5 septembre ★★★★

Le 5 septembre 1972, à Munich, un commando palestinien a pénétré dans le village olympique et y a pris en otage des athlètes israéliens. L’événement a marqué les esprits. Il a endeuillé les Jeux olympiques. Il a visé des Juifs alors que l’organisation des Jeux à Munich visait à effacer le souvenir sinistre des Jeux de 1936 à Berlin. Cette action retentissante a vulgarisé un mode d’action qui hélas est devenu de plus en plus fréquent dans les années suivantes : le terrorisme.

La prise des otages de Munich est entrée dans l’Histoire. le cinéma s’en est emparé. Kevin McDonald lui a consacré un documentaire remarquable, Un jour en septembre en 1999. Surtout, l’immense Steven Spielberg, dans Munich (2006), a raconté les patientes représailles organisées par le Mossad pour « venger Munich ».

Le suisse Tim Fehlbaum choisit une focale originale. Il ne raconte pas la prise d’otages proprement dite mais la manière dont ABC en a rendu compte. La chaîne américaine avait dépêché ses journalistes sportifs et ses équipes techniques pour filmer les épreuves en direct. Alors que rien ne les y préparait, cette équipe a retransmis en direct des images que près d’un milliard de téléspectateurs ont regardées.

Avec une redoutable efficacité et une admirable simplicité, 5 septembre raconte les faits tels qu’ils se sont déroulés et les décisions que l’équipe d’ABC a été obligée de prendre pour en rendre compte. Il nous montre le bricolage permanent que constituait, à l’époque, la réalisation d’un direct, avec des équipements qui, cinquante ans plus tard, nous semblent préhistoriques. Les légendes par exemple sont fabriquées à la main et filmées en gros plan avant d’être insérées au pied de l’image. Les images sont tournées en 16mm par d’énormes caméras sur des bobines qu’il faut patiemment développer. Avant l’ère du téléphone portable et des liaisons internet, les reporters communiquent via des téléphones à pièces ou des talkies walkies.

Mais, au-delà de ce bricolage bon enfant, le métier de journaliste, le 5 septembre 1972 à Munich, est autrement plus dramatique. Le film pose des questions éthiques qui sont toujours d’actualité. Une chaîne d’informations en continu a-t-elle le droit de tout montrer au nom de la transparence : l’exécution en direct d’un des otages au risque de traumatiser durablement ses proches ? le déploiement des forces de police sur le point de donner l’assaut au risque d’en informer les terroristes eux-mêmes ?
Autre interrogation éthique : quel degré de certitude la chaîne doit-elle avoir avant de diffuser une information ? Quand la rumeur court que les otages libérés sont sains et saufs, ABC peut-elle en rendre compte à l’antenne au risque d’accréditer cette information fragile et de susciter de fausses espérances sur leur sort ?

Ces questions, passionnantes, sont traitées avec une efficacité admirable. 5 septembre se déroule quasiment en huis clos dans l’atmosphère confinée de la régie de la chaîne. Quelques personnages, auxquels on a tôt fait de s’identifier, y travaillent dans une agitation frénétique : le directeur d’ABC Sports, Roone Arledge (Peter Sarsgaard), le chef débutant de la régie, Geoff Mason (Peter Magaro), un journaliste plus aguerri, Marvin Bader (Ben Champlin), une traductrice allemande, une des rares femmes de cette équipe ultra-testotéronée, qui s’avère vite indispensable, Marianne Gebhardt (Leonie Benesch).

5 septembre nous cloue à notre fauteuil. Durant toute la séance, ponctuée ces temps ci d’accès de toux et de reniflements, je n’ai pas entendu une mouche voler. Mené à un train d’enfer, 5 septembre ne nous laisse pas une minute de répit. Aurait-il été plus efficace encore s’il avait duré plus longtemps, au point de nous faire éprouver, dans notre corps, l’exténuation de cette prise d’otages interminable ?

La bande-annonce

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