, loin de sa femme, mais s’en décommande au dernier moment pour partir randonner en famille dans les Cévennes. Sous le coup de la déception, Antoinette prend une décisions irraisonnée : elle partira elle aussi sur les traces de Vladimir et sur celles de Louis Robert Stevenson, sans autre compagnie que celle de l’âne Patrick.
Caroline Vignal a peut-être longuement hésité dans le titre du choix de son film. « Maîtresse » aurait été assez drôle, insistant sur le double statut d’Antoinette – professeure d’école est décidément une profession incline à l’adultère puisque Laetitia Dosch incarne un rôle similaire dans Les Apparences qui sortira demain. Autres options qui auraient mis en avant l’élément asin, en référence et en hommage au célèbre Au hasard Balthazar de Bresson : « Hystérique avec Patrick » ou bien « Pas de panique avec Patrick » selon qu’on aurait voulu souligner le caractère passionné de l’héroïne ou au contraire l’apaisement qu’elle trouvera en compagnie de son âne.
Finalement la réalisatrice a opté pour « Antoinette dans les Cévennes », affublant son héroïne d’un prénom aimablement désuet, plus versaillais que cévenol – là où la tentation aurait pourtant été grande de l’appeler Solène, Mylène ou Madeleine.
Le titre n’est pas si mauvais ; car c’est bien d’Antoinette dont le film parle, ne la quittant pas d’une semelle alors qu’elle la bat dans les chemins rupestres de Lozère. Antoinette dans les Cévennes n’est pas un énième vaudeville de l’infidélité conjugale, comme le titre « Maîtresse » l’aurait à tort sous-entendu. Cette histoire là, qui constitue le moteur dramatique et comique du film, est pliée en une seule scène, laissant le scénario orphelin à son mitan. Antoinette dans les Cévennes est plutôt le portrait d’une trentenaire hospitalière, qui ouvre généreusement son cœur et son lit, qui réussira à soigner un chagrin d’amour sur les pans du mont Lozère, comme Robert Louis Stevenson un siècle et demi plus tôt.
La critique a accueilli avec enthousiasme la prestation de Laure Calamy. Et elle a eu raison. Elle obtient enfin le grand rôle qu’elle méritait après avoir tenu tant de fois les seconds rôles (Roulez jeunesse, Mademoiselle de Joncquières, La Dernière Folie de Claire Darling, Nos batailles, Seules les bêtes, Une belle équipe…). Excellant dans tous les registres, elle réussit à nous faire rire et à nous faire pleurer.
À nous faire rire et à nous faire pleurer ? C’est vite dit. Conquis par le charme de l’actrice – sans oser évoquer ses mini-shorts de peur de passer pour un goujat – j’en perds mon objectivité. Car les passages les plus drôles d’Antoinette… ont été largement éventés par la bande-annonce. Quant aux passages les plus touchants, il faut vraiment être fleur bleue pour se laisser émouvoir par les bobos, vite consolés, d’une bobo parisienne.