Eve Monlibert (Karin Viard), la quarantaine bien entamée, est une femme heureuse. Elle vit à Vienne, en Autriche, avec son mari, célèbre chef d’orchestre. Le couple a remédié à son manque d’enfant en adoptant un petit Guatémaltèque baptisé Malo. Entre réceptions, cocktails, dîners mondains, Eve et Henri mènent la vie luxueuse d’un couple d’expatriés.
Ce bel ordonnancement est malheureusement rompu par la découverte de la relation adultère qu’entretient Henri avec Tina, la maîtresse d’école du petit Malo.
Eve est prête à tout pour sauver son mariage.
Les Apparences va, à n’en pas douter, remporter un grand succès, public et critique, et ramener, espérons-le, sur le chemin des salles un public qui les boude. Il met en scène un duo d’acteurs populaires qui attirera les spectateurs. Il décrit un milieu original et rarement filmé : celui de la communauté des Français expatriés dans une capitale étrangère. Il raconte enfin une histoire à rebondissements qui tiendra en haleine le spectateur jusqu’à son dénouement final.
Pour autant, malgré ses qualités incontestables, Les Apparences m’a déplu. Pour quatre raisons.
Premièrement, son actrice principale. Karin Viard, ma presque contemporaine, joue au cinéma depuis trente ans. Il ne se passe guère d’années sans que je la voie dans un de ses films. je l’ai toujours appréciée pour l’étendue de son jeu, pour sa capacité à passer de la comédie au drame. Mais depuis quelques années, je commence à m’en lasser, à la trouver un peu répétitive, dans des rôles interchangeables de grandes bourgeoises au bord de la crise de nerfs qu’elle interprète le regard durci dans une mimique de froide colère. Est-elle en voie d’Isabelle-huppertisation ? ou est-ce moi qui, vieillissant, ai décidément vu trop de films pour avoir conservé la capacité de me laisser étonner ?
Deuxièmement, son cadre. Abandonnant la bourgeoisie provinciale dans laquelle tant de drames ont été filmés, Marc Fitoussi s’expatrie. Il part en Autriche filmer une société qu’il caricature. Les premières scènes sont calamiteuses qui sont censées planter le décor dans lequel Eve et son mari évoluent. Pascale Arbillot y est horripilante. On y voit quelques expatriés dîner ensemble. Leurs seuls sujets de discussion sont les difficultés à se ravitailler en fromage français, le niveau de leur indemnité d’éloignement et l’incompétence de leurs employées de maison polonaises. Que les expatriés puissent avoir, hélas, de telles discussions n’est pas faux, mais que leurs vies s’y réduisent est en revanche loin de la réalité.
Troisièmement, son histoire. Le scénario des Apparences suit sans temps mort une mécanique rigoureuse. J’avoue une certaine mauvaise foi à trouver à y redire. Néanmoins, comme chez Chabrol du côté duquel Fitoussi louche ostensiblement, il y a dans les rebondissements successifs de cette histoire, un certain dilettantisme. Le mot peut sembler inapproprié. Je m’explique : il y a dans les rebondissements du film, dans les bifurcations qu’il prend, une telle place laissée au hasard qu’on aurait très bien pu imaginer qu’il s’achève différemment. D’ailleurs le roman suédois dont il est librement adapté prend des chemins totalement différents.
Quatrièmement enfin, son « climat ». Comme dans les films de Chabrol, que je ne porte pas dans mon cœur, tout est vieux dans Les Apparences. Même Lætitia Dosch dont Marc Fitoussi réussit le triste exploit de la vider de la folle vitalité qu’elle apportait à Jeune femme. Cette Vienne lugubre, ces dîners crépusculaires, ces personnages mesquins rongés par la jalousie, tout y respire la dépression.
Les Apparences carbure au Xanax. Désolé, ce n’est pas (pas encore ?) ma came.
J’ai vu tardivement le film,hier, en l’occurrencé j’ai repensé à votre critique et me voici. J’ai bien aimé le film. Je l’ai trouvé assez fin et BB avec son brushing atroce excellent. Il me semble que KV ne joue pas toujours les bourgeoises, par exemple dans une chanson douce. Dans le film, elle ne se préoccupe pas seulement de parfum et de fromage mais est une excellente directrice de médiathèque selon la savoureuse Evelyne Buyle. Si Vienne est crépusculaire c’est parce qu’elle est le lieu de l’invention de la psychanalyse. Quant aux rebondissements, je suis d’accord ils sont tirés par les cheveux. Néanmoins, au delà de son bourdieusisme assumé, la fille d’un milieu simple qui a accédé par mariage à un milieu inespéré mais qui n’en a pas acquis tous les habitus, le film fait le portrait d’une femme vraie au sens ou elle aime son mari au delà des apparences, ce qui ne la dédouane en rien puisque ce sentiment qui l’honore la conduit à nuire absolument à son prochain.
Je n’arrive à pas à ne pas être d’accord avec chacun de vos arguments pris l’un après l’autre…. et pourtant cela ne suffit pas à emporter mon adhésion sur le film pris dans son ensemble !