Phantom Thread ★☆☆☆

Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis) est un immense couturier londonien qui ne vit que par son art. Sa sœur Cyril (Lesley Manville) veille jalousement à son bien-être et s’assure que rien ne le distraie de sa routine.
Reynolds Woodcock fait la conquête d’Alma (Vicky Krieps), rencontrée dans une modeste auberge sur la côte anglaise. Il la séduit et la ramène avec lui à Londres.

Les louanges pleuvent sur le dernier film de Paul Thomas Anderson. Au point qu’elles me complexent de juger trop sévèrement un film que je n’ai ni compris ni aimé. J’avais eu la même réaction début 2016 devant Carol, un film qui n’est pas sans présenter de nombreuses analogies avec Phantom Thread.

Pour commencer, les critiques considèrent le jeune réalisateur américain comme l’un des plus talentueux de sa génération. J’avoue ne pas partager cette admiration. Ni Inherent Vice, ni The Master ni même There WIll Be Blood ne m’avaient en leurs temps convaincu. Ce Phantom Thread inutilement maniéré me confirme dans le sentiment qu’Anderson loin d’être un génie est tout au mieux un habile faiseur.

Mais venons en à son dernier film. Commençons par la musique de Jonny Greenwood pour laquelle, là encore, on crie au génie. Tout en en saluant l’élégance de sa partition, je l’ai trouvée inutilement envahissante. Elle ne s’interrompt jamais. Quelle en est la fonction ? Qu’est-ce qui en justifie l’omniprésence pour des personnages qui jamais n’en écoutent ou n’en discutent ? On a parfois l’impression que le réalisateur, avec cette musique si racée, a voulu en rajouter une couche, comme un chef prétentieux qui étalerait du caviar sur un canapé de foie gras.

Évoquons les acteurs. Dans le rôle de l’oie blanche Vicky Krieps. Pour montrer qu’elle sort du ruisseau, on l’a découvre servant le petit déjeuner dans un troquet de province. Pour souligner combien Woodcock l’impressionne, on lui fait piquer un fard à chacun des mots qu’il lui adresse. Quant au personnage principal, il est interprété par Daniel Day-Lewis, un des plus grands artistes contemporains, le seul à avoir jamais emporté trois fois l’Oscar du meilleur acteur (en 1990 pour My Left Foot, en 2008 pour There Will Be Blood et en 2013 pour Lincoln) en attendant un quatrième peut-être pour ce Phantom Thread où il est nominé. Il est bien sûr terriblement séduisant dans le rôle du sombre Woodcock. Mais sa voix volontairement fluette et son jeu étonnamment monolithique – surtout si on le juge à l’aune de l’immense talent de cet acteur – finissent vite par lasser.

Venons-en à l’essentiel : le propos du film. On lit qu’il s’agit d’une vengeance féminine. Phantom Thread serait l’histoire du renversement d’un lien de domination. Il est difficile de discuter du comportement d’Alma sans révéler top hardiment le contenu du film. Mais je puis dire que la décision qu’elle prend, et qu’elle prend à deux reprises, pour renverser ce lien de domination, est radicale et surprenante, pour ne pas dire dénuée de toute crédibilité. Quant à la réaction de Woodcock, surtout à la seconde occurrence, il faudra que des spectateurs plus perspicaces que moi – et plus versés dans les relations de domination au sein du couple – me l’expliquent.

La bande-annonce

Le Retour du héros ★★☆☆

Au grand dam de Élisabeth sa sœur aînée (Mélanie Laurent), Pauline Beaugrand s’est amourachée du capitaine Neuville (Jean Dujardin). Le fringant officier doit aller combattre en Autriche et promet à sa fiancée de lui écrire chaque jour. Il n’en fait rien, la laissant dépérir. Élisabeth prend alors la plume et écrit, à la place de l’absent, des missives tendres où il narre une vie aventureuse. Mais, convaincue qu’il ne reviendra jamais, elle décide de faire mourir Neuville aux Indes pour permettre à sa sœur, vite consolée par un nobliau dégénéré, de tourner la page et fonder un foyer.
Mais tout se dérègle quand Neuville, qui avait en fait déserté les armées napoléoniennes, revient pouilleux et sans le sou.

Le Retour du héros mérite-t-il les critiques cinglantes qui ont accompagné sa sortie ? Je suis partagé. Et sans doute la présence à mes côtés de mon fils cadet, fan inconditionnel de Jean Dujardin dont il connaît par cœur chacune des répliques dans OSS117, m’a-t-elle influencé.

Certes Le Retour du héros n’est pas un chef d’œuvre. Loin s’en faut. C’est une grosse comédie signée par Laurent Tirard dont la marque de fabrique n’est pas la subtilité (Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté, Un homme à la hauteur). Un gros glaviot craché dans un landau ; une godiche qu’on subjugue en la giflant [c’est bien connu : les femmes aiment qu’on les gifle] ; des Cosaques le sabre entre les dents qui menacent de mettre à feu et à sang la douce Bourgogne [c’est bien connu : les Cosaques ont envahi la Bourgogne en 1812]. On est plus proche de Claude Zidi ou d’Édouard Molinaro que de Philippe de Broca ou de Jean-Paul Rappeneau.

Pour autant Le Retour du héros n’est pas aussi calamiteux qu’on le dit. D’abord par son scénario qui réussit à tenir la durée. Quand Neuville revient, Pauline pourrait révéler son imposture et le film s’arrêter faute d’enjeu. Mais Laurent Tirard et Grégoire Vigneron parviennent à multiplier les rebondissements inattendus, qui prennent à contre-pied le spectateur et le conduisent sans regarder sa montre à une conclusion qui n’était qu’à moitié escomptée.

Mais Le Retour du héros vaut surtout par son interprétation. Il faut dire un mot des rôles secondaires joués par une brochette d’acteurs impeccables dont le visage est souvent familier mais le nom injustement oublié : Féodor Atkine, Laurent Bateau, Christian Bujeau. Noémie Merlant dans le rôle de la sœur benjamine un peu cruche et Christophe Montenez dans celui de son mari pusillanime sont tordants.
Et bien sûr les deux héros principaux. Jean Dujardin qui réjouira ses fans – et désespèrera ceux qui considèrent non sans motif que sa carrière fait du surplace : toujours aussi séduisant, toujours aussi drôle. Mais surtout Mélanie Laurent qui n’est pas loin de lui voler la vedette sans en faire des tonnes, par quelques mimiques, quelques regards, quelques soupirs. La démonstration si besoin en était qu’elle compte désormais parmi les plus grandes.

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Revenge ★★☆☆

Trois hommes d’affaires ont l’habitude chaque année de se payer un week-end entre mecs dans une luxueuse maison au milieu du désert. Pour expulser leur trop-plein de testostérone, ils s’adonnent à leur passion : la chasse.
Mais cette année, l’un d’entre eux est arrivé avec sa jeune maîtresse. Sa présence ne laisse pas les deux autres mâles insensibles. Elle est violée, laissée pour morte. Mais la proie deviendra prédatrice.

Le Rape and revenge est un sous-genre à part entière, qui emprunte parfois au thriller (Millenium), au drame (L’Eté meurtrier), au film d’action (Kill Bill). Le scénario part d’un ou plusieurs viols  suivi de la vengeance de sa victime ou de ses proches. Le propos n’est pas sans ambigüité : si le viol est dénoncé, la façon d’y répondre, qui retourne contre ses auteurs la violence dont ils ont usés, est légitimée.

Coralie Fargeat, jeune réalisatrice française passée par les meilleurs écoles (Sciences Po Paris, l’atelier scénario de la Femis) utilise les codes du film d’horreur pour réaliser un rape and revenge movie décomplexé. La recette est simple : une femme, trois hommes, un viol qui la laisse pour morte, une revanche déclinée en trois actes. Elle est sans surprise. Elle ne s’embarrasse pas de crédibilité. Elle n’en est pas moins fichtrement efficace.

Un tel scénario aurait pu faire un navet. Mais Coralie Fargeat s’est donné les moyens de réussir un film qui se laisse regarder. Un budget de deux millions d’euros. Un tournage au Maroc. Et deux acteurs qui pimentent le casting : la hotissime Matilda Luz et le non moins sexy Keve Janssens qu’on aperçoit tour à tour, égalité des sexes oblige, dans les tenues les plus dénudées qui soient.

Et c’est peut-être là qu’on touche les limites de l’exercice. On lit en effet, en pleine affaire Weinstein et #MeToo, que Coralie Fargeat aurait signé un pamphlet féministe dénonçant les violences faites aux femmes. Mais quel public son film attira-t-il sinon quelques porcs que font saliver les jolies fesses [peachy ass en VO] de l’héroïne ?

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Finding Phong ★★☆☆

Phong a grandi dans la campagne vietnamienne, dernier fils d’une nombreuse fratrie. Depuis sa prime enfance une certitude l’habite [si j’ose dire] : il est une femme dans un corps d’homme.
Il décide de suivre un traitement hormonal et de se faire opérer en Thaïlande. Ce documentaire le suit pendant ce processus.

Finding Phong est un documentaire qui tourne le dos à tout psychologisme alors qu’il traite d’un sujet éminemment psychologique. La caméra des coréalisateurs, le français Swann Dubus-Mallet et le Vietnamien Phuong Thao Tran, filme dans la durée les transformations physiques de Phong : des seins qui gonflent trop lentement, des cheveux qui poussent et que Phong coiffe avec coquetterie, des tenues de plus en plus féminines…

Cette transformation nourrit chez le spectateur une curiosité un peu malsaine, vite satisfaite par quelques explications chirurgicales imagées. Mais il aura bientôt compris que l’essentiel se passe ailleurs, dans la tête. Et dans la tête de Phong, au fond, même s’il pleure beaucoup et souvent, il ne se passe pas grand-chose. Car Phong est un être simple. Il est une femme dans un corps d’homme. Point. Le documentaire n’entretient pas à ce sujet de suspense ni n’invente de rebondissement artificiel au risque de manquer de nerf.

Son environnement est plutôt clément à Phong. Certes sa mère ne voit pas d’un bon œil sa mue mais elle est la première à concéder que c’est par égoïsme maternel. Son père est plus philosophe. Et ses frères administrent une belle leçon de modestie quand ils avouent leur gêne initiale puis expriment leur respect de la liberté du choix de leur frère.

Finding Phong s’arrête à la sortie de la clinique thaïlandaise où Phong subit une vaginoplastie. Comme si Phong s’y était trouvé.e. On regrette que la caméra ne le/la suive pas encore quelque temps dans sa nouvelle vie. Ces quelques mois supplémentaires auraient permis de répondre à une question laissée en suspens :  Phong devient-il une femme du jour où il a un vagin ? On esquisse une réponse doublement négative : non car il l’était déjà avant son opération et non car il/elle ne le sera jamais tout à fait. Ou pour le dire autrement : la femme ne se définit pas par son vagin et le vagin ne fait pas la femme.

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La juste route ★☆☆☆

Un petit village hongrois au milieu de nulle part, en août 1945, prépare fébrilement le mariage du fils du maire. Mais la fête est gâchée par l’arrivée de deux Juifs qui transportent deux mystérieuses malles.
Que cherchent-ils ? Que transportent-ils ? Les interrogations que leur arrivée suscite bouleversent le petit village et obligent ses habitants à regarder le passé en face.

Impossible de voir aujourd’hui cette Juste route sans se rappeler Un homme est passé, le chef d’œuvre de John Sturges. Un manchot, interprété par Spencer Tracy (le rôle lui valut une de ses neuf (!) nominations à l’Oscar du meilleur acteur) descendait d’un train dans une bourgade perdue du Far West et suscitait l’hostilité générale en y cherchant le père d’un soldat japonais qui lui avait sauvé la vie durant la guerre du Pacifique. On apprenait plus tard que ce Nippo-Américain avait été la victime d’un crime raciste pendant la guerre.

C’est la même ambiance de western qui caractérise ce film hongrois. Même noir et blanc stylisé [oui oui Un homme est passé était en couleurs… mais ne pinaillons pas]. Même unité de temps, de lieu et d’action. Même personnages archétypiques, à commencer par ces deux Juifs mutiques qui cheminent derrière la carriole qui transportent leurs précieux chargements.

Sans qu’ils prononcent une parole, l’arrivée de ces deux visiteurs hystérise le village. On comprend vite que sa prospérité actuelle – que vient obscurcir la présence menaçante de l’occupant soviétique – est le fruit des spoliations passées. Le maire, le chef de gare, le curé, tous sont complices. Et l’ivrogne du village qui est tenaillé par le remords se voit rapidement sommer de se taire quand il recommande de tout avouer.

Le film est tendu par un suspense : que vont demander ces deux visiteurs ? que transportent-ils ? Il suffit de regarder l’affiche pour imaginer la réponse. Du coup, ce suspense assez pauvre ne suffit pas à lui seul à nourrir le film. Pour y remédier, le scénario se leste d’histoires secondaires, telle celle de la future mariée (qu’on voit sur l’affiche quoique son rôle soit secondaire et ses apparitions furtives) qui n’est guère attirée par son promis et lui préfèrerait volontiers un paysan pro-communiste ou celle du fiancé qui préfèrerait fuir l’ambiance délétère de ce village hypocrite que de s’y marier.

À force de s’interdire tout sentimentalisme, la mise en scène de Ferenc Tökör nous anesthésie. Dommage…

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Ni juge, ni soumise ★☆☆☆

Anne Gruwez est juge d’instruction à Bruxelles. Pendant trois ans, l’équipe de Striptease l’a filmée. Dans son bureau où elle auditionne des inculpés et décide leur mise en accusation. Sur les lieux des crimes où elle se déplace dans une 2CV chevrotante. À la police judiciaire où elle décide de rouvrir une vieille affaire restée irrésolue.

Jetez un œil à la bande annonce pour découvrir Anne Gruwez. Elle ne vous laissera pas indifférente.

La première réaction sera bien sûr le franc éclat de rire devant la drôlerie de ses réparties. On n’oubliera pas de sitôt l’audience d’une maîtresse SM qui enseigne par le menu à la juge fascinée – et à son greffier vaguement gêné – les secrets d’un massage prostatique réussi ou celle d’une famille consanguine abrutie. Bien sûr l’équipe de Striptease résume en cent minutes des heures de rush et des années d’audition qui n’étaient forcément pas toutes si hilarants. Mais le best of qu’ils ont amassé est franchement poilant. La salle ne s’y trompe pas qui, quasi-pleine et étonnamment âgée, s’esclaffe bruyamment – j’ai bien cru que mon voisin allait s’étouffer de rire.

Mais derrière cette réaction primaire s’en cache une seconde plus malaisante. C’est d’ailleurs celle qu’inspire les enquêtes de Striptease. Un sentiment d’incrédulité, de gêne, d’impudeur. Incrédulité devant les énormités que prononce cette magistrate qui lui vaudrait, en France, une convocation immédiate devant le CSM par exemple lorsqu’elle tient des propos racistes sur un Albanais accusé de violence conjugale ou devant cette avocate qui, bafouant les droits de la défense, enfonce son client, abruti d’alcool et de médicaments. Gêne devant des accusés qui, quels que soient leurs torts, ont dû signer une décharge autorisant Striptease à les filmer sans réaliser le ridicule dans lequel ils sont tournés. Impudeur d’un cadavre qu’on déterre par un beau jour d’été pour lui prélever de l’ADN sans que soit observée à l’égard de sa dépouille l’élémentaire décence que le respect des morts exige.

Bien sûr, en écrivant ce qui précède, j’ai conscience d’être un cul-serré, un Français scrogneugneu que ne font pas rire quelques bonnes blagues belges , un conseiller d’État péremptoire qui sacralise les principes déontologiques pour critiquer la réalité quotidienne de la vie d’un juge d’instruction qui se coltine avec la réalité. Peut-être… Mais quand même…

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Jusqu’à la garde ★★★★

Le divorce des Besson se passe mal. Miriam accuse son mari de violence conjugale. Elle a décidé de déménager, pour se protéger et pour protéger ses enfants. Joséphine, qui fête bientôt ses dix-huit ans, et Julien qui n’en a que onze encore, refusent de revoir leur père qui réclame un droit de visite. La juge aux affaires familiales doit trancher.

La scène qui ouvre Jusqu’à la garde voit, comme l’affiche l’annonce, une juge trancher un litige. D’un côté, une femme fluette murée dans un silence hostile qui se dit victime de harcèlement. De l’autre un colosse qu’on sent prêt à exploser d’une violence mal contenue qui réclame le droit de voir son fils. Qui a le droit (aurait crié Patrick Bruel) ? Le père, tranche la juge. Hélas elle a tort.

Car, très vite, l’ambiguïté qui caractérise cette première scène magistrale disparaît. Très vite, on comprend que les craintes de cette mère traumatisée ne sont pas exagérées, que son mutisme borné n’est pas la marque d’un féminisme revanchard ou castrateur mais la carapace qu’elle s’est construite pour se protéger et pour protéger ses enfants. Très vite, on comprend que la violence sourde du mari va exploser.

La tension du film se déplace. La question n’est plus de savoir qui du mari ou de l’épouse a tort. Elle est de savoir comment la violence du mari va s’exprimer. À qui va-t-il s’en prendre ? À sa femme qu’il harcèle en espionnant ses allées et venues, en la traquant sur son téléphone ? À son fils dont il a obtenu la garde un week-end sur deux et dont il essaie par un mélange de séduction et de terreur de reconquérir la tendresse ? À sa fille que protège désormais sa maturité et la passion qui la plonge dans les bras de son amoureux pour fuir un foyer sans amour ? À lui-même dans un acte désespéré et suicidaire ?

Jusqu’à la garde n’est pas un film sur un divorce douloureux – comme l’était L’Économie du couple que j’avais élu meilleur film de l’année 2016. C’est un thriller éprouvant sur un homme violent. La tension y est irrespirable. Le film, tendu comme un arc, est insoutenable. L’envie m’a pris de quitter la salle tant l’atmosphère qu’il distille est angoissante. C’est presque avec soulagement que vient la conclusion, paroxystique, mais, à mon avis moins intelligente que le reste de ce film exceptionnel.

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Wonder Wheel ★☆☆☆

À Coney Island, la plage de New York, en juillet 1950 [je ne suis pas peu fier d’avoir retrouvé la date exacte], Ginny (Kate Winslet) vit dans l’amertume de la gloire qu’elle n’a pas conquise sur les planches. Hier actrice prometteuse, aujourd’hui serveuse exténuée, elle est mariée sans amour à Humpty (James Belushi) et s’est prise de passion pour Mickey (Justin Timberlake), un maître nageur plus jeune qu’elle avec qui elle a une liaison.
C’est alors que déboule Carolina (Juno Temple) la fille de Humpty, recherchée par la mafia, qui va s’amouracher de Mickey au grand dam de Ginny.

Deux critiques pourraient être à tort adressées à Woody Allen.
La première concerne sa vie privée qui fait à nouveau scandale, vingt ans après sa séparation fracassante avec Mia Farrow et son mariage avec la fille adoptive de celle-ci. Les faits au cœur de la polémique actuelle ne sont pas nouveaux. Ils remontent à cette époque. Ils concernent Dylan, la fille adoptive de Woody Allen et de Mia Farrow dont celle-ci reproche à celui-là d’avoir abusé alors qu’elle était mineure. Ces accusations prennent un jour nouveau avec l’affaire Weinstein, révélée au grand public par le propre fils de Mia Farrow, le journaliste Ronan Farrow.

La seconde serait de reprocher au réalisateur octogénaire de tourner en rond, en filmant encore et toujours le même film. Ce serait inférer du générique en police Winston, avec ses acteurs classés par ordre alphabétique et sa petite musique jazzy, une identité qui n’existe pas. Au contraire de Hong San-Soo, de Pedro Almodovar ou de Xavier Dolan, autant de réalisateurs qui font preuve d’une décoiffante productivité, Woody Allen ne se réfugie pas dans la facilité. Loin de s’attacher la fidélité d’un petit cercle d’acteurs abonnés à chacune de ses œuvres, il renouvelle de fond en comble son casting n’hésitant pas à solliciter de futures stars en devenir. Il ne révèle pas des talents inconnus mais il a le don pour choisir dans la jeune génération les plus séduisants. Il a ainsi dirigé Leonardo DiCaprio (Celebrity), Julia Roberts (Tout le monde dit I Love You), Will Ferrell et Chiwetel Ejiofor (Melinda et Melinda), Scarlett Johansson (Match Point, Scoop et Vicky Cristina Barcelona), Ewan McGregor et Colin Farrell (Le Rêve de Cassandre), Penelope Cruz et Javier Bardem (Vicky Cristina Barcelona), Naomi Watts et Antonio Banderas (Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu), Owen Wilson et Marion Cotillard (Midnight in Paris), Cate Blanchett (Blue Jasmine), Emma Stone (Magic in the Moonlight et L’Homme irrationnel), Jesse Eisenberg, Kristen Stewart et Blake Lively (Café Society)… Quel réalisateur peut se targuer d’un tel tableau de chasse ?!

Il faut considérer Wonder Wheel indépendamment de ces considérations et prendre le film comme il est.
Et la vérité oblige à dire qu’il n’est pas bon.

Woody Allen abandonne le terrain de la comédie pour celui de la tragédie. Il ne fait plus rire.
Il rompt avec le rythme prestissimo de ces films ramassés et débordants de vitalité pour d’interminables scènes de théâtre filmé, passées de mode depuis le prix Nobel d’Eugen O’Neil. Il fait bâiller d’ennui.
Il laisse son chef opérateur Vittorio Sotaro – qui a travaillé avec Bertolucci et Coppola – éclairer d’une lumière stromboscopique les interminables monologues de Kate Winslet. Il fait mal aux yeux.

Allez donc voir Wonder Wheel en essayant d’oublier son auteur… ou plutôt n’y allez pas et attendez son prochain en espérant qu’il soit meilleur !

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Oh Lucy! ★★★☆

Setsuko, la cinquantaine, s’ennuie à Tokyo entre son appartement et son travail. Jusqu’au jour où sa nièce Mika lui fait rencontrer John, un jeune professeur d’anglais aux méthodes hétérodoxes. Contre toute raison, Lucy s’éprend de lui et lorsqu’il rentre soudainement en Californie, décide de l’y suivre. La mère de Mika l’accompagne.

Il y a deux films dans Oh Lucy!
Le premier, à cheval entre le Japon et les États-Unis, en décrit les différences culturelles. Le premier plan du film montre une foule de Japonais, dont beaucoup arborent un masque chirurgical, massés sur un quai de métro. Un homme se détache de la foule, se précipite sous les rails du métro et se tue. La caméra se resserre sur Setsuko, notre héroïne, qui se rend à son travail sous le choc du drame dont elle vient d’être le témoin. À son bureau, tout est codifié : les relations faussement cordiales entre collègues, la déférence respectueuse affichée avec le chef de bureau.
Tout est différent lorsqu’elle rencontre John qui l’affuble d’un nouveau prénom, Lucy, et d’une perruque blonde, l’oblige à ouvrir largement  la bouche (le comble de l’inconvenance au Japon) en guise d’exercice de prononciation et la prend dans ses bras en une accolade rituelle  (« hug ») qu’affectionnent les Américains pour manifester leur sympathie mais dont la signification décontenance les sociétés chez lesquelles le contact corporel est moins spontané.

Le second film dans le film raconte la crise de la cinquantaine d’une Japonaise qui étouffe dans une vie étriquée. Le sujet est moins original. Il n’en est pas moins remarquablement traité par la réalisatrice Atsuko Hirayanagi, qui avait réalisé sur ce thème un court métrage de vingt-deux minutes trois ans plus tôt. Dans le rôle de Setsuko/Lucy, Shinobi Terajima, une star au Japon, quasi-inconnue chez nous, réussit à rendre crédible un personnage qui aurait pu ne pas l’être. Au bord de la dépression voire du suicide au début du film, elle se réveille au contact de John et décide de briser les amarres en partant à sa poursuite dans une fuite en avant à la Thelma et Louise.

En salles depuis le 31 janvier, Oh Lucy! est condamné à l’anonymat par la sortie des blockbusters Les Tuche 3, Le Labyrinthe, Cinquante nuances plus claires… Dommage

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Le 15h17 pour Paris ☆☆☆☆

Le 21 août 2015, un terroriste surarmé a voulu assassiner les passagers du Thalys 9364 entre Bruxelles et Paris. Un carnage a été évité grâce à l’intervention héroïque de trois Américains en vacances en Europe.
Le 15h17 pour Paris retrace leurs vies.

Il y a deux façons de considérer ce film. La première est d’oublier qu’il a été réalisé par Clint Eastwood et de l’exécuter en deux phrases en se bornant à constater qu’il s’agit d’un navet sans intérêt. La seconde est de ce se demander pourquoi l’un des réalisateurs les plus (sur)côtés d’Hollywood s’est engagé dans cette galère.

Quand on a appris que les trois héros du Thalys 9364 tourneraient leurs propres rôles dans le dernier film de Clint Eastwood, on a froncé un sourcil interrogateur : le réalisateur de Impitoyable et de Million Dollar Baby se lancerait-il dans le documentaire ? Il n’en est rien. Le 15h17 pour Paris, quoiqu’inspiré de faits réels, est un film. Un film comme on en a déjà vu des palanquées. Un film qui, comme aujourd’hui il est de bon ton à Hollywood, est censé être d’autant plus émouvant qu’il est « inspiré de faits réels ». Mais un film qui déroule une histoire connu d’avance au suspense éventé avec des acteurs qui, reconnaissons-leur ce mérite, abattent honnêtement leur tâche, aussi novices soient-ils.

On aurait pu concevoir que Le 15h17 pour Paris raconte en temps réel les événements qui se sont déroulés vers 18 heures entre Bruxelles et Paris à bord de ce désormais célèbre Thalys. Il n’en est rien. Comme dans Sully, le précédent film de Eastwood, qui racontait l’acte héroïque du capitaine « Sully » qui fit atterrir son avion sur l’Hudson, Eastwood ne résiste pas à la tentation du flashback psychologisant, soit que l’événement lui-même ne suffise pas à faire la matière d’un film, soit que Eastwood veuille à tout pris comprendre et expliquer comment des citoyens ordinaires en viennent à accomplir des actes qui ne le sont pas.

Du coup nous voilà propulsés dix ans plus tôt dans un collège de Sacramento où nos trois Ricains sont copains comme cochons. Vous êtes venus voir un film sur un attentat terroriste commis dans un train ? On vous sert un film américain sur Riri, Fifi et Loulou convoqués chez le proviseur pour être arrivés en retard au bahut !

Ces gentilles gamineries prennent un bon tiers du film. Mais la suite n’est guère mieux. Riri, Fifi et Loulou ont grandi. Spencer essaie non sans mal d’intégrer l’armée. Alek, lui, part se battre en Afghanistan. Quant à Anthony… on en sait pas trop ; son rôle a dû être coupé au montage. Les trois amis, qu’on imagine volontiers inséparables, décident d’aller passer du bon temps en Europe. Ils atterrissent à Rome, visitent Venise, font un crochet par Berlin et Amsterdam, et après en avoir longuement délibéré (« les Parisiens sont malpolis … oui, bon, j’aimerais quand même faire un selfie devant la Tour Eiffel »), s’en vont visiter la France. Rien de leur odyssée touristique ne nous est épargné. On imagine volontiers que Clint avait envie de visiter Rome et a demandé à la production de lui organiser un tour : Colisée, Fontaine de Trévi, Piazza di Spagna, Vatican… on se croirait à une séance de Voyages et Connaissance du monde (avec un conférencier en detox qui dans un micro grésillant décrit ses diapositives de vacances).

Enfin arrive la scène du train. Un terroriste monte dans un train. Il s’enferme dans les toilettes pour charger ses armes. Il en sort et tire sur le premier venu. Spencer lui saute dessus, l’immobilise… et c’est fini.

Je viens de vous faire économiser dix euros.

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