Happy End ★☆☆☆

Le Jeu des Sept familles façon Michael Haneke :
– Le grand-père (Jean-Louis Trintignant) ne se remet pas de la mort de son épouse qu’il a euthanasiée après une longue agonie et souhaite à son tour écourter ses jours ;
– La mère (Isabelle Huppert) a repris les rênes de l’opulente société familiale de NTP depuis que son père a pris du recul ;
– L’oncle (Mathie Kassovitz) est un chirurgien renommé qui joue au mari parfait avec sa seconde épouse alors qu’il passe ses nuits à échanger des messages pornographiques sur Messenger – en tout petits caractères – avec une brûlante violoncelliste ;
– Le fils (Franz Rogowski) qui renâcle à assurer la succession de sa mère est en proie à des pulsions autodestructrices ;
– La nièce (Fantine Harduin) est une enfant silencieuse qui a peut-être assassiné sa mère.

On est chez les bourgeois de Calais. Et c’est déjà là que le bât blesse. Parce que les grands bourgeois que décrit Haneke, leur impressionnante demeure, leur domesticité dévouée, ne vivent pas à Calais. À Néchin peut-être, à Neuilly sans doute. Mais pas à Calais. Pourquoi Calais alors ? Parce que Haneke veut que deux mondes se percutent. Celui des riches et celui des pauvres, réfugiés en tous genres qu’on voit par intermittence au second plan de l’image, sur le bord d’une voie expresse ou derrière une dune. On comprend le potentiel cinématographique d’une telle collision. Mais le choix malheureux du lieu du tournage le prive de toute crédibilité.

Haneke est peut-être l’un des plus grands cinéastes contemporains. Il n’a pas volé ses deux Palmes d’Or – double récompense dont ne peut s’enorgueillir qu’une poignée de réalisateurs (Francis Ford Coppola, Emir Kusturica, les frères Dardenne, Ken Loach). C’est sans conteste l’un des plus dérangeants. La violence verbale de certaines scènes du Ruban blanc m’ont durablement traumatisé. L’inéluctable déchéance physique d’Emmanuelle Riuva dans Amour m’a marqué à jamais.

Film choral, Happy End se présente comme un patchwork assumé de l’œuvre du cinéaste de la « glaciation émotionnelle » (« emotionale Vergletscherung »). Il revisite avec ses acteurs fétiches (c’est le quatrième film tourné avec Huppert) ses thèmes principaux : le sadisme des enfants, les perversions sexuelles des adultes, les pulsions morbides des aînés.

Mais un patchwork n’est pas un best of. Pris isolément, ces sujets ont donné naissance à des chefs d’œuvres hanekiens glaçants. Mis bout à bout, traités à la va-comme-je-te-pousse, ils provoquent un léger malaise et, pire, un profond ennui.

La bande-annonce

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