Un métier sérieux ★★☆☆

Doctorant besogneux en sciences physiques, après avoir échoué en médecine, Benjamin (Vincent lacoste) accepte un remplacement en mathématiques au collège. Ses premiers pas sont difficiles. Il a du mal à se faire respecter de ses élèves et, plus encore, à s’en faire comprendre. mais il peut compter sur l’accueil chaleureux et le soutien de ses collègues du lycée Molière : Meriem (Adèle Exarchopoulos), une autre prof de maths qui a un contact fantastique avec ses élèves, Fouad (William Lebghil), le prof d’anglais sur qui tout glisse, Sandrine (Louise Bourgoin), la prof de SVT psycho-rigide et Pierre (François Cluzet), le vieux prof de français qui leur sert à tous de grand frère ou de parrain.

C’est peu dire que j’avais beaucoup de réticence avant d’aller voir le nouveau film de Thomas Lilti, ce médecin généraliste passé par passion du cinéma à la réalisation et qui avait si bien documenté dans HippocrateMédecin de campagne et Première année le mal-être de l’hôpital et des professions de santé. Je pensais déjà en avoir épuisé les charmes en lisant son résumé, en regardant son affiche et en voyant sa bande-annonce : une longue publicité comme on en a déjà vu tellement (La Vie scolaire, Les Héritiers, Entre les murs…) pour l’Education nationale, dont la sortie coïncide opportunément avec la rentrée des classes, mettant à l’honneur une poignée de sympathiques enseignants qui, malgré un salaire insuffisant, une hiérarchie obtuse et un manque de moyens criant, réussissent tant bien que mal à transmettre à des élèves dont l’attention devient de plus en plus difficile à capter mais tout compte fait attachants, un peu de connaissance et beaucoup d’humanité.

Ce cahier des charges bien-pensant à souhait est hélas scrupuleusement rempli. Un métier sérieux passe en revue l’ensemble des épreuves que rencontre un professeur : les classes incontrôlables, le conseil de discipline convoqué pour sanctionner un élève qui est sorti des clous au risque de l’exclure définitivement, les frites à la cantine, la classe de mer, l’exercice alerte incendie et ses consignes inapplicables, etc… (il y manquait peut-être l’altercation avec le parent d’élève qui se pique d’apprendre au professeur son métier, une scène à peine ébauchée et qui, à en croire les professeurs de plus en plus souvent confrontés à cette situation désagréable, est hélas monnaie courante aujourd’hui).

Mais Thomas Lilti exécute ce programme imposé avec un tel talent qu’après une première demi-heure un peu lente à démarrer, on s’y laisse prendre. La galerie de personnages, brillamment interprétés par quelques-uns des meilleurs acteurs français du moment dont Lilti a su gagner la fidélité – Vincent Lacoste jouait déjà dans Hippocrate, François Cluzet dans Médecin de campagne et William Lebghil dans Première année – ne se réduit pas à des caricatures. Chacun gagne en profondeur au fur et à mesure que le film progresse au point qu’on en vient à l’apprécier comme le premier épisode d’une série à venir (sur le modèle de Hippocrate qui sait ?). En particulier la façon dont leurs vies privées et leur travail s’entremêlent, qu’on aurait pu craindre artificielle, est très bien réussie, qui montre qu’un bon prof, capable de résister à une classe de trente élèves, peut échouer dans l’éducation de son gamin – et vice-versa.
J’ai bien sûr fondu une fois encore pour Adèle Exarchopoulos que je trouve confondante de naturel et pour François Cluzet en vieux briscard de la salle des profs. Mais il faut aussi saluer le rôle terriblement ingrat de Louise Bourgoin.

Sans doute Thomas Lilti n’est-il guère sorti de sa zone de confort en sortant de l’hôpital. Sans doute ce film-là augure-t-il le suivant qu’il pourrait consacrer à la police et celui d’après à la magistrature, en attendant ceux sur les gardes-forestiers et les inspecteurs des impôts peut-être…. Ils utiliseront peut-être les mêmes recettes. mais, quand la recette est bonne, pourquoi ne pas la réutiliser ?

La bande-annonce

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