D’une famille à l’autre ★★☆☆

« L’histoire vraie », nous dit l’affiche, « avait ému le Brésil ». Depuis quelques années, l’argument fait florès. Autant en emporte le vent ou La Grande Vadrouille étaient-ils « basés sur une histoire vraie » ? Pourquoi faut-il que les films se réclament de la réalité ? Pour émouvoir le spectateur plus qu’une œuvre de pure fiction ne le ferait ? Pour se donner une crédibilité dont l’absence l’affaiblirait ? Ou tout simplement parce que les scénaristes sont en panne d’imagination ?

L’histoire de Felipe/Pierre avait donc ému le Brésil. Felipe est élevé dans un milieu populaire. À dix-sept ans, il apprend qu’il a été volé à la maternité. Pierre de son vrai nom est recherché par ses parents biologiques, des bourgeois aisés qui espèrent rattraper le temps perdu.

Le précédent film d’Anna Muylaert m’avait beaucoup touché. Une seconde mère racontait l’ambiguïté des liens unissant un fils de famille à sa nounou. D’une famille à l’autre traite lui aussi, à sa façon, d’un dilemme familial. Vers qui la loyauté de Felipe/Pierre ira-t-elle ? Vers sa mère adoptive, aimante mais criminelle ? Ou vers ses parents biologiques qui ne conçoivent pas qu’il puisse être nostalgique de son passé ?

Le film d’Anna Muylaert souffre d’un défaut peu commun : sa brièveté. Il tisse des intrigues (le sort de la mère adoptive), trace des pistes (la bisexualité de Felipe/Pierre), esquisse des personnages secondaires (une sœur adoptive, un frère biologique) qu’il ne se donne pas, en une heure vingt-deux seulement, les moyens de traiter. La brièveté de ce format oblige son héros à ne se poser qu’une seule question : non pas celle de l’identité de ses parents mais celle de la sienne.

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Avril et le Monde truqué ★★☆☆

Avril et le Monde truqué est une uchronie steampunk. L’uchronie ou histoire alternative, c’est ce qui aurait pu être : que ce serait-il passé si Napoléon avait gagné à Waterloo ? Hitler à Stalingrad ? Le steampunk ou rétrofuturisme, c’est la science-fiction inspirée par un XIXe siècle de charbon et de vapeur.

Le pitch de ce dessin animé n’est pas simple à résumer : après la mystérieuse disparition des plus grands savants de la planète dans les années 1870, le monde se retrouve bloqué à l’âge de la vapeur. Avril, une jeune orpheline, qui rappelle par sa gouaille et son énergie garçonne Adèle Blanc sec, part à la recherche de ses parents disparus. Elle est aidée par un gentil grand-père, un joli voyou et un chat qui parle.

Les décors sont de Tardi qui a réinventé un Paris sans électricité, sans tour Eiffel et sans Sacré-Cœur. Tout se gâte dans la seconde partie qui bascule dans un tout autre univers plus proche de Godzilla que de Nestor Burma.
Dommage…

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007 Spectre ☆☆☆☆

Le vingt-quatrième James Bond est un nanar qui tient la route trente minutes avant de sombrer corps et âme.

Une histoire sans intérêt. Un générique kitchissime et une BOF… beaufissime. Un méchant, même pas méchant. Une James Bond girl aussi sexy qu’un thon sorti du congélo. Un James Bond vieillissant qui rappelle le Sean Connery asthmatique des Diamants sont éternels. Des pays exotiques sans l’ombre d’une trame géopolitique.

Bref une grosse, grosse déception…

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Francofonia, le Louvre sous l’Occupation ★☆☆☆

Le Louvre a commandé un film au réalisateur russe Alexandre Sokourov (Moloch, Faust) qui avait déjà consacré un documentaire à l’Ermitage, errance tournée en un seul plan séquence de quatre-vingt-quinze minutes. Pour filmer le grand musée parisien, il choisit un procédé tout autre, une mise en scène éclatée ; mais, dès le premier plan, il confesse ses doutes sur ce choix.
« Je pense avoir raté mon film » dit, via Skype, le réalisateur au capitaine d’un bateau qui convoie des œuvres d’art sur un océan déchaîné. Hélas, Sokourov est lucide. Son film est raté qui accumule des histoires parallèles manquant de cohérence.
Le fil rouge serait – comme le sous-titre de Francofonia l’annonce – l’histoire du Louvre sous l’Occupation. Hélas, le réalisateur s’en écarte pour parsemer la narration d’allers-retours inutiles entre le passé et le présent. Il y aurait eu pourtant beaucoup à dire sur le directeur du Louvre, joué avec une belle élégance par Louis-Do de Lencquesaing, grand commis de l’État qui tente de sauver les œuvres du Louvre sans y perdre son âme.

Ange & Gabrielle ☆☆☆☆

Ange & Gabrielle aurait pu être un des favoris des Gérard du cinéma 2015 qui désignent les plus mauvais films de l’année. Patrick Bruel y joue le rôle qu’il a déjà endossé mille fois du quinqua sexy sans attaches. Isabelle Carré joue, elle aussi, son rôle étendard de godiche qui déboule dans la vie d’Ange pour lui annoncer que son fils (à lui) a mis enceinte sa fille (à elle). S’ensuivent quelques dialogues convenus sur la paternité, quelques gags pas drôles sur la difficulté de l’assumer et un épilogue prévisible sur les vertus du mariage. L’alchimie entre les deux acteurs ne fonctionne pas une seule seconde et même Laurent Stocker, pourtant excellent, se ridiculise dans le rôle du meilleur ami… homo comme de bien entendu.

Ange & Gabrielle est une comédie romantique qui voudrait être de son temps alors qu’elle ne réussit tout au plus qu’à le caricaturer (« Un père, c’est un confident, un complice, un ami »). À fuir…

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Hunger Games – La Révolte : Partie 2 ★☆☆☆

Hunger Games saucissonne son dernier opus. On nous avait déjà fait le coup avec Harry Potter 7.2. Après le 3.1. sorti en 2014, le 3.2. constitue le quatrième épisode de cette trilogie (vous me suivez ?)

Le procédé n’est pas sans inconvénient. Le 3.2. commence là où le 3.1. finissait, laissant au bord du chemin tous ceux qui, comme moi, en ont perdu le souvenir. Autre défaut : le 3.2. est une longue bataille finale, celle qui clôt les films d’action, ici étirée sur deux heures (comme le dernier volet du Hobbit ou de Harry Potter).

Deux autres défauts sont propres à Hunger Games :

– Le premier volet ainsi que le deuxième étaient organisés autour du Hunger Game, une lutte à mort aussi cruelle que palpitante. Il n’y en a plus dans le troisième volet. Dommage.

– L’épilogue déroutant, dans le film comme dans le livre, nous frustre du combat final que tout pourtant semblait annoncer. Combat final tellement prévisible qu’on est reconnaissant à Suzanne Collins de nous l’avoir épargné, mais combat final si longtemps attendu qu’on est frustré d’en être privé pour une fin à tiroirs assez ratée, bien qu’inattendue.

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Tarzan ☆☆☆☆

Tarzan – la suite. Après que ses parents ont trouvé la mort dans la jungle, qu’une maman-gorille l’a élevé, qu’il a rencontré et épousé la belle Jane, le jeune John Clayton III est rentré en Angleterre. L’histoire du Seigneur de la jungle, inventée par Edgar Rice Burroughs avant la Première Guerre mondiale, est universellement connue. Elle a déjà donné lieu à de nombreuses adaptations cinématographiques.

David Yates, le réalisateur des quatre derniers Harry Potter, en imagine la suite. Nous sommes en 1890 au lendemain de la conférence de Berlin. Léopold II vient de mettre la main sur l’immense Congo. Il lorgne sur les mines de diamant dont l’accès est défendu par la tribu du chef Mbonga qui voue au jeune Tarzan une haine imprescriptible. Jouant de cette rivalité, le fielleux capitaine Léon Rom va tendre un piège au jeune lord et à sa ravissante épouse.

Le scénario de Tarzan n’est pas d’une particulière subtilité. D’un côté les gentils : le bodybuildé Alexander Skarsgård qui ne perd pas une occasion de quitter sa chemise pour dévoiler ses pectoraux, la sexyssime Margot Robbie qui, hélas, ne quitte pas sa chemise (le film est PG-13), Samuel L. Jackson en acolyte américain, habile tireur et anti-esclavagiste, et Djimon Hounsou en roi nègre moins cruel qu’il n’y paraît. De l’autre, le méchant : Christoph Waltz qu’on a un peu trop vu dans ce genre de rôles, de Inglorious Basterds à 007 Spectre en passant par Django Unchained, pour ne pas s’en lasser. Et au milieu, les gorilles, les lions et les éléphants, en images de synthèse, nettement moins réussis que l’ours de The Revenant.

On l’aura compris, Tarzan est d’une niaiserie abyssale et d’une laideur repoussante. Le scénario, d’une lourdeur éléphantesque, se traîne à un rythme d’escargot. Les scènes d’action, tournées dans la campagne anglaise sur fond vert, ne réussissent pas à réveiller le spectateur passablement endormi. Et la morale de l’histoire, qui voit un Blanc sauver les Noirs de la cupidité d’autres Blancs, charrie un racisme aussi primaire qu’involontaire.

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Lea ★★★☆

Après « Nos meilleures années », chronique de l’Italie au temps des Brigades rouges, et « Piazza Fontana », sur l’attentat à la bombe qui avait tué seize personnes à Milan en 1969, Marco Tullio Giordana continue à sonder l’histoire de son pays. Il s’est inspiré de l’histoire vraie de Lea Garofalo dont la mort tragique en 2009 avait ému la péninsule. Originaire de Calabre, elle avait eu un enfant d’un membre de la ‘Ndrangheta, la mafia locale. Pour se sauver et sauver sa fille d’une vie de violence, elle avait dénoncé son conjoint et ses acolytes à la justice. Mais, malgré la protection policière dont elle bénéficiait, elle disparut dans d’obscures circonstances.

Lea est interprétée avec une belle intensité par Vanessa Scalera, une star italienne, vue chez Bellocchio et Moretti mais peu connue en France. La caméra ne la lâche pas d’un pouce, dans tous ses déménagements, inséparable de sa fille. Après sa disparition, aux deux tiers du film, c’est cette fille, encore mineure, qui prend le relais dans le rôle de la femme déterminée.

Le montage de Mario Tullio Giordana est particulièrement étonnant. L’action s’étale sur plus de vingt ans, de l’adolescence de Lea au procès de ses assassins. Une telle amplitude aurait pu justifier un film fleuve, comme « Nos meilleures années » dont la version TV durait sept heures. « Lea » au contraire est ramassé en quatre-vingt-quinze minutes à peine. Du coup, chaque scène est réduite à l’os, livrant le minimum d’informations nécessaire pour comprendre la situation de Lea. De ce rythme haletant naît un sentiment d’urgence, comme si la vie de Lea lui était volée par le filet qui, lentement, resserre sur elle ses mailles, jusqu’à l’issue qu’on sait, dès le départ, tragique.

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Truman ★★★☆

La cinquantaine, Julián a décidé de cesser de se battre contre le cancer qui le tue à petit feu. Son ami Tomás vient du Canada lui rendre visite. Pour le faire changer d’avis ? Pour l’accompagner vers la mort ? Ou pour trouver un nouveau maître à son chien Truman ?

Le pitch de Truman est calamiteux. On imagine volontiers un film lacrymal, débordant de bons sentiments, sur la mort, l’amitié… et les bullmastiffs.

Truman est tout cela. Pourtant Truman mérite amplement les 5 Goyas – équivalents de nos Césars – que l’Académie espagnole lui a décernés en février dernier. Car si Truman traite de la mort, de l’amitié et de l’amour des bêtes, il le fait avec une délicatesse à laquelle le cinéma ne nous a pas habitués.

Il le fait en utilisant un biais très simple : celui de la pudeur virile. L’amitié qui unit Julián et Tomás n’est pas démonstrative. Pas de fous rires, d’embrassades ou de larmes. Pas de Miss You Already (Ma meilleure amie, 2016) pour reprendre le titre tellement caricatural de ce film – que je n’ai pas vu – sur l’amitié de deux amies face au cancer, mais des silences, des non-dits autrement efficaces et moins embarrassants.

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Sur quel pied danser ★★★☆

Julie est courageuse ; mais le monde du travail ne veut pas d’elle. Elle galère entre stages non rémunérés et CDD non renouvelés. Elle croit décrocher le Graal en trouvant un emploi dans une fabrique de chaussures pour femmes ; mais l’entreprise est menacée par un plan social.

On dirait un documentaire façon Entre nos mains ou Entrée du personnel. Ou un drame social façon La Fille du patron ou Ressources inhumaines. Sur quel pied danser l’est en partie, qui raconte une lutte ouvrière avec ses passages obligés et ses figures un brin caricaturales : un PDG cynique et manipulateur, un directeur d’usine écartelé entre l’amour de son métier et la peur de sa hiérarchie, des délégués syndicaux avec un cœur gros comme ça…

Mais Sur quel pied danser est plus que cela. C’est une « comédie musicale et sociale » comme on n’en faisait plus depuis Jacques Demy (Les Parapluies de Cherbourg, Peau d’âne) et comme on en refait depuis quelques années avec un certain succès (Chante ton bac d’abord, Les Chansons d’amour, 8 Femmes, Filles perdues cheveux gras…)

La B.O. est signée par la fine fleur de la chanson française : Jeanne Cher­hal, Clarika, Albin de la Simone, Olivia Ruiz… C’est léger comme un bonbon acidulé, élégant comme une paire d’escarpins et touchant comme Pauline Etienne qui confirme de film en film son talent.

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