En 1897, Edmond Rostand (Thomas Solivérès) est un dramaturge maudit dont les précédentes mises en scène n’ont pas connu le succès. L’immense Sarah Bernhardt (Clémentine Célarié) lui donne une dernière chance : écrire une pièce pour le grand acteur Constant Coquelin (Olivier Gourmet).
Le jeune poète accepte volontiers. Les répétitions commencent bientôt. Seul problème : il n’a pas écrit une ligne…
Le bogosse du théâtre Alexis Michalik avait écrit et monté Edmond au Théâtre du Palais-royal. La pièce, auréolée d’une palanquée de Molières en 2017, joue depuis à guichets fermés. Un tel succès appelait une adaptation cinématographique que guettait un vice irrémédiable : le statisme du théâtre filmé.
Grâce à sa mise en scène pleine de panache (c’était bien le moins !), Edmond évite l’écueil sur lequel il menaçait de s’abîmer. Son rythme est endiablé. On ne s’ennuie pas une seconde. Les décors et les costumes sont impeccables. On verse même sa petite larme au dernier acte. Ses seconds rôles font merveille, de Dominique Pinon à Simon Abkarian.
Le film a l’audace de son classicisme assumé. Les situations, les personnages sont d’une candeur surannée. On se croirait hors du temps, dans une bande dessinée où Edmond Rostand, ses impeccables bacchantes, la pureté sans tâche de son amour conjugal et le génie de sa plume font penser à un personnage de Hergé.
Si on avait la dent dure, on dirait que Edmond est un peu cucul. Si on mégotait, on soulignerait que les seules émotions provoquées par Edmond sont celles qui naissent de la pièce de Rostand elle-même. Si on ergotait, on lui reprocherait de caricaturer le processus créatif qui, à l’en croire, aurait pour seul facteur déclenchant un verre d’absinthe et une échéance imminente. Si on voulait singer le style un peu pompier de Rostand, on n’achèverait pas ce paragraphe déjà trop long construit sur la même structure répétitive.
Mais, le film ne manquera pas d’engranger un succès immense, séduisant les jeunes comme les vieux, ceux qui aiment Cyrano comme ceux qui ne le connaissent pas, ceux qui, par millions, avaient vu et aimé l’adaptation de Rappeneau en 1990 – qui ex æquo avec Le Dernier Métro dix ans plus tôt a obtenu le plus grand nombre de statuettes jamais distribuées – et ceux qui trop jeunes verront désormais celle-ci. On s’est trop souvent lamenté de ce que les premières places du box office soient monopolisées par des comédies franchouillardes affligeantes ou par des blockbusters hollywoodiens stéréotypés pour s’attrister du succès de ce film-là.