Laurent (Jérémie Rénier) est sous-officier de gendarmerie. Il commande une petit brigade en Seine-maritime, sur les bords de la Manche où il aime naviguer sur le bateau qu’il a acheté avec son meilleur ami. Il vient de demander la main de sa compagne, Marie, dont il partage la vie depuis dix ans et avec qui il a eu un enfant (interprétée par la propre fille du réalisateur et auquel elle ressemble étonnamment). La vie de la brigade et de ses militaires est ponctuée de petits drames ordinaires : un suicide du haut des falaises d’Etretat, un jeune qui circule sans casque et sous emprise, un poivrot qu’il faut raccompagner chez sa mère (Xavier Beauvois en caméo), un agriculteur qui part en vrille…
Tout semble aller pour le mieux dans la vie heureuse de Laurent jusqu’à ce qu’un drame ne fende sa vie en deux.
Xavier Beauvois est un réalisateur qui s’est toujours attaché à filmer le groupe : les membres d’une congrégation religieuse dans Des hommes et des dieux, les policiers dans Le Petit Lieutenant, les femmes laissées seules par les hommes partis au front en 1914 dans Les Gardiennes (qui avait révélé Iris Bry qu’on retrouve ici dans un rôle secondaire). C’est avec la même réussite qu’il filme dans Albatros le quotidien d’une caserne de gendarmerie. Le film devrait devenir iconique dans les écoles de gendarmerie – comme Le Chant du Loup l’est déjà à l’Ecole navale – tant il donne une image à la fois documentée et valorisante du métier de gendarme.
Cette (trop ?) longue exposition constitue la première partie d’un film qui en compte deux. Il est coupé en son milieu par un drame que la bande-annonce a montré mais dont je ne dirai rien pour ne pas encourir de procès en divulgachage. C’est la meilleure partie du film si on la considère non pas comme un préambule, mais bien comme l’objet du film : la narration humble d’un quotidien sans histoire fait de mille histoires.
Dans sa seconde partie, le film bascule. Il raconte la lente reconstruction d’un homme brisé par un drame qui a fait éclater sa vie. Il emprunte pour se faire un cheminement étonnant, quasi mystique, qui nous transporte loin des horizons minuscules de la première partie. Il faut sans doute y voir la marque du mysticisme de Xavier Beauvois dont le cinéma est traversé par des interrogations existentielles. Si le film y gagne peut-être en profondeur, il y perd malheureusement en fluidité et risque de se noyer (c’est le cas de le dire !) dans un fatras métaphysique. Il est sauvé de justesse par son dernier plan, d’un étonnant romantisme qui , fleur bleue que je suis, m’a immanquablement fait fondre.