Jeune veuf, Abel (Louis Garrel) est abasourdi d’apprendre que sa mère Sylvie (Anouk Grinberg), la soixantaine joyeusement frappée, a décidé d’épouser Michel (Roschdy Zem), un braqueur à qui elle donnait des cours de théâtre en prison. Si Michel, à sa libération, a promis de se ranger et propose à sa nouvelle épouse d’ouvrir une boutique de fleurs dans le Vieux Lyon, Abel et sa meilleure amie Clémence (Noémie Merlant) ont raison de suspecter anguille sous roche. Car bientôt Michel les entraîne dans la préparation d’un casse rocambolesque.
L’Innocent déboule sur les écrans, précédé d’une réputation flatteuse. Les critiques sont excellentes. La foule, dont on craignait qu’elle ait déserté les salles obscures, s’y presse pour aller le voir. Elle ne sera pas déçue : L’Innocent est une totale réussite.
Cette réussite, Louis Garrel la doit au scénario malin qu’il a co-écrit avec Tanguy Viel, le romancier à succès dont les livres exigeants publiés aux Editions de Minuit aiment raconter des intrigues complexes très cinématographiques.
Sa mise en place est lente sinon besogneuse. Il faut près d’une heure à L’Innocent pour poser le cadre de son intrigue et caractériser ses personnages. Mais le spectateur impatient sera bientôt récompensé par une scène d’anthologie que chaque critique, chaque interview du réalisateur évoque longuement : celle où Abel et Clémence doivent jouer une scène de ménage pour détourner l’attention du conducteur du camion rempli de caviar qu’Abel et un complice veulent dévaliser. Cette scène, où les deux protagonistes se révèlent l’un à l’autre leurs sentiments profonds, est un bijou de drôlerie, d’émotion et de dramaturgie.
Louis Garrel réunit autour de lui des acteurs exceptionnels. Lui ferait-on le procès de se mettre une fois encore en scène (comme il l’avait déjà fait dans les trois précédents films dont il avait signé la réalisation Les Deux Amis, L’Homme fidèle, La Croisade), on lui répondrait qu’il ne se donne pas le beau rôle. Au contraire. Son personnage est un veuf triste, un fils inquiet et protecteur que la moindre prise de risque tétanise. Ce sont les trois autres personnages qui dirigent l’action et la font subir à Abel : Sylvie interprétée par Anouk Grinberg que l’on pensait définitivement rangée des voitures, Michel, ce voyou élégant dont Roschdy Zem endosse avec un plaisir communicatif le veston en cuir des petites frappes, et Clémence. Noémie Merlant est éblouissante dans ce rôle. On le pressent dès la bande-annonce où elle crève l’écran (je ne me lasse pas de l’entendre répéter « Je veux draguer le chauffeur »). On le mesure dans le fameux face-à-face dans le restoroute – malgré les faux-raccords sur son maquillage.
Cerise sur le gâteau : Louis Garrel a habillé sa bande-annonce de tubes des années 80 joyeusement démodés, dont les dégueulandos sont restés gravés dans notre mémoire : Pour le plaisir de Herbert Léonard, Nuit magique de Catherine Lara, Une autre histoire de Gérard Blanc….
Mon meilleur ami, cinéphile aux goûts pointus (il vénère Ruben Östlund, Peter Greenaway ou Michael Hanneke et ne supporte pas Cédric Klapisch ou Michel Hazanavicius) est sorti de l’Escurial très déçu. Le film, à l’en croire, était mal joué. L’intrigue d’après lui manquait de crédibilité. Sa conclusion, accuse-t-il, était prévisible et téléphonée. Je comprends sa critique. Je reconnais que L’Innocent ne restera pas dans les annales et que la marque qu’il laissera sera vite effacée. Pour autant, je me refuse à bouder le plaisir jubilatoire que ce feel good movie fait naître au croisement du polar, de la comédie familiale et de la romance.
J’avais trouvé un certain charme à La croisade bien que la fin fût, de mon point de vue, totalement ratée. Alors pourquoi pas ce film, vous donnez assez envie. (Et je me réjouis que ce blog soit votre oeuvre et non celle de votre meilleur ami 😀 )
Chère Delphine -Olympe,
Étant le meilleur ami incriminé, je me dois de vous rassurer : « En corps » fait partie de mes meilleurs souvenirs de ces derniers mois et j’ai beaucoup ri à « Coupez », donc loin d’être ce cinéphile pointu et intello, je ne boude jamais mon plaisir pour un film que j’estime réussi. Mais, au cas particulier, ce film « L’innocent » m’a laissé de marbre : j’ai très peu ri et je trouve le personnage interprété par Louis Garrel totalement improbable, passant d’une totale couardise au départ à la petite main d’un braquage et le rôle de Noémie Merlant me laisse également dubitatif, en apprentie braqueuse totalement déjantée ; si l’on ajoute une mise en scène que je trouve poussive et paresseuse (tous les clichés sur Lyon sont servis : fête des Lumières, amis catho, petites rues pittoresques…) mais, au vu des excellentes critiques, j’ai bien conscience d’être passé à côté de cette « comédie »
Cher meilleur ami,
Me voici donc en effet pleinement rassurée ! Mais il est vrai que l’humour est sans doute la chose la plus personnelle et la plus périlleuse à partager qui soit… Il ne me reste donc qu’à me faire ma propre idée en allant voir ce film. (Et à titre personnel, je vous rassure à mon tour, je n’ai absolument rien contre les intellos !)
Eh bien j’ai trouvé que c’était un très joli film, à la fois drôle et tendre.