Karim D. est un jeune écrivain bourré de talent dont le premier livre autobiographique est chaleureusement accueilli par la critique. Mais alors que Karim célèbre son entrée dans la République des Lettres, d’anciens tweets, haineux, antisémites, misogynes, publiés sous pseudonyme plusieurs années plus tôt, ressurgissent et mettent à mal sa réputation.
Laurent Cantet s’est directement inspiré de l’affaire Mehdi Meklat qui avait éclaté en 2017. Ce jeune artiste plein de talent écrivait depuis son plus jeune âge des billets, des articles pour la radio et Internet. Au Bondy Blog, dont il devint l’un des piliers, il donnait une voix aux jeunes des banlieues, immigrés de la deuxième génération. En pleine promotion de son livre, Minute, une polémique a éclaté au sujet de tweets odieux qu’il avait publiés entre 2011 et 2015 sous le pseudonyme de « Marcelin Deschamps ». Mehdi Meklat s’est excusé et s’est expliqué de ses tweets, plaidant à la fois l’existence d’un « double maléfique » et le « droit à la provocation »
J’adore Laurent Cantet dont j’ai aimé tous les films depuis Ressources humaines (qui a révélé Jalil Lespert) jusqu’à L’Atelier (tourné à une encablure de Sanary-sur-mer) en passant par L’Emploi du temps, son adaptation de l’affaire Romand, et bien sûr sa Palme d’or Entre les murs qui l’a fait entrer en 2008 dans la cour des Grands. Je trouve que ce réalisateur a le don de tourner des films ancrés dans une réalité très contemporaine, de raconter une histoire, de diriger des acteurs souvent novices, en un mot de faire du cinéma.
Pour autant, j’ai trouvé que Arthur Rambo, dont j’attendais beaucoup, n’était pas au diapason de ses précédents films.
Pour deux raisons .
La première est mineure : j’ai trouvé le jeu des acteurs très médiocre et au premier chef celui du personnage principal interprété par Rabah Naït Oufella que la caméra ne quitte pas d’une semelle pendant les vingt-quatre heures que dure l’intrigue.
La seconde est plus substantielle. Elle concerne le sujet même du film. D’abord ce qu’il n’est pas : l’histoire d’un homme dont la trajectoire ascendante est brutalement interrompue par la révélation d’une page peu glorieuse de son passé. Depuis que j’ai vu Le Procès de Welles, inspiré de Kafka, le thème de la culpabilité, de l’épée de Damoclès qu’elle fait peser sur nos existences tranquilles, me fascine et me hante. J’aimerais que le cinéma s’empare de personnages tels que Griveaux, Benalla, Cahuzac ou Thévenoud dont les brillantes trajectoires ont été brutalement interrompues et qui, du jour au lendemain, sont devenus des parias honnis. Comment vivent-ils ces moments-là ? Comment y survivent-ils ensuite ? Tel n’est pas le sujet de Arthur Rambo, même s’il se focalise sur les heures qui précèdent et qui suivent le brusque revirement de fortune de son héros, décapité en pleine gloire.
Comme son titre l’indique, comme son affiche le montre, Arthur Rambo se focalise sur une autre facette du personnage : sa schizophrénie. Laurent Cantet s’est demandé comment l’écrivain si sensible d’un livre à succès sur le parcours d’un immigré de banlieue pouvait « en même temps » être l’auteur de tweets si ignobles. Il est vrai que la question avait soulevé un vif débat en 2017. Deux camps s’opposaient : ceux qui ne trouvaient à Mehdi Meklat aucune excuse et ceux qui lui en trouvaient.
La réponse – mais elle n’engage que moi – est simple. Claude Askolovitch l’avait à l’époque formulée à peu près en ces termes : ces tweets haïssables étaient des blagues pas drôles d’un gamin sans surmoi. Le problème est que cette réponse là, celle même dont je m’étais convaincu dès le début du film et dont je n’ai pas changé, le vide de tout intérêt.