Connaissiez-vous Jack Garfein (1930-2019) ? Moi pas.
Le documentaire de Tessa Louise-Salomé a le mérite de corriger cette lacune et de lever le voile sur ce réalisateur méconnu, proche de Lee Strasberg, le fondateur de l’Actor’s Studio.
Garfein fut metteur en scène de théâtre. Il réalisa deux films à Hollywood qui furent vite blacklistés pour leur audace. Adapté de la pièce de Broadway qu’il avait mis en scène et produit, Demain ce seront des hommes (1957) se déroule dans une académie militaire du sud des Etats-Unis et a pour héros un sergent sadique interprété par Ben Gazzara. Le second et dernier film de Jack Garfein, Au bout de la nuit (Something Wild dans la version originale … qui a inspiré le titre de ce documentaire) met en scène une jeune femme victime d’un viol dans Central Park. Le rôle est interprété par la femme de Jack Garfein, Carroll Baker, révélée quelques années plus tôt dans le rôle titre de Baby Doll d’Elia Kazan. Après ces deux films, Jack Garfein ne tourna jamais plus mais se consacra à l’enseignement.
Le jeune Jakob Garfein avait grandi dans une petite ville de l’actuelle Slovaquie sous la menace de l’antisémitisme nazi. Réfugié en Hongrie après l’annexion de la Tchécoslovaquie, il y fut néanmoins arrêté et déporté vers Auschwitz. Il survécut par miracle aux marches de la mort et fut libéré à Bergen-Belsen en 1945 alors qu’il pesait vingt-deux kilos à peine. Envoyé dans un orphelinat en Suède, il émigra aux Etats-Unis en 1946.
Le documentaire de Tessa Louise-Salomé est construit sur l’alternance de ces deux volets de la vie de Jack Garfein : ses souvenirs d’enfant et d’adolescent pendant la Seconde Guerre mondiale et sa carrière vite brisée à Hollywood dans les 50ies et 60ies. Bien sûr, les premiers sont poignants. Mais c’est le second volet de sa vie qui m’intéressait le plus. Et je regrette que la documentariste se soit laissée aller à la facilité de s’appesantir sur le premier, au risque de nous raconter une histoire qui, pour dramatique qu’elle ait été, nous est hélas tristement familière, alors que le second ne nous l’est pas.