Présenté au festival de Sundance en janvier 2019, diffusé sur Netflix depuis juin 2019, nominé aux derniers Oscars (où American Factory lui fut préféré), Democracia em Vertigem (littéralement « la démocratie prise de vertige ») est un documentaire sur la vie politique brésilienne contemporaine. Sa réalisatrice, la jeune Petra Costa, n’hésite pas à s’y mettre en scène, elle et sa famille, composée pour partie de riches entrepreneurs liés au patronat conservateur et pour une autre de jeunes révolutionnaires anti-système.
Democracia em Vertigem évoque l’arrivée au pouvoir en 2003 de Lula, l’espoir qu’elle a suscité et les réalisations que le leader syndical devenu Chef d’Etat a accomplies. Il évoque également la succession de Lula huit ans plus tard, au terme des deux mandats successifs et non renouvelables que la Constitution brésilienne lui autorisait, par Dilma Rousseff, une économiste venue à la politique par le militantisme étudiant, qui connut la prison et la torture pendant la dictature militaire.
Le mandat de Dilma Rousseff fut interrompu en 2016 par une procédure d’impeachment menée par l’aile conservatrice de sa majorité parlementaire. On lui reprochait d’avoir maquillé les comptes de la Nation. Il s’agissait moins de remettre en cause son intégrité personnelle que sa politique. La procédure, très violente, a conduit à sa destitution et à son remplacement par le vice-président conservateur Michel Temer.
Pour remporter les élections présidentielles de 2018, Lula a fait un come back qui s’annonce victorieux. Mais sa campagne a été compromise par une procédure judiciaire à charge, menée par un juge acquis à l’opposition. Condamné à douze ans de prison, incarcéré, interdit de se présenter à l’élection présidentielle, Lula laisse la voix libre à Jair Bolsonaro qui l’emporte en octobre 2018 avec 55 % contre le candidat du PT.
Pour qui, comme moi, la connaît mal, Democracia em Vertigem a le mérite de faire découvrir la démocratie brésilienne de l’intérieur. On est surpris par sa violence. Les débats sont violents : ce qu’on voit de la procédure d’impeachment à la Chambre des députés, toute de bruit et de fureur, ravale nos questions au Gouvernement du mercredi après-midi à l’Assemblée nationale au rang d’aimable causerie. La vie politique est violente, qui broie les destins.
Malgré sa longueur (plus de deux heures), Democracia em Vertigem échoue pourtant à nous donner plus de clés. Le public visé est sans doute plus brésilien qu’étranger et est censé connaître déjà les ressorts d’une histoire que nous, de ce côté-ci de l’Atlantique, moins informés, découvrons.
Surtout, Democracia em Vertigem nourrit une frustration : ne pas s’être concentré sur la personnalité de Jair Bolsonaro et son incroyable élection. « Trump tropical », le personnage détonne et sidère. Son culot, son charisme, les idées provocatrices qu’il professe, font de lui un personnage de comédie. On le voit de-ci de-là s’agiter en coulisse pour la destitution de Dilma Rousseff. Son heure n’est pas encore arrivée ; mais elle sonnera bientôt. Et on regrette qu’il n’occupe pas le centre de l’écran.