Halim (Saleh Bakri) est un maleem, un tailleur réputé qui, selon une technique transmise depuis des générations, brode les caftans les plus élégants, dans une modeste échoppe de la médina de Salé, près de Rabat au Maroc. Il partage, avec sa femme Mina (Lubna Azabal), le lourd secret de son homosexualité, dans un pays où elle est encore pénalement sanctionnée. Mais l’arrivée d’un bel apprenti, Youssef (Ayoub Missioui), et la récidive du cancer dont Mina est atteinte rebattent les cartes.
L’actrice-scénariste-réalisatrice Maryam Touzani forme avec son mari Nabil Ayouch un sacré tandem.. Ils ont à tous les deux écrit et réalisé quelques uns des films marocains les plus marquants de ces dix dernières années : Much Loved, Razzia, Haut et fort…
On retrouve dans le deuxième film de Maryam Touzani, les mêmes ingrédients que dans le premier, Adam, qui avait pour sujet la condition d’une fille mère recueillie par une boulangère. On y retrouve d’abord la même actrice, impressionnante, Lubna Azabal. On y retrouve surtout la même ambiance confinée, là dans la minuscule boulangerie où cohabitaient les deux femmes de Adam, ici dans l’échoppe où Halim, Mina et Youssef travaillent. On y retrouve surtout la même inlassable détermination à dénoncer les tabous d’un Maroc hypocrite et viriliste.
C’est d’ailleurs le – seul – reproche que j’adresserais à ce film autrement remarquable : sa bien-pensance. On m’objectera que mieux vaut être bien-pensant que mal-pensant. Et on aura raison. On m’objectera surtout que ce reproche-là, à le supposer fondé, ne doit pas occulter les autres qualités du film. Sa principale est son immense sensibilité. Tout est beau, doux et touchant dans le trio que forment Halim, Mina et Youssef : l’immense amour de Halim pour son épouse, la résilience de Mina qui se bat contre le cancer qui va inexorablement l’emporter en grignotant des mandarines et en profitant des derniers petits bonheurs que la vie offre chichement, la timidité de Youssef et la relation qui se noue lentement avec son maître, faite de respect filial et d’attraction sensuelle…
Le Bleu du caftan dure sans doute trente minutes de trop. Mais ces trente minutes là ont pour fonction de préparer à la dernière scène, qu’on devine vite, mais qui n’en constitue pas moins une conclusion poignante à un drame réussi.