« L’histoire vraie », nous dit l’affiche, « avait ému le Brésil ». Depuis quelques années, l’argument fait florès. Autant en emporte le vent ou La Grande Vadrouille étaient-ils « basés sur une histoire vraie » ? Pourquoi faut-il que les films se réclament de la réalité ? Pour émouvoir le spectateur plus qu’une œuvre de pure fiction ne le ferait ? Pour se donner une crédibilité dont l’absence l’affaiblirait ? Ou tout simplement parce que les scénaristes sont en panne d’imagination ?
L’histoire de Felipe/Pierre avait donc ému le Brésil. Felipe est élevé dans un milieu populaire. À dix-sept ans, il apprend qu’il a été volé à la maternité. Pierre de son vrai nom est recherché par ses parents biologiques, des bourgeois aisés qui espèrent rattraper le temps perdu.
Le précédent film d’Anna Muylaert m’avait beaucoup touché. Une seconde mère racontait l’ambiguïté des liens unissant un fils de famille à sa nounou. D’une famille à l’autre traite lui aussi, à sa façon, d’un dilemme familial. Vers qui la loyauté de Felipe/Pierre ira-t-elle ? Vers sa mère adoptive, aimante mais criminelle ? Ou vers ses parents biologiques qui ne conçoivent pas qu’il puisse être nostalgique de son passé ?
Le film d’Anna Muylaert souffre d’un défaut peu commun : sa brièveté. Il tisse des intrigues (le sort de la mère adoptive), trace des pistes (la bisexualité de Felipe/Pierre), esquisse des personnages secondaires (une sœur adoptive, un frère biologique) qu’il ne se donne pas, en une heure vingt-deux seulement, les moyens de traiter. La brièveté de ce format oblige son héros à ne se poser qu’une seule question : non pas celle de l’identité de ses parents mais celle de la sienne.