Dans la critique que j’avais faite à sa sortie en 2017 de Retour à Forbach, le premier documentaire de Régis Sauder, j’avais cité Annie Ernaux et La Honte. J’ignorais que le documentariste et la romancière allaient se rencontrer et sympathiser et que la seconde allait souffler au premier l’idée de tourner un documentaire à Cergy, la ville où elle s’est installée depuis une cinquantaine d’années.
J’ai une relation particulière avec Cergy. J’y ai étudié pendant trois ans. J’y ai vécu pendant deux ans (en vérité pendant cinq trimestres d’année scolaire) entre 1989 et 1991. J’ai pris des centaines de fois le RER A jusqu’à la gare de Cergy-préfecture et en connaissais chacun des arrêts, chacun des paysages.
J’ai donc retrouvé avec beaucoup de nostalgie des lieux qui m’étaient familiers : la gare RER, la pyramide inversée de la préfecture, le 5-Cinémas désaffecté depuis 2005 (et qui était déjà en piteux état à l’époque où je le fréquentais : j’y ai vu In Bed with Madonna, Madame Bovary et le diptyque La Révolution française), le parc qui entoure l’ESSEC….
Régis Sauder hésitait entre deux partis : mettre en images les textes d’Annie Ernaux sur Cergy et en filmer les habitants. Il n’a pas vraiment tranché et a choisi les deux. On entend en voix off des extraits de Journal du dehors (1992), La Vie extérieure (2000) et Les Années (2008). On voit surtout quelques Cergynois, notamment Anouk et Léa, deux adolescentes qui m’ont rappelé le documentaire de Sébastien Lifshitz.
J’ai aimé vivre là nous présente une ville ensoleillée, piétonnière, paisible, campagnarde, peuplée d’habitants heureux d’y vivre et tristes d’en partir. Tant de bienveillance a dû enthousiasmer les édiles locaux qui, pendant une dizaine d’années au moins, feront de ce documentaire la meilleure des publicités pour leur ville. Mais elle devient vite émolliente. Un contrepoint aurait été utile qui, à côte des atouts de Cergy, en aurait aussi pointé les handicaps. Le documentaire aurait perdu en bienveillance, mais gagné en objectivité.
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