Claire Simon devait tourner un court métrage avec des élèves de première, option cinéma, d’un lycée du Val-de-Marne. Avant de commencer ce travail, la réalisatrice les a filmés face caméra leur demandant de parler de la solitude. Leurs réponses l’a étonnée : au lieu de parler de leurs premières solitudes, les jeunes lui ont parlé de leurs parents, de leurs difficultés à communiquer avec eux.
La réalisatrice a eu l’idée d’en faire un long métrage.
J’aurais adoré aimer ce documentaire qui a priori présentait tous les ingrédients dont sont faits les films qui me touchent. Sa réalisatrice d’abord, dont on connaît depuis plus de vingt ans l’œuvre sensible, entre documentaires (Récréations sur une cour de maternelle, Le Concours sur la sélection à l’entrée à la Fémis) et fictions (Ça brûle, Gare du nord). Son sujet ensuite : ces jeunes lycéens à l’orée de leur vie, pleins d’enthousiasme et d’appréhension, de courage et de maladresse. Et enfin les critiques élogieuses qu’on lit depuis une semaine, saluant « un film exceptionnel de justesse, de sincérité, de pudeur et de profondeur » (Le Figaro), un documentaire « tour à tour drôle, malicieux, troublant et poignant » (Première).
Hélas, mille fois hélas, la sauce ne prend pas. Le documentaire est constitué d’une dizaine de saynètes où les jeunes sont filmés par deux ou trois dans leurs lieux familiers : les salles de cours, les terrains de sport, le bus… Le procédé frappe par son artificialité. Les dialogues sonnent faux, manquent d’authenticité. Il devient vite répétitif faute de ligne directrice. Les lycéens parlent de leurs parents, des couples souvent bancals : un père muré dans son silence que son fils, un grand malabar, ne peut pas évoquer sans pleurer, une mère qui regarde des films sur sa console pendant que sa fille dîne seule. Et ils parlent d’amour avec une candeur désarmante – loin de l’image inquiétante d’ados sevrés de vidéos X.
Sur le même canevas, David André avait filmé en 2013 un bijou Chante ton bac d’abord qui suivait des lycéens de Boulogne-sur-mer durant l’année précédant leur bac. Au contraire Premières solitudes s’étire trop sagement, trop gentiment, trop mièvrement, sans jamais susciter l’empathie ni même l’intérêt.