Jeanne ☆☆☆☆

Il y a deux façons de recevoir le dernier film de Bruno Dumont. La première est de crier au génie. La seconde à l’imposture.

J’ai vu le film il y a trois jours et, dérogeant aux règles que je m’impose, ne suis pas arrivé à en faire la critique immédiatement. J’hésitais, j’oscillais, j’atermoyais… Je lui a mis successivement quatre étoiles (je criais au génie). Puis zéro (je criais à l’imposture). J’ai même failli renoncer à en parler – ce qui en aurait fait un cas unique depuis le 6 janvier 2016, ayant systématiquement depuis cette date historique chroniqué tous les films, hollywoodiens ou moldo-slovaques que je vois.

Bruno Dumont est un réalisateur intrigant. Je l’ai découvert avec La Vie de Jésus et L’Humanité, ses premiers films, à la fin des années quatre-vingt-dix, tournés dans ce Nord dont il est originaire, filmant une réalité sociale au scalpel. Puis lentement, Dumont m’a perdu. Son cinéma a pris avec Hors Satan et Camille Claudel 1915 un tour de plus en plus élégiaque. Le mysticisme dans lequel baignaient ses œuvres m’impressionnait autant qu’il me rebutait. « Pas mon kiff » comme le disent les jeunes d’aujourd’hui. Le divorce était consommé avec Ma Loute dont les bouffonneries outrées ont achevé de m’en détourner.

Vaguement masochiste, je suis allé voir Jeanne. J’étais curieux de découvrir ce que Dumont ferait de cette figure iconique qui a tant inspiré le cinéma de Georges Méliès à Luc Besson, tour à tour vierge sacrificielle, résistante nationale ou ado punk. J’avais raté Jeannette, sorti deux ans plus tôt, mal distribué et quasi invisible.

Dès les premières minutes, le décor est planté.
C’est bien simple : il n’y en a pas ! Le siège de Paris est filmé… sur une dune du nord de la France. C’est dans le même décor, dans un bunker allemand (sic), qu’on retrouvera deux heures plus tard la Pucelle emprisonnée avant son exécution. Entre les deux, son procès sera filmé, à rebours de toute crédibilité historique, dans la majestueuse cathédrale d’Amiens.

S’agit-il, comme on l’a déjà vu avec Roméo et Juliette ou Richard III d’une transposition à l’époque moderne d’un sujet dont on souligne de la sorte l’actualité ? Pas du tout. Dumont ne se revendique d’aucune modernité. Au contraire. On a l’impression que le décor a été choisi faute de mieux, parce que la production n’avait pas les moyens de reconstituer la place du marché de Rouen.

Dans ce décor incongru, les acteurs jouent. Mais s’agit-il vraiment d’acteurs ? Jouent-ils ? Bruno Dumont utilise des amateurs – et on se demande bien ce que Fabrice Lucchini (né en 1951) vient faire dans le rôle du roi de France Charles VII censé avoir vingt-six ans lors de sa dernière rencontre avec Jeanne d’Arc après son sacre à Reims.
Dans le rôle de la Pucelle, Bruno Dumont a choisi une gamine de dix ans. La jeune Lise Leplat Prudhomme est filmée en longs plans fixes, souvent en contre-plongée – pour la rapetisser ou pour suggérer qu’elle dialogue avec les cieux ? Elle n’affiche qu’une seule expression : le refus irréductible de plier devant ses interrogateurs. À force de répéter « cela ne vous regarde pas », elle nous fait passer l’envie de la regarder.
L’acteur qui interprète Gilles de Rais – entré dans la légende pour les crimes raffinés dont il s’est rendu coupable – n’est guère plus âgé.

La direction d’acteurs laisse perplexe. Elle vise en général à améliorer le jeu des comédiens, à le rendre plus naturel. Celle de Bruno Dumont semble-t-il vise le contraire : les rendre le plus ampoulé, le plus artificiel possible. Dans quel but ?

Et il y a Christophe. Oui. Christophe. Le chanteur septuagénaire dont le dernier tube remonte à 1967. Il interprète le rôle d’un moine encapuchonné dont les chansons illustrent pachydermiquement l’action qui se déroule. Mon amie Caroline Vié dans 20 minutes évoque un « soupir de surprise charmée » au moment de son apparition. Moins bienveillant qu’elle, j’ai surtout entendu dans la salle des ricanements sardoniques.

Je lis dans les Cahiers du cinéma que Bruno Dumont manie une « langue étrangère inouïe à l’intérieur du cinéma français ». Inouïe ou inaudible ?

La bande-annonce

Trois jours et une vie ★★★☆

Antoine a douze ans. Il vit seul avec sa mère (Sandrine Bonnaire) dans un petit village des Ardennes belges. Un jour en forêt, il tue accidentellement Rémi, le fils de ses voisins. Paniqué, il dissimule le corps.
Michel (Charles Berling), le père de Rémi alerte immédiatement la police. Une battue est organisée dont Rémi craint qu’elle permette de retrouver le cadavre de l’enfant et de révéler son crime.
Mais un évènement inattendu survient. Quinze ans passent.

Trois jours et une vie annonce son sujet dans son titre. Ce sont les 22, 23 et 24 décembre 1999 qui vont décider de la vie d’Antoine. Coupable d’homicide involontaire, l’enfant ne se résout pas à en faire l’aveu. Ni à sa mère, ni à ce médecin de famille (Philippe Torreton) qui se doute pourtant de quelque chose. Il portera le poids de cette culpabilité toute sa vie.

Les polars sont normalement construits autour d’un crime à élucider. Ils débutent par un meurtre. Ils se poursuivent par une enquête. Ils se terminent par sa résolution. Ils sont tendus par un fil narratif : qui a tué ?

Aussi efficace soit-elle la bande-annonce de Trois jours et une vie nous laisse augurer un polar construit sur ce schéma banal. Or, sa structure est différente. Sans s’embarrasser de flash-back compliqués, il suit le fil de la chronologie. On commence – un peu besogneusement – par suivre pendant une journée les faits et gestes des habitants d’Olloy, cette petite ville belge, encore traumatisée par les meurtres de Dutroux, qu’on ne quittera pas de tout le film. On y découvre Antoine et sa mère, Rémi, le petit voisin, Émilie, sa sœur aînée dont Antoine est secrètement amoureux, et leurs parents.

Et puis c’est l’accident. Et le sujet du film se dévoile. Il ne s’agit pas de savoir qui a tué Rémi. On le sait déjà. Il s’agit de montrer comment Antoine va survivre avec ce secret. Pour soutenir l’attention – et créer la tension – le scénario imagine que le cadavre de Rémi est sur le point d’être retrouvé, rendant le dilemme d’Antoine d’autant plus cornélien.

Mais la seconde partie du film est encore plus réussie que la première. On y voit Antoine, désormais interprété par Pablo Pauly (découvert dans Patients), revenir à Olloy et y redécouvrir tous les personnages vieillis d’une quinzaine d’années. Un épilogue ? Non. C’est bien plus compliqué. On n’en dira pas plus. On en a déjà trop dit. Mais le dernier quart d’heure, aussi peu crédible soit-il, est une horlogerie machiavélique qui broie Antoine et l’enferme jusqu’à l’ultime scène, dans une famille aussi oppressante que l’aurait été la prison.

La bande-annonce

Un jour de pluie à New York ★★☆☆

Gatsby (Timothée Chalumet) et sa fiancée Ashleigh (Elle Fanning) se sont rencontrés sur le campus d’une faculté. Prenant prétexte de l’interview que Ashleigh a décroché avec le grand réalisateur Roland Pollard (Liev Schreiber), le couple passe le week-end à New York. Pour Ashleigh, originaire de l’Arizona, tout est sujet à émerveillement.
Mais rien ne se passe comme prévu.

Un jour de pluie à New York a bien failli ne pas parvenir jusqu’à nous. Il a été interdit de sortie aux États-Unis par son producteur, Amazon Studios, suite à la polémique dans laquelle est prise Woody Allen, accusé d’abus sexuels sur sa fille. Mais, fort de la popularité dont il jouit encore hors de ses frontières, Mars Films, son distributeur en France, n’a pas reculé. Et c’est tant mieux.

On y retrouve, dès son générique jazzy, tous les ingrédients des films du réalisateur new yorkais. C’est sa principale qualité. C’est aussi sa principale faiblesse.

Comme d’habitude, Woody Allen filme New York et adresse une déclaration d’amour à sa ville. Comme d’habitude, il trousse des dialogues débités à la mitraillette qui font souvent mouche. Comme d’habitude, il a recruté, dans la garde montante du cinéma américain, ses jeunes acteurs les plus talentueux pour leur donner des rôles en or dans lesquels ils se coulent avec un plaisir communicatif. Évidemment, il faut saluer le jeu d’Elle Fanning, en ravissante idiote, dont Woody Allen filme mieux que personne l’ingénuité. Mais Selena Gomez à la voix si craquante mérite une mention spéciale.

Le problème est que cette recette sent le déjà-vu. Woody Allen tourne ad nauseam le même film, dans les mêmes décors, avec les mêmes dialogues et les mêmes situations.

Les acteurs changent. C’est vrai. Mais ils se coulent dans les rôles joués par leurs prédécesseurs. Timothée Chalamet reprend à l’identique les personnages de jeunes premiers jadis interprétés par Jesse Eisenberg (Cafe Society), Jason Biggs (Anything Else) ou Leonardo Di Caprio (Celebrity). Elle Fanning minaude comme Emma Stone dans Magic in the Moonlight ou L’Homme irrationnel. Il n’y a pas jusqu’au rôle de l’escort pleine d’esprit interprétée par Kelly Rohrbach qui ne rappelle celui interprété par Mira Sorvino dans Maudite Aphrodite.

Les films de Woody Allen ressemblent à cette vieille veste en tweed aux coudes renforcés qu’on a tant aimée, à la coupe aujourd’hui démodée et qui sent désormais l’antimite. On ne se résout pas à s’en débarrasser par nostalgie mais on n’ose plus vraiment la porter.

La bande-annonce

Tu mérites un amour ★☆☆☆

Lila (Hafsia Herzi) vit très mal sa rupture avec Rémi. Colère et abattement, désir et répulsion, jalousie et indifférence, ses sentiments sont aussi excessifs que douloureux.
Ses amis l’entourent et lui prodiguent des conseils. Oublier Rémi. Tourner la page. Vivre d’autres histoires d’amour.

On aurait aimé aimer ce film. Pour son titre si romantique – tiré d’un poème de Frida Kahlo. Pour son affiche si sensuelle. Pour son actrice-réalisatrice Hafsia Herzi qu’on avait découverte en 2007 dans La Graine et le Mulet et suivie dans la quasi totalité de ses films : L’Apollonide, La Source des femmes, Fleuve noir, L’Amour des hommes, etc. Et pour son sujet indémodable : le désamour et les remèdes pour en guérir.

Hélas, on n’a rien aimé. Ni l’héroïne, plus vulgaire qu’attachante. Ni la caméra plus artisanale qu’arty avec ses cadrages flous et ses lumières moches. Ni les rencontres répétitives et vite caricaturales de Lila avec un dragueur au cœur tendre (et aux oreilles décollées), un couple échangiste et un photographe sensible.

Hafsia Herzi aurait dû nous ravir avec son charme et son naturel. Elle nous horripile.

La bande-annonce

Mon frère ★☆☆☆

Teddy (MHD) est incarcéré dans un centre éducatif fermé pour avoir assassiné son père violent en protégeant son petit frère de ses coups. Il y est accueilli par un éducateur bienveillant (Jalil Lespert) et par une psychologue attentive (Aïssa Maïga). Mais la cohabitation avec les autres mineurs placés ne va pas de soi.

Le film de prison est un genre cinématographique à lui seul. Il compte un sous-genre qui lui est plus ou moins directement rattaché : le film sur des jeunes en prison ou dans des structures alternatives à l’incarcération. On pourrait à la limite y rattacher Orange mécanique ou If. On pense au film britannique Dog Pound sorti en 2010 ou au slovène Conséquences sorti au début de l’été. Plus près de nous, La Tête haute est la référence qui vient la plus spontanément à l’esprit. Succès critique et public, il suivait le parcours d’un adolescent tourmenté pris en charge par la Protection judiciaire de la jeunesse.

Mon frère creuse le même sillon. Le rôle principal est interprété par le jeune rappeur MHD – dont on apprend qu’il est actuellement incarcéré pour homicide volontaire. Le rôle joué par Benoît Magimel dans La Tête haute est repris, à la virgule près par l’excellent Jalil Lespert – que j’ai croisé l’autre jour devant le MK2 Hautefeuille. Seule innovation : le rôle joué par la toujours parfaite Aïssa Maïga qui permet à ses patients d’exprimer leur violence par la pratique de la boxe anglaise.

Racontant la prévisible intégration de Teddy à une communauté qui lui était a priori hostile, Mon frère n’innove guère. Grâce à une direction d’acteurs impeccable, la tension est maintenue tant que l’action se déroule entre les murs du centre. Elle se dilue quand les héros en sortent pour une échappée belle qui les conduira jusqu’à Amsterdam pour un épilogue aussi peu crédible qu’inutilement pathétique.

La bande-annonce

Nicky Larson et le Parfum de Cupidon ★☆☆☆

Garde du corps intrépide et misogyne, Nicky Larson (Philippe Lacheau) est recruté par le professeur Letellier (Didier Bourdon). Sa mission : récupérer le parfum de Cupidon, une fragrance qui rend irrésistible celui qui s’en parfume. Pour l’aider dans sa tâche, Nicky Larson peut compter sur la complicité de Laura (Elodie Fontan).

Fort du succès que lui ont valu Babysitting et Alibi.com, Philippe Lacheau s’est lancé dans l’adaptation d’un dessin animé emblématique de son enfance.

Sorti en février 2019, reprogrammé ces jours-ci dans les salles UGC à l’occasion de la Semaine de la comédie, le film a dépassé le million d’entrées. Un score plus qu’honorable pour une comédie française mais en demi-teinte par rapport aux succès précédents de Philippe Lacheau (Babysitting a dépassé les deux millions et Alibi.com les trois).

L’intrigue suit Nicky et Laura de Paris à Monaco à la recherche du parfum volé. Elle n’a pas grand sens, comme d’ailleurs souvent dans les films de ce genre. Nicky Larson vaut surtout par ses personnages cartoonesques et par ses gags souvent hilarants.

Nicky Larson manie sans vergogne les codes de l’humour potache façon American Pie, Austin Powers ou Mr Bean. Il faut être cul-serré pour ne pas en rire mais bien indulgent pour y trouver de l’intérêt.

La bande-annonce

Diego Maradona ★★★☆

Diego Maradona est peut-être le plus grand joueur de football de tous les temps. Sa gloire fut aussi grande dans les années quatre-vingt que sa déchéance sordide sur fond de cocaïne et d’obésité morbide dix ans plus tard.
À partir d’images inédites et des interviews du footballeur et de ses proches, le documentariste britannique Asif Kapadia retrace la vie de Diego Maradona.

Emir Kustirica, double Palme d’Or et grand amateur de ballon rond, avait déjà consacré au footballeur un documentaire en 2008. Son Maradona par Kusturica en disait plus sur son réalisateur que sur son sujet : il s’intéressait égocentriquement plus au fan qu’au footballeur.

La facture de Diego Maradona est plus classique, qui reprend les recettes déjà utilisées pour raconter la vie d’Ayrton Senna (Senna) et de Amy Winehouse (Amy).
Manifestement, Asif Kapadia ne brille pas par son imagination à concevoir les titres de ses films. Mais il se cache derrière celui-ci une thèse. Diego Maradona était un peu Dr Jekyll et Mr Hyde. Diego = le gentil gamin d’un bidonville portègne, timide et charmant, dernier fils d’une fratrie de quatre sœurs aînées. Maradona = le jet-setter frivole, l’amant domjuanesque, le tricheur, le drogué. Bref, vous l’aurez compris, le documentaire d’Asif Kapadia explore la double face d’une personnalité guettée par la schizophrénie.

Asif Kapadfia se concentre sur les sept années que Maradona a passées à Naples. Quand il y arrive en 1984, après un passage raté au FC Barcelona, le club est au bord de la relégation. La ville, gangrenée par la corruption, souffre de sa mauvaise réputation.
Maradona va vite en devenir la coqueluche. Grâce à lui, Naples sera sacrée deux fois champion d’Italie en 1987 et en 1990 et décrochera même la coupe de l’UEFA. Entretemps Maradona est entré dans la légende en remportant, sous le maillot national, la Coupe du monde au Mexique en 1986 – grâce notamment à un but contestable face à l’Angleterre en quart de finale. En 1990, le Mondial se déroule en Italie et la demi-finale oppose la Squadra Azzura et l’Albiceleste au stade San Paulo de Naples. Dilemme cornélien pour le public (qui de Maradona ou de l’équipe nationale doit-il soutenir ?) et pour Maradona lui-même (perdre, c’est s’attirer les foudres de l’Argentine, gagner, c’est s’attirer celles de l’Italie). J’avais oublié l’issue de cette demi-finale et laisse à ceux qui iront voir le documentaire – ou qui ont plus de mémoire que moi – le plaisir de la (re)découvrir.

La bande-annonce

Le Gangster, le Flic et l’Assassin ★★☆☆

Un gangster, qui contrôle l’industrie des machines à sous, fait régner par la terreur sa loi sur la ville.
Un flic aux méthodes hétérodoxes s’est juré de l’arrêter.
Un assassin commet des crimes en série. La police se met sur ses trousses. Il manque d’assassiner le gangster.
Sauf à accepter que son aura soit ternie, le gangster doit punir l’assassin. Le flic deviendra son allié dans sa chasse à l’homme.

Le cinéma sud-coréen ne se réduit pas au seul – et remarquable – Parasite. À côté de Bong Joon-Ho (le réalisateur de Parasite mais aussi de Snowpiercer, de Mother et de Memories of murder), de Park Chan-Wok (Mademoiselle, Old Boy) et de Lee Chang Dong (Burning), la Corée du Sud compte une foultitude de réalisateurs quasi anonymes capables de trousser des polars décomplexés.

Projeté à Cannes hors compétition, Le Gangster, le Flic et l’Assassin a réjoui les afficionados du genre. Il croque, comme une bande dessinée, des personnages caricaturaux : un gangster pantagruélique, un flic cool, un assassin psychopathe.

En rapprochant les destins du gangster et du flic, le film voudrait nous inviter à réfléchir aux frontières ambiguës entre le Bien et le Mal. Ce sous-texte moral n’est pas ce qu’il a de plus réussi. On se serait volontiers contenté de ses bastons en règle, de ses poursuites électrisantes, de ses rebondissements inattendus.

La bande-annonce

Viendra le feu ★☆☆☆

Un pyromane sort de prison. Après avoir purgé deux ans de peine, Amador Coro, la quarantaine, revient dans les montagnes de Galice à la ferme familiale. Sa vie s’y déroule paisiblement, auprès de sa mère, au rythme des saisons.
Jusqu’au jour où un feu meurtrier éclate.

Viendra le feu est un film déroutant. Sa scène d’ouverture montre d’immenses engins de chantier déraciner les arbres d’une forêt en pleine nuit. Une scène mystérieuse que rien ne reliera au reste du film.

Il ne s’y passe pas grand chose. Le héros mutique s’emploie aux travaux des champs et prodigue des soins aux vaches. Ses voisins réhabilitent une ferme pour en faire un gîte de vacances dans le but comprend-on d’attirer les touristes dans cette région désolée et pauvre.
Comme l’écrit avec humour Nicolas Schaller dans L’Obs, « c’est beau et vain, c’est bovin ».

Et soudain, sans qu’on en comprenne l’origine, un feu éclate. Symbolise-t-il l’explosion de pulsions tues comme dans Ça brûle de Claire Simon (2006) ? Amador, dont on nous a dit qu’il s’était déjà rendu coupable de faits similaires, l’a-t-il allumé ? La question pourrait nourrir une tension. Mais le réalisateur, tout à son éloge panthéiste d’une nature aussi apaisante que menaçante, s’en désintéresse.

Nous aussi.

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Vif-Argent ★☆☆☆

Juste (Timothée Robart) erre autour des Buttes-Chaumont. Amnésique, il est devenu invisible aux autres humains, sauf à quelques uns qu’il aide à se remémorer un souvenir agréable afin de faciliter leur « passage ».
Cette règle connaît une seule exception. Bien vivante, Agathe (Judith Chemla) peut voir Juste, lui parler et même le toucher. Agathe vit dans la nostalgie d’un coup de foudre qu’elle a eu pour un garçon, une nuit, à Istanbul. Elle croit le reconnaître en Juste.

Le premier film de Stéphane Batut frappe par son originalité. Il prend le pari culotté du fantastique, un genre très connoté, en imaginant l’histoire d’un Orphée des temps modernes circulant entre le royaume des morts et celui des vivants. Mais il le marie à un naturalisme radical en mettant en scène un coup de foudre romantique dans les rues de Paris, une histoire d’amour impossible entre une Juliette bien vivante et un Roméo déjà mort.
On pense à la série française Les Revenants ou, si l’on a la quarantaine bien frappée, à Ghost avec Demi Moore et Patrick Swayze.

Vif-argent – un titre dont on peine à comprendre la signification – a beaucoup de charme. C’est un film intrigant dont on se demande quelle métaphore il file et où il veut nous mener. mais très vite, le scénario s’épuise autour d’une trame ultra-convenue : l’amour plus fort que la mort. Sa direction d’acteurs ne le sert guère : inconnu au bataillon, Timothée Robart brille par son manque de charisme. Quant à Judith Chemla, dont on dit le plus grand bien, je la trouve plus agaçante que séduisante.

La bande-annonce