1967. L’Amérique est en effervescence. La guerre au Vietnam et la ségrégation raciale mettent le pays à feu et à sang. Pour maintenir l’ordre, la Garde nationale est appelée en renfort.
Le film de Kathryn Bigelow mérite les critiques élogieuses qui l’accompagnent. La réalisatrice oscarisée de Démineurs et de Zero Dark Thirty n’a rien perdu de son efficacité. Elle nous happe dans un récit haletant et ne nous en lâche pas durant 2h23. Et je le dis d’autant plus volontiers que je me plains souvent que les films sont trop longs.
Au cœur de Detroit, étirée pendant plus d’une heure, quasiment filmée en temps réelle, la reconstitution de la nuit du 25 juillet 1967. Unité de temps. Unité de lieu. Unité d’action. Se croyant sous le feu des balles d’un sniper, une brigade de la police de Detroit appréhende une huitaine de jeunes gens qui font la fête dans un hôtel : des Noirs pour la plupart et deux jeunes filles blanches en rupture de ban et en quête de sensations fortes auprès de ces mauvais garçons. À la tête de la brigade, un policier ivre de violence, dont les traits poupins ne sauraient faire illusion. Il forme avec ses hommes un concentré de racisme, de bêtise et de frustration sexuelle – devant ces Blanches si jeunes et si appétissantes qui se donnent à ces Noirs qu’ils méprisent.
Les critiques que vous lirez peut-être mentionnent le nombre de morts que laissera cette nuit sanglante. Le sachant, on a tendance à les décompter et à les attendre. De la même façon les critiques spoilent l’issue du procès qui aura lieu deux ans plus tard contre les policiers blancs. Je ne vous dirai ni l’un ni l’autre pour vous laisser profiter d’un scenario beaucoup plus ouvert que ne le sont ceux que la tyrannie du happy end condamne à un dénouement joué d’avance.
Une réserve toutefois. Kathryn Bigelow veut faire des événements – inspirés, comme il se doit, de faits réels – de l’Algiers Motel le produit inévitable d’un système raciste profondément ancré dans la psyché américaine et qui survit jusqu’à nos jours. C’est sans doute vrai. Mais, pour autant, quitte à paraître politiquement incorrect, cette récupération politicienne qui n’ajoute rien à la valeur cinématographique de Detroit me met mal à l’aise.