Depuis qu’un AVC a terrassé son père, Johnny doit assurer seul l’exploitation de la ferme familiale. Sa seule échappatoire : le pub du village où il se saoule méthodiquement chaque soir et y fait, de temps en temps, des rencontres masculines aussi brutales que brèves. Tout change avec l’arrivée de Gheorghe, un journalier roumain embauché par son père pour aider Johnny pendant l’agnelage.
Prenez 40% de Brokeback Mountain : l’histoire de deux mâles dans un environnement sauvage entre lesquels surgit un amour aussi pur qu’inavouable. Ajoutez 30% de Petit paysan, l’excellent film français dont le jeune héros supporte seul, non sans mal, le poids trop lourd de la responsabilité de l’exploitation familiale. Complétez avec 20 % de Mes Séances de lutte où Sara Forestier et James Thierrée trouvent dans la lute, violente, physique, sensuelle, le seul moyen d’expression de leur attirance réciproque. Assaisonnez de 10 % d’un film de Ken Loach ou d’un de ces films anglais qui gratte jusqu’à l’os ses personnages, déchirants de solitude et d’humanité tels que Hector ou Tyrannosaur avec Peter Mullan.
Seule la terre, le premier film de Francis Lee, est un peu tout cela. Pot-pourri mal digéré de modèles trop nombreux ? Que nenni ! Invention d’une histoire originale qui ne se réduit pas à la somme – ou à la moyenne – des influences qui l’ont nourrie.
Les deux acteurs principaux sont un chouïa trop beaux pour être crédibles. Mais le reprochait-on à Jake Gyllenhaal et Heath Ledger ? Josh O’Connor joue à la perfection le rôle ingrat du jeune adulte mal dans sa peau, obligé de choisir un métier qu’il ne veut pas, qui s’ouvre lentement à l’amour. Le rôle de Alec Secareanu est plus facile, qui incarne ce salarié roumain, victime d’un double a priori de classe et de race. Dans le rôle du père et de la grand-mère, Ian Hart et Gemma Jones, aperçus l’un comme l’autre dans la saga des Harry Potter, complètent un casting parfait.
Seule la terre est une vraie réussite. Un film âpre et doux. Une romance gay doublée d’un documentaire sur la vie paysanne.